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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Quel beau livre, prenant , infiniment poétique, séduisant , à la langue magnifique oú nous pénétrons dans l'univers intime d'un enfant solitaire très observateur, un mélange absolument unique, à mon avis, de tendresse et de sensualité, d'idéalisme , au coeur d'une Russie oubliée, au confins des steppes , vers 1880......1890..au sein d'une nature immense,sans bornes ni frontières!
L'oeil du merveilleux conteur : Ivan Bounine , qui recevra le premier prix Nobel de littérature Russe en 1933 nous plonge avec grâce dans son enfance, sa jeunesse et son adolescence , une autobiographie quoiqu'il ne veuille pas le reconnaître ...
Il décrit à merveille ce champ nu , infini, ce manoir solitaire, au sein d'un océan de blé, d'herbes et de fleurs , dont aucun européen ne peut se faire aucune idée ! Mais aussi l'âme Russe, languide et nonchalante,----mais jouisseuse -------, au continuel besoin de fête, sensuelle, attirée par l'intempérance , la fièvre de l'étourdissement , la gaité par la vodka et l'oisiveté , tellement rebutée par le quotidien et le travail régulier ......
La Russie de son temps menait une existence d'une opulence et d'un dynamisme exceptionnel dans un monde -------en toile de fond-------destiné à disparaître .......
En noble de vieille souche, fier de sa lignée, même appauvrie, il bâtit le canevas précis de la noblesse russe , mais il reste très lucide et indulgent envers l'impéritie des siens .......
Son écriture enchanteresse , à la fois complexe et lumineuse , limpide, lyrique et concise, chante l'immensité des paysages, les sensations fortes de la vie et les odeurs puissantes qui mobilisent les sens , ces bouquets de senteur à l'image de "ce bleu Lilas à travers le feuillage " . Sa mémoire recrée et ressuscite le passé . N'oublions pas sa "référence à la mort" dès les premières pages de l' oeuvre . .......
Un ouvrage délicieux et inoubliable au charme infini que l'on peut relire pour le savourer!
Il mêle l'éclat du soleil et le velours de l'ombre, les paysages immenses de terre et de ciel , les périples au coeur d'une Russie chaleureuse, la rencontre avec des personnages insolites , un intense travail de mémoire, la vie sentimentale de l'auteur !
Sublime !
Je ne peux pas le qualifier autrement , le miracle du travail de l'écriture !
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Au cours de votre vie de lecteur ou de lectrice, n'avez-vous jamais ressenti cette impression d'avoir découvert, dès les premières pages d'un livre, l'auteur qu'aucun autre écrivain ne pourrait surpasser tant sa plume portait notre langue française à son apothéose. Vous avez ressenti une grande jouissance à voir défiler sous vos yeux des phrases, d'une telle poésie, d'une telle fluidité, d'une telle perfection, qu'il vous est apparu impossible de trouver mieux. C'était la rencontre, l'ultime rencontre.

La première de ces rencontres remonte, pour moi, à la sortie de mon adolescence lorsque j'ai entamé la lecture de « La Recherche » de Marcel Proust. Ce fut un coup de foudre dès les premières pages et je ne l'ai jamais désavoué. Je suis toujours restée marquée par l'émotion ressentie un peu comme une impression photographique.

Bien sur, il y a eu d'autres rencontres mais elles n'ont pas été si nombreuses que cela. Nous connaissons tous des écrivains dont nous apprécions le style, la création, mais l'éblouissement se fait plus rare.

La lecture de « La Vie d'Arseniev » d'Ivan Bounine a été pour moi l'occasion de retrouver ce choc émotionnel avec de surcroit, une admiration pour le travail accompli par la traductrice Claire Hauchard.

Si les phrases de Bounine sont plus courtes et plus accessibles que celles de Proust, il y a avec « La Vie d'Arseniev », le même travail de mémoire afin de recréer une période qui n'est plus, avec ce même soin du détail, cette poésie, ce lyrisme si mélodieux. L'un et l'autre éprouvent la nécessité de coucher sur le papier la trame d'un monde disparu afin d'en transmettre, peut-être, une image à la postérité.

Lorsqu'Yvan Bounine écrit « La Vie d'Arseniev », il est exilé en France. Pressent-il qu'il ne retournera plus en Russie ? La plume de Bounine est à la fois sublime, envoutante, mais elle porte en elle une grande mélancolie : se remémorer ses jeunes années certainement accompagnées de regrets, loin de son pays natal, il y a en cela quelque chose de douloureux.

