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3,56

sur 421 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
💖Le basculement d'une femme ordinaire.
Le roman précédent de Nina Bouraoui m'avait éblouie. J'aime son écriture raffinée, poétique, à la fois incisive et douce, toujours juste. Celui-ci est tout aussi percutant. Notamment dans son réalisme à décrire les perceptions féminines face à un séisme intime.
Loin d'un militantisme féministe actif elle aborde avec pudeur la condition des femmes, leur vulnérabilité.
Sylvie est une quinquagénaire quittée depuis peu par son mari après des années de vie maritale et deux enfants. La rupture bien que douloureuse se passe sans bruit, elle reste digne étouffant le manque et les regrets.
Cadre dans une entreprise qui périclite, les injonctions patronales sont de plus en plus pesantes. Jusqu'à la mission de trop, si éloignée de ses principes.
Cette accumulation de pressions, de non-dits porte le germe d'une violence silencieuse et crée peu à peu une fissure.
Entre les pressions intimes et celles externes, voilà que la fissure s'élargit jusqu'à ce que l'onde de surtension fasse exploser ses garde-fous et la conduise à un acte impulsif condamnable et insensé.
Trop d'années qu'elle encaisse sans rien dire, cachée derrière un faux-self, et qu'elle garde enfoui un lourd secret.
Otage de son mutisme, de son patron, de son amour perdu,de son passé, de de sa condition féminine, d'un « corps fantôme », une dangereuse surenchère d'émotions inexprimées la mène au burn-out et à une inversion des rôles.
La dépression qu'elle planque la prive aussi de la notion de plaisir et du désir « qui est la vie, l'élan, la force ».
C'est paradoxalement à partir de ce point de bascule que la narratrice va se sentir exister.
Ce qui m'a le plus touchée c'est la plongée dans l'intériorité de l'héroïne et la perspicacité à décrire le manque, la sensibilité et la souffrance que l'on cache par fierté, amour ou résignation car « ...les femmes sont fortes, davantage que les hommes elles intègrent la souffrance. C'est normal pour nous de souffrir. C'est dans notre histoire; notre histoire de femmes ».
La lettre qui clôture ce livre est déchirante. L'auteure fuit le pathos. Et bouleverse dans sa sobriété. Avec le destin de cette femme enfin libérée et vivante.
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Otages, de Nina Bouraoui.
Le portrait d'une femme d'aujourd'hui, courageuse et puissante, que le quotidien empêche de vivre libre.

Elle court partout, Sylvie. Elle n'a le temps de rien. le travail, les enfants, la maison, elle gère tout. Elle aime « l'effort, la rigueur, la ponctualité, l'attention, la répétition aussi  ». Ça la rassure : elle sait qu'ensuite, elle pourra être tranquille. C'est seulement son « devoir » accompli qu'elle s'octroie, parfois, un moment à elle devant la beauté du spectacle de la nature pour se retrouver, s'abandonner.
«  Je m'appelle Sylvie Meyer. J'ai cinquante-trois ans. Je suis mère de deux enfants. Je suis séparée de mon mari depuis un an. Je travaille à la Cagex, une entreprise de caoutchouc. Je dirige la section des ajustements. Je n'ai aucun antécédent judiciaire.  »
Cela faisait longtemps qu'elle n'avait plus de temps pour son mari, Sylvie. Et lorsqu'il est parti, elle n'a rien dit. Manque d'amour, et de désir aussi. Vingt ans qu'elle contrôle des machines. Elle y passe tellement de temps, ne partant qu'une fois le travail terminé. Son travail, c'est un peu son amant. Lorsque son patron lui demande en plus de contrôler ses collègues, ses « abeilles » comme elle les appelle affectueusement, en vue d'un plan social, elle ne dit rien. Il lui tresse des lauriers : il a besoin d'elle, il doit licencier, c'est comme ça, il n'y peut rien. Elle accepte poliment, mécaniquement, en bon petit robot corvéable à merci. La fatigue ? Elle la nie. Et se plaindre est une perte de temps. Elle observe donc, note, dissèque, épie. Elle y prend goût aussi, aux flatteries, au pouvoir. Mais elle trahit.
C'est pour ce petit supplément d'âme, tapi encore au fond d'elle-même, que Sylvie réagit. Elle va commettre un délit : pour la morale, pour la nature immense et pure, pour toutes les femmes aussi.
Otages est un texte intense et brut, qui se lit d'une traite. Après Tous les hommes désirent naturellement savoir, Nina Bouraoui, qui a déjà beaucoup écrit sur toutes les oppressions, donne ici la parole à une femme normale, travailleuse acharnée et mère aimante. Sylvie entravée, ligotée, n'aspire qu'à la liberté, retrouver le désir, celui qui fait vibrer et se sentir exister. Ce très beau roman s'est d'abord écrit comme pièce de théâtre en 2015, «  en hommage aux otages économiques et amoureux que nous sommes  ». Il n'a pas fini de résonner dans le bruit assourdissant de nos vies actuelles.
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Sylvie est une otage parmi d'autres.
Otage de sa condition de femme, née pour souffrir, née pour traîner sa peur à chaque recoins de sa vie. Peur d'être une femme. Peur du viol. Peur de ces hommes qui confondent la femme avec l'objet de plaisir et de consommation.
Otage d'un travail peu reconnu où faire son boulot n'est pas encore assez, il faut se plier aux ordres d'un patron égoïste et établir une liste des employés les moins productifs. Otage de licenciements à venir.
Otage de l'amour, du désir qui s'en va, qui s'émiette et ne reviendra plus.
Otage de se retrouver seule sur le pas de la porte, abandonnée par son mari, une femme seule, une menace pour les autres femmes. Loi du troupeau. La brebis égarée on ne va pas la chercher, on l'abandonne. 
Otage de ses sentiments, de sa violence.

