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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ce roman a exhumé et retrace les impressions, bien plus que les évènements, d'une enfance et d'une jeunesse qui se sont écoulées avant le XIXe siècle dans la campagne russe. Les souvenirs d'Arséniev se calquent sur ceux d'Ivan Bounine. L'un peut être l'autre et tous deux montrent une profonde sensibilité face aux paysages où se sont lovées leurs premières années. Comme nombreux sont les éléments autobiographiques, j'ai donc considéré qu'Arséniev a prêté sa voix à Bounine et que c'est donc lui, poète dans l'âme, qui a imprimé ici ses propres souvenirs dans des parfums de fleurs, sous le bruissement des feuilles de saules, sur du seigle gorgé de pluie, à la lueur de flammes de chandelles vacillantes et d'étoiles scintillantes ou dans la brise tiède qui survole l'étang du domaine familial.

De nombreux petits chapitres déploient des scénettes relativement banales mais qui sont autant de moments marquants dans la vie du narrateur. Ces scénettes offrent de multiples tableaux impressionnistes conviant, avec passion, la nature dans lesquels ils se sont déroulés. Elles résonnent des chants des oiseaux, exhalent les parfums entêtants des champs, grelottent sous des semaines de tempêtes de neige et tressautent au rythme des traîneaux.

Sa petite enfance, si ténue soit-elle dans ses souvenirs, sans être malheureuse, est toutefois voilée de tristesse. Il s'y voit triste, de par le lieu où elle s'est déroulée : un manoir perdu au milieu de champs céréaliers qui s'étendaient à perte de vue « L'hiver, un océan de neige à l'infini, l'été, un océan de blé, d'herbes et de fleurs… » le silence face à l'immensité du ciel qui se fond dans l'infini des terres.
Malgré sa famille, les domestiques, les animaux, ne s'imprime de cette époque qu'une immense solitude. Peu de souvenirs s'attachent aux êtres qui l'entourent si ce n'est l'oisiveté du père, une mère traînant sa tristesse, une nourrice, deux frères déjà partis et deux soeurs dont il se sent proche sans toutefois se remémorer des instants de complicité. Son univers de prédilection se situe dans le potager, l'écurie, la grange. L'odeur de foin, des chevaux, la beauté et la grâce des hirondelles.
La sensation de tristesse se poursuit dans ses années de lycée (qui correspondent à celles de collège chez nous) longues et monotones.
Ce sont des fragments de vie et d'images qui refont surface avec des champs inondés de soleil, une foule bigarrée amassée devant l'église, des soirées tristes d'automne, des émotions lors des offices dont il se souvient avec exaltation et dont il parle avec fièvre.
Il est frappant de constater que de toutes ses réminiscences, se détache, dès le premier chapitre, une anxiété face à sa condition de mortel. Rapidement confronté à la mort, les troubles qu'il en ressent le porte à se réfugier dans d'ardentes prières. Sa ferveur religieuse revient d'ailleurs invariablement dans ses pensées et dans ses actes.
En regardant et en s'imprégnant de son environnement, ses songes le portent souvent sur la répétition des existences humaines qui se succèdent, passent, meurent alors que d'autres viennent prendre leurs places.

Sa jeunesse s'éblouit des vers de Pouchkine, s'impressionne des textes de Gogol et son désir d'écrire fait peu à peu son chemin.

le constat de la noblesse russe (dont sa famille) qui sombre dans la pauvreté est évoqué en toile de fond. Il s'interroge sur cette Russie qui a dilapidé son héritage et s'est mise à courir vers son déclin. Selon lui, insouciance, paresse et une tendance à l'autodestruction ont mené son peuple à la déchéance.

Poétique et magnifique, l'écriture se savoure et ferait presque oublier la petite lassitude qui se fait sentir dans la dernière partie. Dans l'expectative de trouver enfin l'énergie et l'inspiration pour écrire, les tergiversations d'Arséniev tournent en rond. Il fume, rêve d'amour et de joie, se déplace en train de ville en ville mais sa vie semble davantage faite d'oisiveté que d'éléments constructeurs.
Reste que cette reconstitution des différentes étapes majeures de ce jeune Russe, pleine de sensibilité, se referme avec le sentiment d'avoir lu une très belle oeuvre.
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"La vie d'Arséniev", est un roman dont j'ai trouvé le démarrage absolument fulgurant, lorsque l'écrivain s'attarde sur toutes les impressions de ce jeune Russe issu d'une famille aisée qui ne va pas tarder à voir ses privilèges s'effriter. Ce jeune Russe, c'est un peu Ivan Bounine, mais dans une version exaltée pour le roman.
Certains passages de sa jeunesse m'ont touché comme peut me toucher la lecture lorsqu'elle s'adresse à mes sentiments, à mes attentes, à mon admiration pour les romanciers. Il s'agît là d'une écriture douce, qui coule comme un ruisseau, épouse les contours des pierres polies entravant sa course, une écriture pleine de cette douce mélancolie qui questionne sur le passage du temps. J'ai trouvé dans ces pages parmi les plus belles expressions du sentiment de la jeunesse, de son insouciance, de son insatiable curiosité, l'expression d'un indicible pressentiment envers l'idée floue que tout a une fin, que les instants vécus ont quelque chose de précieux car destinés à devenir des souvenirs fondateurs.
Le livre raconte aussi un pays qui change, une classe sociale qui s'étiole, un peuple fier. Et si la prose demeure de bout en bout délicate et plaisante, il m'a toutefois manqué dans l'évolution des caractères, dans la trame du récit, ou dans l'histoire elle-même, un je-ne-sais-quoi pour en faire un de mes livres de chevet.
Dans ma position de lecteur, il n'y a pas mille chemins pour aller au bout d'un roman : soit son écriture enivrante, puissante, m'envoûte jusqu'à la dernière ligne, soit l'histoire est si bien menée, pleine de rebonds, que j'avale le roman d'une traite, n'imaginant même pas ignorer son dénouement.
Dans le cas de ce livre, ce ne fut pas tout à fait l'un, ni tout à fait l'autre.
Cependant, j'ai trouvé que c'était un beau livre...
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