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Citations sur Oeuvre poétique, 1925-1965 (88)

ABSENCE

Je devrai donc la soulever, la vaste vie
qui reste aujourd'hui même ton miroir :
chaque matin, je devrai donc la rebâtir.
Tu m'as quitté ; depuis,
combien de lieux devenus inutiles
et privés de sens, comme
des lampes à midi.
Soirs, nids de ton image,
musiques où toujours tu m'attendais,
paroles de ce temps passé,
je devrai vous briser de mes mains.
Dans quel fossé réfugier mon âme
pour ne plus la voir, cette absence
qui brille comme un terrible soleil
définitif, sans couchant, sans pitié ?
Je suis cerclé par ton absence
comme la gorge par la corde,
comme qui coule par la mer.

in Ferveur de Buenos Aires
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Art poétique

Voir que le fleuve est fait de temps et d'eau,
Penser du temps qu'il est un autre fleuve
Savoir que nous nous perdons comme un fleuve,
Que les destins s'effacent comme l'eau.

Voir que la veille est un autre sommeil
Qui se croit veille, et savoir que la mort
Que notre chair redoute est cette mort
De chaque nuit, que nous nommons sommeil.

Voir dans le jour, dans l'année, un symbole
De l'homme, avec sesjours et ses années ;
Et convertir l'outrage des années
En harmonie, en rumeur, en symbole.

Faire de mort sommeil,, du crépuscule
Un or plaintif, voilà la poésie
Pauvre et sans fin. Tu reviens, poésie,
Comme chaque aube et chaque crépuscule.

La nuit, parfois, j'aperçois un visage
Qui me regarde au fond de son miroir ;
L'art a pour but d'imiter ce miroir
Qui nous apprend notre propre visage.

On dit qu'Ulysse, assouvi de prodiges,
Pleura d'amour en voyant son Ithaque
Verte et modeste ; et l'art est cette Ithaque
De verte éternité, non de prodiges.

Il est aussi le fleuve interminable
Qui passe et reste, et reflète le même
Contradictoire Héraclite, le même
Mais autre, tel lle fleuve interminable.
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Échecs

II

Tour droite, fou diagonal, reine acharnée,
Roi vulnérable, pions qu'achemine l'espoir,
Par les détours fixés d'un ordre blanc et noir
Vous cherchez, vous livrez la bataille obstinée.

Mais qui de vous sent sa démarche gouvernée ?
La main ni le joueur, vous ne sauriez les voir ;
Vous ne sauriez penser qu'un rigoureux pouvoir
Dicte votre dessein, règle votre journée.

Le joueur, ô Khayam ! est lui-même en prison,
Et c'est un échiquier que l'humain horizon :
Joueurs blancs et noires nuits, route stricte et finie.

La pièce se soumet à l'homme, et l'homme à Dieu.
Derrière Dieu, qui d'autre a commencé ce jeu
De poussière, de temps, de rêve, d'agonie ?
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Odyssée, LIVRE XXIII

La lourde épée en fer, l'arc longtemps relégué
Ont fait leur œuvre de justice et de vengeance.
Par la lance et le dard la misérable engeance
Des prétendants gémit dans son sang prodigué.
Ulysse a retrouvé son royaume et sa reine
A travers les vents gris et le fracas d'Arès,
Malgré la haine du Trident et les agrs
Mis en pièces, malgré le charme et la sirène.
Dans l'amour, dans le lit préservés par la foi,
La claire reine dort sur le cœur de son roi ;
Mais où donc est la mer et la vague qui sonne,
Mais où sont-ils, les jours et les nuits de l'exil,
Et ce destin de chien sans âtre ? Où donc est-il,
Cet homme qui disait qu'on l'appelait Personne ?
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À un poète mineur de l'anthologie

Qu'est devenue, ami, la mémoire des jours
que tu possédas sur cette terre, ce tissu
de bonheur et de douleur, ton univers à toi ?

Le dénombrable fleuve des années
a tout égaré ; tu n'es plus qu'un nom dans un index.