« Alexis Arseniev » lui a valu le Prix Nobel de Littérature en 1933. Ce n'est pas une véritable autobiographie au sens strict du terme mais une fiction inspirée de son histoire : Alexis alias Aliocha est certainement le frère jumeau d'Ivan Bounine, ils ont beaucoup de points communs.
Ouvrir « La Vie d'Arseniev » c'est ouvrir une porte sur la Russie, c'est ressentir l'âme de ce pays façonnée par la foi orthodoxe et empreinte de mystique,

«Je me signais comme d'habitude devant l'icône suspendue près de mon misérable petit lit de fer. Curieusement cette icône ne m'a jamais quitté et se trouve encore maintenant dans ma chambre à coucher. C'est une planchette lisse d'un vert olive sombre, durcie par le temps, le dessin est recouvert d'une châsse en argent de facture grossière » Page 359.

C'est sentir le froid neigeux de la campagne souffler dans le tambour de l'entrée d'un manoir, c'est admirer la blancheur des champs, c'est découvrir la lumière qui annonce le printemps, c'est se réveiller un beau matin et regarder le soleil briller par la fenêtre, c'est se promener dans un parc qui embaume, c'est imaginer les champs de blés et de seigle à perte de vue et les jambes nues des paysannes qui travaillent aux champs, c'est chevaucher dans l'immensité de la steppe, c'est regarder l'encolure de sa jument, sa crinière rejetée de côté et secouée régulièrement au rythme de la course, c'est aller à la rencontre des moujiks, prendre une télégue, côtoyer des intellectuels provinciaux de la fin du 19ème siècle. Bounine sent, observe, enregistre, respire la Russie et le lecteur avec lui.

Ivan Bounine incarne merveilleusement cette Russie impériale qui connait ses derniers soubresauts, le monde de l'aristocratie terrienne désargentée qui sera englouti par la révolution « d'Octobre »

Ce roman comporte cinq livres qui nous comptent les différentes étapes de la vie d'Aliocha, ses prises de conscience au fur et à mesure qu'il passe de l'enfance à la jeunesse dans le domaine familial de Kamenka puis de Batourino dans l'immensité de la région des steppes.

« Issu de la lignée des Arséniev, de ses origines, il n'en connaît presque rien, il sait seulement que dans l'Armorial sa famille figure parmi celles dont l'origine se perd dans la nuit des temps, qu'elle est glorieuse bien que désargentée ».Page 9.

Sa vie se partage entre un père aimant, cultivé mais oisif, dilapidant sa fortune au jeu ; les dettes s'accumulant, la pauvreté se fait sentir. Sa mère est triste, très investie dans la religion.

Page 21, il écrit « A ma mère se rattache l'amour le plus douloureux de ma vie, les choses et les êtres que nous aimons sont pour nous une souffrance ne serait-ce que par la crainte perpétuelle de les perdre et plus loin, il écrira « Dans la lointaine terre natale, puisse-t-elle reposer en paix, solitaire et oubliée de tous à jamais et que soit béni son nom cher entre tous ! Se peut-il que celle dont le crâne sans yeux, les ossements gris, sont enterrés quelque part là-bas, dans le bosquet d'un cimetière de petite ville de province russe, au fond d'une tombe désormais anonyme, se peut-il que ce soit elle qui jadis m'a bercé dans ses bras ? ».

Il a deux frères plus âgés que lui et deux petites soeurs.

Aliocha partage avec le lecteur ses interrogations existentielles : sur la mort dont il a pris conscience très tôt surtout au décès de Senka (un domestique ?) tombé dans la Crevasse du domaine. Il médite sur la fragilité de l'existence et son monde se fissure avec la mort de sa petite soeur Nadia, et celle de son oncle Pissarev.

J'ai particulièrement aimé la jeunesse d'Alexis. Cet enfant solitaire qui va explorer un domaine trop grand pour lui mais qui rêve néanmoins d'évasion au-delà de la ligne d'horizon.

C'est cette immensité, ces paysages, qui feront de lui un poète et un esthète.

