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Critiques filtrées sur 2 étoiles  
Chronique effectuée dans le cadre de MASSE CRITIQUE. Merci à Babelio et aux Editions Denoël.

Pour qu'une rencontre soit réussie, que ce soit entre deux êtres humains ou entre un lecteur et un livre, il faut en attendre le moins possible pour laisser la place à la plus grande surprise, mais aussi que cette rencontre ait lieu au bon moment.

J'ai raté ma rencontre avec "Le troisième jour" de Chochana Boukhobza, roman pétri de qualités mais qui pêche à mon avis par le fait d'une trop grande ambition non aboutie. Je m'explique : voilà une histoire qui se présente telle une grande saga : de nombreux personnages, de nombreuses histoires enchevêtrées, des destins parallèles qui se croisent et s'affrontent dans un lieu mythique, Israël et plus précisément Jérusalem, le tout dans un peu moins de quatre cent pages. Arrivée au terme du roman, je suis restée sur ma faim.
Deux options auraient me semble-t-il pu être envisagées : soit un roman plus long, avec des caractères et des situations plus fouillées, soit l'auteur aurait dû davantage hiérarchiser ses personnages, faire plus clairement apparaître ses priorités. Ici, à force de tout vouloir embrasser, histoire, géographie, politique, relations amoureuses, familiales, tout et chacun est au même niveau, et, ce qui me semble le plus dommageable, les personnages en sont réduits à n'être que des archétypes, représentants d'une idée ou d'une situation : le sabra (personne née en Israël), le séfarade, l'ashkénaze, le rescapé des camps voulant se venger, le nazi planqué, l'arabe israélien, le jeune israélien paumé après son long service militaire, la jeune israélienne exilée à New-York en proie à la culpabilité, etc...
En apparence, deux femmes sont le point central de l'intrigue : la jeune Rachel, qui est d'ailleurs la seule à s'exprimer par le "je" et Elisheva, son professeur, rescapée de la Shoah, toutes deux violoncellistes.
Rachel est pour moi la faiblesse principale du roman : narratrice, sa psychologie est la plus caricaturale. Ses relations conflictuelles avec sa famille sont très intéressantes et donnent les pages les plus réussies du roman, mais seulement au début, pour disparaître ou presque ensuite. Rachel semble ne vivre que par deux éléments : la musique, et son amour pour Ethan. Là encore, la musique est effleurée pour prendre une dimension démesurée, presque ridicule, (et pourtant, je suis la première à comprendre la dimension irrationnelle que peut prendre la musique...) vers la fin du roman. Quant à son amour pour Ethan, j'avoue avoir été déroutée par la façon dont l'auteur traite le sujet : Rachel nous est présentée tout d'abord comme une jeune femme menant une vie amoureuse et sexuelle très libre, affranchie de son éducation, et le vocabulaire choisi à l'évocation de ses péripéties sentimentales est dans un premier temps assez cru, on pourrait dire masculin, et puis, sans que l'on s'y attende, dès qu'apparaît le personnage d'Ethan, objet de l'amour passionnel de Rachel, nous voici dans une imagerie à l'eau de rose. Je veux bien admettre que dans chaque femme sommeille une midinette, mais tout à coup nous frôlons la psychologie des magazines féminins faussement subversifs. Rachel est censée ne pouvoir résister à l'attirance sexuelle qu'elle éprouve pour Ethan. Soit. Mais, quand enfin après de nombreuses pages qui nous y préparent avec de grosses ficelles, les deux personnages se retrouvent pour une nuit à l'hôtel qui devrait justifier la tension du roman, l'auteur, comme dans les pires séries télé, nous décrit un zoom pudique sur une fenêtre... et la ligne suivante le matin se lève, sans que l'on sache comment s'est déroulée leur étreinte qui devrait être déterminante pour leur avenir commun, tout ceci en lieu et place d'une scène sexuelle qui aurait été justifiée et aurait fait évoluer les personnages avec vraisemblance, sans n'avoir rien de gratuit. Pour moi, ici, l'auteur a manqué d'audace, et, pire encore, de crédibilité. le fond et la forme présentent une dichotomie trop importante pour ne pas nuire au roman.

Je ne voudrais pas passer en revue ainsi tous les personnages, qui, dans l'ensemble, sont plus réussis, ni être plus sévère que je ne le souhaite.
Pourtant, je me dois de signaler une autre maladresse que j'ai relevée dans cette entreprise encore une fois plus qu'honorable : dans sa volonté de tout envisager, tout représenter, par exemple lorsqu'il s'agit de décrire les lieux oh combien symboliques que sont Jérusalem, la mer morte, Tel-Aviv, etc..., l'auteur use d'un style qui s'apparente à un guide touristique. Les lieux sont décrits joliment, avec force détails, mais "détachés" des personnages, or, y-a-t-il un pays où les lieux et les habitants sont aussi inextricablement mêlés, intimement, irrationnellement, qu'Israël, si petit pays où tout est symbole, tension, fragile et mouvant ? Ici, peut-être plus qu'ailleurs, les lieux habitent les résidents plus que le contraire, influent sur leurs actes et leurs pensées, et cela ne nous est pas montré. Chaque élément se superpose dans la construction du roman sans sembler s'influencer.