Les autres reçurent des dieux une interminable gloire,
des inscriptions, des exergues, des monuments et de ponctuels historiens ;
nous savons seulement de toi, obscur ami,
que tu entendis le rossignol, un soir.

Parmi les asphodèles de l'ombre, ton ombre vaine
doit penser que les dieux furent avares.

Mais les jours sont un filet de misères triviales ;
qui sait si le meilleur sort n'est pas d'être la cendre
dont est fait l'oubli ?

Sur d'autre les dieux ont jeté
la lumière inexorable de la gloire, qui observe les entrailles et dénombre les crevasses,
de la gloire, qui finit par friper la rose qu'elle vénère ;
pour toi, mon frère, leur pitié fut plus grande.

Dans l'extase du soir qui ne doit pas être une nuit,
Tu entends la voix du rossignol de Théocrite.
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On ne peut pas écrire un livre. Je déclare
Que pour qu'un livre soit, il y faut les levants,
Les nuits, le choc des fers, les plaines et les vents,
Les siècles - et la mer qui joint et qui sépare.
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«  À tous, la vie donne tout, mais la plupart l’ignorent » …..
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Tour droite, fou diagonal, reine acharnée,
Roi vulnérable, pions qu'achemine l'espoir,
Par les détours fixés d'un ordre blanc et noir
Vous cherchez, vous livrez la bataille obstinée.

Mais qui de vous sent sa démarche gouvernée ?
La main ni le joueur, vous ne sauriez les voir ;
Vous ne sauriez penser qu'un rigoureux pouvoir
Dicte votre dessein, règle votre journée.

Le joueur, ô Khayam ! est lui-même en prison,
Et c'est un échiquier que l'humain horizon:
Jours blancs et noires nuits, route stricte et finie.

La pièce se soumet à l'homme, et l'homme à Dieu.
Derrière Dieu, qui d'autre a commencé ce jeu
De poussière, de temps, de rêve, d'agonie ?
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MATTHIEU, XXV, 30

Le premier pont de Constituciòn, et à mes pieds
Un fracas de trains qui tissaient des labyrinthes de fer.
Des fumées, des sifflets escaladaient la nuit,
Qui devint brusquement le Jugement dernier. Du fond de l'invisible horizon
Et de mon être central, une voix infinie
Me dit ces choses (ces choses, non ces mots,
Qui sont ma pauvre traduction temporelle d'un mot unique):
Des étoiles, du pain, des bibliothèques orientales et
occidentales,
Des cartes, des échiquiers, des galeries, des verrières et des caves,
Un corps humain pour marcher sur la terre,
Des ongles qui poussent pendant la nuit, pendant la mort,
Une ombre qui oublie, des miroirs affairés qui multiplient
Les pentes de la musique, la plus docile des formes du temps,
Les frontières du Brésil et de l'Uruguay, des chevaux et des matins,
Un poids de cuivre et un exemplaire de la saga de Grettir
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La mer est une épée innombrable et une plénitude de pauvreté.
La flamme peut traduire la colère, la source la fugacité, la citerne une claire acceptation.
La mer est solitaire comme un aveugle.
La mer est un ancien langage que je ne parviens pas à déchiffrer.
Dans la profondeur de l'horizon, l'aube est un humble muret peint à la chaux.
De ses confins la clarté monte, semblable à une fumée.
Impénétrable, comme faite en pierre taillée,
persiste la mer face aux jours agiles.
Chaque soir est un port.
Flagellé de mer, notre regard remonte vers son ciel,
dernière et molle plage, céleste argile des soirs.
Douce intimité du couchant sur la mer farouche !
Clairs comme une fête brillent les nuages.
La lune nouvelle s'est enroulée à un mât,
la même lune que nous avons laissée sous un arc de pierre et dont la lumière doit verser sa grâce sur les saulaies.
Sur le pont, paisiblement, je partage le soir avec ma sœur comme un morceau de pain.
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