Il évoque ses années au lycée, la découverte du socialisme qui va mener son frère Georges en prison. Il fait part de ses interrogations sur le sens de l'écriture, il évoque Tolstoï, Gogol, Lermontov mais la merveille à mes yeux, ce sont les vers de Pouchkine qui parsèment cet ouvrage. Et puis il y a le grand amour de sa vie, Lika, qui à force de douter de l'amour que lui-même lui porte, le quittera, épuisée de se tourmenter.

Andréï Makine dira d'Ivan Bounine :
La Russie de Bounine, sans qu'aucun effort d'idéalisation n'intervienne, devient l'objet esthétique par excellence – arraché au temps, à l'utile, au fonctionnel. La Tradition russe retrouve dans l'oeuvre de Bounine, cette aspiration vers l'éternel qui animait tant de personnages des grands classiques russes.

En 2015, son dossier était étudié par Yad Vashem pour avoir caché trois juifs chez lui au péril de sa vie, à Grasse où une statue lui a été érigée en juin 2017.

Je finis avec un clin d'oeil à une amie sur Babélio : Bookycooky qui m'avait dit « tu vas fondre », tu ne t'es pas trompée et Annette55 qui parlait « du miracle de l'écriture », je confirme.
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Magnifique !
Dès le premier chapitre, dès le premier paragraphe, l'écriture m'a littéralement magnétisée, je ne trouve pas d'autres mots. Elle ondule dans un océan de beauté et de sensualité. Jacques Catteau, dans la préface, la définit avec une formule que j'aime beaucoup : « l'éclat du soleil et le velours de l'ombre ».

Alexis Arseniev, le narrateur, contemple sa jeunesse en Russie, « cette aube mystérieuse et lointaine de son existence terrestre » avec le recul d'un homme adulte qui vit en exil depuis plusieurs années. Elle lui parait « singulière, fabuleuse, indéchiffrable », lui donne l'impression d'observer « un frère cadet imaginaire qui aurait quitté le monde depuis longtemps, emportant avec lui son époque désormais révolue. » Cette époque révolue, c'est autant celle de sa jeunesse que celle de sa Russie natale. C'est plus encore un monde intérieur qu'il cherche à ressusciter, à en raviver les perceptions d'antan à travers la nature, l'énigme du bonheur et de l'amour, le mystère de la mort, la pétulance de la jeunesse, la créativité.
Son enfance solitaire, entourée d'océans : « l'hiver, un océan de neige à l'infini, l'été, un océan de blé, d'herbes et de fleurs… », se nourrit de littérature et de ce qui l'entoure en le transformant ; une enfance en marge du monde avec cependant la conscience aiguë d'en faire partie, de faire partie d'un tout. C'est un regard au présent que le temps et l'éloignement a magnifié, à l'exception peut-être de la derrière partie, le cinquième livre.

(Divisé en cinq livres, correspondant aux grandes étapes émotionnelles du narrateur, le dernier et cinquième livre, écrit quelques années après, a en effet été annexé aux quatre autres par l'auteur un an avant son décès. S'il s'inscrit dans la continuité, la musicalité en revanche change légèrement, moins exaltée, plus amer. Je crois que j'aurais préféré qu'il reste indépendant, même si j'ai pris beaucoup de plaisir à sa lecture.)