Dans le même ordre d'idée, lorsque Rachel s'apprête à jouer le concerto pour violoncelle de Dvorak, un paragraphe suit, relatif au compositeur, semblant émerger de Wikipédia ou autre encyclopédie : Dvorak, né en telle année, a écrit ce concerto dans de telles circonstances, etc... Il y a un manque évident d'unité dans le style, nous voici dans la manifestation la plus évidente de la volonté didactique de l'auteur, j'oserais même employer le terme de "scolaire". On retrouve ce même défaut à chaque fois qu'une évocation historique est mise en mots, que ce soit celle des premiers kibboutz, des camps de concentrations et leurs horreurs : le personnage concerné est gommé au profit de données historiques détaillées, beaucoup trop peut-être pour ne pas nuire à la fluidité du récit. Encore une fois, soit eut-il fallu emprunter ce chemin-là à fond et le livre en aurait été plus long, mais nous n'aurions pas se sentiment que personnages et contextes vivent leur vie séparément.

Tout ceci ne constitue que des exemples choisis parmi un récit qui n'est pas désagréable à suivre, somme toute, mais que je n'ai pas pu apprécier. Il y a sans doute une autre raison pour cela, et j'en reviens à la notion de rencontre ratée, à savoir que je suis familière depuis de nombreuses années de la littérature israélienne qui brasse tous ces thèmes, que ce soit au travers d'écrivains talentueux comme David Grossman, Abraham B. Yehoshua, Amos Oz, ou, pour évoquer une figure féminine, Zeruya Shalev qui par exemple dans "Mari et femme" trace un des plus beaux portraits de femme de la littérature israélienne.

Et je voudrais terminer cette chronique par une piste que je vous soumets comme l'une des explications à cette rencontre ratée. Les écrivains israéliens, c'est une évidence, écrivent en hébreu moderne, que nous lisons à notre tour dans sa traduction française. Chochana Boukhobza, bien qu'ayant vécu en Israël, a écrit "Le troisième jour" en français. Elle évoque d'ailleurs un élément qu'elle aurait dû davantage creuser selon moi : la multiplicité des langues en usage dans ce pays constitué de tant de nationalités et d'origines : l'hébreu, l'arabe, le yiddish, le français, le yéménite, etc..., qui se côtoient et se répondent au quotidien, et expriment tour à tour la pensée et les sentiments des habitants.

La langue hébraïque porte en elle une dimension poétique et irrationnelle que je retrouve dans cette littérature israélienne foisonnante et imaginative. le français est davantage cartésien. Il faut vraiment une volonté d'écrivain pour lui imprimer une aura lyrique et poétique qui lui est moins naturelle. Pour moi, Chochana Boukhobza n'a pas eu cette envie, ou alors elle trop superficiellement : elle m'a laissée à la porte de son rêve.

Je n'étais sans doute pas la bonne lectrice pour ce roman, et inversement.
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Ce roman de Chochana Boukhobza intéressera tous ceux qui ont envie de mieux connaître Jérusalem. Malheureusement, je ne vous en parlerai pas avec enthousiasme, je n'ai pas trop accroché à cette histoire où les destins de plusieurs personnages forts s'entrecroisent sur trois jours. Deux violoncellistes, Elisheva et Rachel, reviennent dans leur ville pour un concert. La plus âgée essaye de monter un traquenard pour tuer un ancien nazi, la plus jeune qui avait fui un amour compliqué, retrouve son ancien ami. Elle doit aussi affronter un père tourmenté et une mère dépassée, qu'elle n'a pas vus depuis cinq ans.
D'autres personnages gravitent autour des deux femmes, mais cette construction allant de l'un à l'autre que j'aime bien d'habitude, m'a paru inutile ici. J'aurais aimé me concentrer sur le personnage très fort et digne d'Elisheva. La musique comme fil conducteur et arrière-plan de cette histoire avait tout pour me plaire... Et les passages qui décrivent les rues de Jérusalem, les cafés, les places écrasées de soleil, ainsi que les paragraphes sur le parcours des personnages avant ces trois jours ont retenu mon attention. Mais l'écriture sans beaucoup de relief, l'histoire d'amour agaçante, et inutile à mon avis, de Rachel, n'ont pas réussi à me passionner et j'ai fini ce livre comme pour m'en débarrasser.
Si je devais vous recommander des livres pour découvrir Jérusalem, ce seraient donc Les chroniques de Jérusalem de Guy Delisle ou Adieu Jérusalem d'Alexandra Schwartbrod.
Lien : https://lettresexpres.wordpr..
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