La France a particulièrement tardé à suivre la tendance de l'Histoire Globale, une vingtaine d'années après son apparition dans le monde anglo-saxon. Heureusement,
Patrick Boucheron, du Collège de France à Paris, essaie de l'introduire sans relâche depuis plusieurs années maintenant. Et maintenant, il y a cet ouvrage de 1000 pages qui cherche à fournir une
histoire mondiale de la France, écrite par pas moins de 150 auteurs différents. Dans son introduction, Boucheron définit lui-même ce qu'il entend par une approche globale, à savoir proposer une contre-histoire à l'approche identitaire qui se fonde sur une identité française immuable avec des racines autochtones. Au lieu de cela, Boucheron (et beaucoup autres avec lui) pense que plutot l'interaction et le changement permanent de la culture et de la nation françaises doivent être soulignés. Bien sûr, la question est de savoir si cela est rendu justice dans ce livre.
Si vous regardez la liste des sujets abordés, il est frappant que tous les classiques du ‘canon' français soient couverts. C'est normale, parce que la France et la culture française a laissé une grande empreinte dans l'histoire du nord-ouest de l'Europe et, à travers l'expansion coloniale, également dans une grande partie du reste du monde. Mais c'est exactement ça qui est le problème ici: ce livre met régulièrement en évidence à quel point les développements en France (la Révolution française pour l'appeler un événement très évident) ont également eu une résonance dans des pays étrangers (parfois lointains). En ce sens, il s'agit certainement d'un livre «mondiale».
Mais est-ce que cela correspond aussi à ce que signifie «Histoire Globale»? La réponse est clairement non. L'histoire globale met plutôt l'accent sur l'interaction complexe dans le développement d'un pays ou d'une région, le ‘dehors' qui influence les évènements en France. Parfois cela se trouve dans ce livre (comme dans le chapitre sur les événements entourant les Kanake de la Nouvelle-Calédonie en 1917), mais la majorité des contributions, partent de l'intérieur (la France) pour aller vers l'extérieur, et ne concernent rarement le regard inverse. En d'autres termes, ce livre confirme le cliché de la maladie française appelée nombrilisme, qui a coûté déjà tant de fois à la France. C'est un livre agréable à parcourir et à lire, mais les historiens français sont encore loin d'être là pour présenter une histoire équilibrée et globale de leur pays.