En tout cas, j'ai lu ce livre comme on observe pousser un arbre, au rythme lent des saisons et des impressions qui se juxtaposent. Les descriptions de la nature, des sons, des odeurs, de la physionomie des gens qu'Arseniev croise, sont d'une richesse infinie. Il s'en dégage une immanence et une poésie qui m'ont touchée… Il est aussi traversé, à mesure que le narrateur grandit, par le chemin de fer, ce train de la vie dans lequel il ne peut s'empêcher de monter, toujours en quête des émotions, des vibrations du monde. Car « il ne suffit pas d'avoir des ailes pour voler, encore faut-il de l'air pour qu'elles puissent se déployer. » Bref, j'ai adoré !
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Je quitte à regret Alexis Arseniev alias Ivan Bounine,premier écrivain russe à recevoir le prix Nobel de Litterature en 1933.
Dans ce roman autobiographique ,bien que l'auteur ne voulait pas qu'on le qualifie de tel,il raconte les vingt premières années de sa vie,passées en majorité dans le domaine familial,à 400 km environ au sud de Moscou,aux confins d'une vaste région de steppes.C'est un solitaire qui vit dans son monde intérieur trés riche,et son extrême sensibilité lui permet de capter et de profiter de tout ce qui l'entoure,y comprit ce qui est négatif et dérangeant.
Avec une prose magnifique et fluide,il nous plonge dans cette Russie d'antan,fin XIXème siècle.Les descriptions trés poétiques de la campagne russe,les figures insolites qu'il nous croque avec beaucoup de sensualité,les nombreuses références à la Littérature russe,sa vie amoureuse,son excellent autocritique du mâle amoureux possessif,,et sa quête d'inspiration en tant qu'écrivain en herbe("Eh bien pensais-je pourquoi ne pas écrire tout simplement un récit sur moi-même ?mais comment procéder?...),en font un roman plein de charme et que j'ai adoré!
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La Vie d'Arseniev est la biographie, bien qu'il s'en défende, d'Ivan Bounine
et dans les cinq livres qui composent son récit, il évoque ses souvenirs, de l'enfance jusqu'à ses débuts d'écrivain. Une enfance heureuse dans une famille noble mais qui se retrouvera désargentée suite au comportement dispendieux d'un père bon, généreux et quelquefois fantasque pour lequel le jeune Arseniev déborde d'amour. Une enfance heureuse qu'Ivan Bounine décrit avec énormément de lyrisme et de poésie, une vie à la campagne, simple qui offre au jeune garçon un émerveillement sur la nature, une nature à la fois belle et terrible. Il arrive à sublimer cette nature et son enfance sans oublier les tristesses et les chagrins éprouvés lors des pertes de sa jeune soeur et de sa grand-mère. Vient ensuite l'évocation de sa séparation pour aller seul, étudier au lycée dans la ville proche de Ielets, sa découverte des grands auteurs et poètes russes, fondateurs de sa vocation d'écrivain qui n'est pas découragée par son père. Peu sensible aux bouillonnements politiques qui s'emparent d'un de ses frères, c'est vers la recherche et la défense de sa patrie avec ses traditions, sa grandeur et sa tyrannie parfois qu'il se sent attiré et qu'il consacre ses efforts. Puis devenu jeune adulte et se cherchant, il trouvera un emploi dans un journal local où il connaîtra sa première histoire d'amour marquante.

Prix Nobel 1933, Ivan Bounine avec La Vie d'Arseniev nous convie à partager ses souvenirs d'enfance au long de cinq livres, les quatre premiers étant consacrés à son enfance et le dernier (ajouté bien plus tard) plus orienté vers ses débuts de jeune écrivain. La césure est d'ailleurs visible avec un changement d'écriture, autant les quatre premiers sont lyriques et d'une poésie à couper le souffle, autant la dernière partie est plus dépouillée et plus critique avec des descriptions psychologiques quelquefois cinglantes mais toujours magnifiquement écrites, reflétant une maturité et peut-être un recul dû à l'exil en France après la révolution bolchevique qu'il condamnait.
La Vie d'Arseniev est un récit magnifique qui permet de mieux connaître l'âme russe et Ivan Bounine, un auteur dont la plume est magnifique.
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Bounine, le grand prosateur russe du XXe siécle en exil en France

La Vie d'Arséniev
Publié en 1938. écrit avant que le Nobel de 1933 ne vienne couronner sa littérature, mais la déchirure est là pour ce grand artiste russe au style d'une pureté classique, d'une délicatesse et d'une sensibilité infinies : c'est un russe blanc, il a dû fuir son pays à la révolution d'octobre et a rejoint la France, il avait alors 49 ans. Sa vie était faite là-bas, il était adulé. Oui un déracinement brutal ! Déjà un déracinement en temps normal si je puis dire n'est jamais évident, pour qui son environnement propre suffisait à son bonheur ! On peut se "désépanouir", je l'ai vécu par personne interposée, il s'en est fallu d'une force incroyable, surhumaine pour surmonter cela, alors j'imagine l'exil, et l'exil de Bounine en particulier qui a tenté de se maintenir courageusement et puis vaincu par les forces du mal a dû fuir plutôt que de mourir ou être interné dans les camps.

Oui, J'ai une affection particulière pour Ivan Bounine. Et quand sa plume le porte à de grandes choses, il est brillant. Dans sa jeunesse, artistiquement parlant, il était en proie au doute ; quand ce doute s'est résorbé et qu'il a enfin trouvé sa voie, son expression propre, il est devenu le grand écrivain russe dans la sillage des génies que la terre russe ait portés, a trouvé sa place chronologiquement entre Tchékhov et Soljenitsyne.

La Vie d'Arseniev est le roman de l'exil, de la nostalgie de la patrie, de son enfance. Il parle si bien de ceux qu'il a laissés là-bas, de la nature des steppes qui s'étendent à l'infini, de son premier amour.. Si on veut avoir le coeur net de ce que c'est l'exil et sa souffrance, il faut lire ce roman de Bounine magnifique.

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L'hiver est la meilleure période pour entreprendre un voyage dans la steppe russe, une troïka, des fourrures et à l'arrivée un énorme samovar.
C'est ce que je vous propose à travers « la vie d'Arséniev » les souvenirs de jeunesse d'un héros qui ressemble comme un frère à Yvan Bounine.

la Russie impériale jette ses derniers feux et nous voilà au sein d'une famille de la noblesse terrienne avec sespersonnages hauts en couleurs et attachants.

La mère effacée, le père qui dilapide au jeu la fortune familiale sans que jamais personne ne semble lui en tenir rigueur, les frères contraints d'aller chercher fortune au loin les soeurs ombres fugitives à peine évoquées.

L'on suit les tribulations de la famille au gré des pertes de jeu, des héritages, des récoltes, des désastres naturels, des fêtes religieuses, des voyages.
Le héros dès l'enfance est d'une sensibilité exacerbée, il se tourne à l'adolescence vers l'écriture, la poésie.

Le récit est fait de petites scènes, de tableaux de la vie russe et de descriptions d'une nature omniprésente.
La vie campagnarde, les travaux des champs, le passage des saisons, l'antique demeure, les senteurs , les couleurs sont superbement restitués.
Les descriptions de la nature sont lumineuses, chaleureuses et empreintes d'une grande mélancolie. La mort est très présente aussi, angoissante et marquée de mysticisme ( les fêtes religieuses, les icônes russes ...)

Lorsque Yvan Bounine écrit « la vie d'Arséniev » il est en exil en France et le monde décrit dans son roman a disparu, balayé par l'histoire. Il sait nous communiquer l'amour de sa patrie, et grâce à une écriture pleine de poésie et de sensualité on est gagné par l'émotion.
La magie a opéré, j'ai ressenti de façon poignante, la perte, la nostalgie, l'atmosphère d'un bonheur définitivement perdu.

Lien : http://asautsetagambades.hau..
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La vie d'Arséniev.
Le titre annonce le programme : la découverte par Alexis Arséniev, année après année, de ce qui compose une vie, la sienne.
L'incipit, d'une rare intensité, annonce un grand roman : un grand roman sur la condition humaine, aux accents autobiographiques et nourri de souvenirs d'enfance.

Des descriptions de la nature y alternent avec des réflexions sur le sens de l'existence. Les grands espaces, la steppe, l'immensité du pays, les longs trajets, notamment en train, nous valent de magnifiques descriptions : "Ensuite ce fut comme un songe : la longue route silencieuse, le balancement régulier du traîneau dans ce royaume immensément blanc de flocons de neige, où il n'y avait plus ni terre ni ciel mais une blancheur s'écoulant sans fin de haut en bas" (Livre IV - X - page 280).

On suit successivement l'enfance, l'adolescence, puis l'entrée dans l'âge adulte du narrateur, Arséniev/Bounine, qui fait ainsi l'apprentissage de la vie. La mort fait partie de cet apprentissage. Enfant, il se souvient, allant à la messe, des "vieillards courbés en deux, bons pour le cercueil" (Livre I - IX - page 49). Il relate la mort de son oncle Pissarev, la veillée funèbre, la messe d'enterrement, l'inhumation. Il se souvient du proverbe paysan : "La mort, c'est comme le soleil, on ne la regarde pas en face...". Car, sinon, on ne peut plus vivre. Et pourtant, il reconnaît dans l'incipit : "Sans cette condition mortelle, aurais-je pu aimer la vie comme je l'ai aimée et l'aime encore ?"

L'autre apprentissage est celui de l'amour. Après les premiers émois amoureux de l'adolescence, Arséniev s'éprend de Lika, mais le chemin qui la mène vers elle sera chaotique. Leurs chemins à tous deux finiront par diverger ; le roman se clôt d'ailleurs sur l'annonce de la mort de Lika et l'émouvant rêve qui lui succède. Lika fait partie des rares personnages dont le roman approfondit la psychologie. le portrait de la "boiteuse à béquilles", avec sa conclusion sur le malheur, est également remarquable par l'émotion qui s'en dégage (Livre V - XIII - page 407). Signalons enfin le poignant hommage qu'Arséniev rend à son père à la toute fin de l'ouvrage.

La vie d'Arséniev se lit comme un rapport d'étonnement. Les chapitres sont courts, très narratifs et rendent la lecture facile et agréable. On y partage les découvertes, les émerveillements, les déceptions, les réflexions d'Arséniev. Cela nous rappelle que l'homme arrive novice à chaque âge de la vie, et que celle-ci est un perpétuel apprentissage. Certains peuvent reprocher au récit une forme de monotonie. Il n'y a en effet pas d'intrigue à résoudre. Pour ma part, j'y ai plutôt compris ce qui fait l'âme russe, qui "trouve tant de charme et de jouissance dans l'abandon, la solitude, le déclin" (Livre II - XIII - page 153), qui se nourrit de la beauté de la liturgie orthodoxe, et s'exprime par les poèmes de Pouchkine. J'y ai surtout ressenti la nostalgie du temps qui passe, et qui fait de la vie un voyage aller, dépourvu de trajet retour.
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Un faux roman (car il est sous-titré ainsi - en fait une quasi autobiographie) où l'auteur relate ses souvenirs d'enfant, d'adolescent et de jeune homme à la fin du XIXème, dans la Russie tsariste, par l'intermédiaire du personnage d'Arséniev.
Se succèdent de longues descriptions des paysages de la steppe ukrainienne (la Petite Russie), des nuits lunaires, des saisons, mais aussi des personnages qu'il côtoie (sa famille) ou qu'il rencontre (ses amours entre autres).
De tout cela se dégage une grande nostalgie d'un monde perdu, mais qui est aussi le sens même de la vie.
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Dans un domaine caractérisé par cette terre noire riche en humus et extrêmement fertile que les russes appellent tchernoziom, Arseniev, issu d'une famille de haut lignage ruinée par les prodigalités du père, ayant une âme d'artiste et des velléités d'écriture, malgré sa tendance à la procrastination, ses voyages à travers la Russie et l'Ukraine comme une fuite en avant, bref son absence de volonté chronique vainc ses penchants pour livrer l'histoire de son existence.

La vie D'Arséniev est un roman de formation très autobiographique, malgré les dénégations d'Ivan Bounine qui se défendit d'avoir écrit une oeuvre à des fins biographiques; on sait bien que les écrivains ont de ces coquetteries et s'évertuent à brouiller les pistes. Publiée en 1927, cette oeuvre a le don de nous transporter à une autre époque par l'élégant classicisme de son style. Les motifs, le romantisme dans l'expression du moi, dans la célébration de la nature comme le reflet de l'âme du narrateur, la place qui est faite à l'amour et à ses complexités participent de cette illusion d'une oeuvre qui aurait été écrite un siècle plus tôt, n'étaient les références à tout le XIX ème siècle, aux auteurs illustres qui ont fait la grandeur de la littérature russe. Bounine écrit en poète élégiaque, romantique et bucolique. Les tableaux sollicitent tous les sens, l'auteur chante la nature immuable et sans cesse renouvelée., la Russie éternelle des héros, des Tatars, des Cosaques, des poètes et des popes. Tous les motifs de la Russie traditionnelle y sont : samovar, tarentass, moujik et barine, verste, goulak, kvas, orthodoxie et icône... A la lecture de la Vie d'Arseniev on ne peut s'empêcher de penser à Enfance, adolescence, jeunesse de Tolstoï, à Tourgueniev et ses Mémoires d'un chasseur, à un Héros de notre temps de Lermontov. C'est une oeuvre de remembrance, nostalgique pour un monde qui n'est plus, balayé par l'histoire, en décalage complet avec l'époque de la publication du roman, c'est un récit particulièrement mélancolique, la mort y est omniprésente, nommée, ou évoquée par le truchement d'images et de symboles évocateurs.

La vie d'Arséniev comblera les esthètes, amateurs des descriptions poétiques de paysages et plus largement les inconditionnels des grands romans russes du XIXème siècle. Bounine fut le premier lauréat russe du prix Nobel de littérature en 1933.
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