L'auteure, que je ne connaissais pas décrit ici la longue fissure d'une femme qui n'en peut plus de se taire et d'accuser les coups. Entre coups et riposte, on ressent la honte et la colère de cette femme projetée sur les barreaux de la société.

Un roman extrêmement féministe, peut-être un peu trop radical, il y a beaucoup de rage envers l'homme qui semble ici avoir la belle vie et le meilleur rôle. Un roman un peu fourre-tout où beaucoup de thèmes en peu de pages se dressent ici. Mais à côté de ces petits bémols tout à fait personnels, ce roman est incroyablement bien écrit, bien pesé, c'est un roman habité dont les lignes crient, hurlent, dénoncent et se chamaillent pour une seule victoire, celle d'être libre et d'exister sans être plié à genoux.
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Sylvie Meyer, la cinquantaine, a toujours gardé le cap sans se plaindre, continuant à assurer le quotidien vaille que vaille, même quand son mari l'a quittée un an plus tôt, même quand son patron a commencé à exiger d'elle des dossiers sur ses collègues en vue d'un plan de licenciements. Pourtant, un jour, sans prévenir, le vase se met à déborder : pour mettre fin à cette longue dérive qui l'a insensiblement mais irrémédiablement éloignée d'elle-même, pour sortir de cette existence qui désormais lui pèse comme un carcan, elle va disjoncter et commettre un acte répréhensible…


Rien n'est plus dévastateur que la violence silencieuse, celle qui mine de manière invisible, derrière la façade d'un quotidien apparemment anodin en réalité devenu peu à peu invivable. Sylvie est de ces femmes qui supportent sans rien dire, en serrant les dents, et dont le craquage surprend d'autant plus qu'il survient sans signe précurseur, brutal et total. Il faut dire qu'elle a encaissé au fil du temps de véritables traumatismes, dont l'un très ancien et toujours rejeté au plus profond d'elle-même : autant d'événements dont l'accumulation la retient de plus en plus loin d'elle-même et de ses valeurs profondes, comme prise en otage…


Le récit est bref et rapide, le style sans fioriture ni distanciation, utilisant le langage de tous les jours pour nous faire sentir cette lente marée du ras le bol et le seul sentiment de soulagement qui prévaut quand l'implosion se produit, totalement incompréhensible pour autrui. Ce qu'on pourrait qualifier ici de burn-out est un sursaut de révolte, une protestation qui finit par s'élever comme elle peut contre l'aliénation et la violence, parfois insidieuse, subie par cette femme de la part des hommes, dans sa vie privée comme dans sa sphère professionnelle.


Ce petit roman social, fulgurant et dans l'air du temps, ne peut laisser indifférent : violence faite aux femmes, violence dans le monde du travail, chacun trouvera un écho à ce qui le tient lui aussi en otage dans un quotidien souvent de plus en plus aliénant et déshumanisé.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Des otages. Nous sommes tous des otages. de nos vies. De notre quotidien. Ces chaînes sont des êtres, des idées, qui nous lient, nous aliènent, prisonniers de notre intimité, de nos idées…Ce roman donne à réfléchir, prête à se poser les questions qui, de temps à autre, nous effleurent …

Elle travaille à la Cagex, son mari est parti, ses enfants grandissent… Peu à peu, la fissure, en elle, s'élargit, grandit, jusqu'à prendre toute la place en elle…

Nous sommes des terroristes en puissance, enfoncés jusqu'au cou dans des vies sans saveur, avec en point de mire une envie lointaine de liberté.

Un roman court, incisif, coup de canifs dans le coeur, follement contemporain, terriblement réaliste.

Le portrait bouleversant d'une femme, des femmes. Des réflexions qui prennent le lecteur au ventre. Sans fioriture, Nina Bouraoui dénonce, sans juger, une certaine idée de notre belle société. Elle parle de cette solitude chaotique qui mène au fait divers. Ou comment un trop plein de rien, de tout, mène au point de rupture…

Je l'ai lu d'une traite. Sans respirer. Comme une rencontre qui vous change un peu … Les grands écrivains ont ce pouvoir là, de ne pas trop expliquer, de ne pas se poser en juges, et pourtant, ils dévoilent ce que nous avons sous le yeux. Ces choses sur lesquelles on ne veut pas s'arrêter, ne pas trop regarder…

Ce livre va me rester en tête. Un peu, beaucoup, jusqu'à cette folie plus ou moins passagère qui anime cette femme. Qui pourtant, finalement, me paraît si censée.

Lisez, découvrez ce livre … Il mérite un détour.
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Sylvie Meyer est une femme d'une cinquantaine d'années qui subit en silence l'annonce pourtant violente de son mari : "je m'en vais"
C'est aussi une femme qui travaille auprès d'un patron qui lui demande de surveiller les autres, de constituer un vivier, de dénoncer toutes les petites incartade, tous les manquements bref de faire un travail de délation. Elle accepte également en silence sans sourciller jusqu'au jour où elle se réveille un matin et ne peut plus supporter. Elle se révolte.
"otages" est un livre sur la vulnérabilité des femmes, sur la violence, sur la peur du viol, sur les non-dits, sur

l'impossibilité de s'exprimer, sur l'emprise du silence. "otages" est au pluriel car Sylvie Meyer est otage du chagrin lorsque son mari décide de partir, elle est otage de son patron, de son entreprise, elle est aussi otagedu silence. Je n'en dirai pas plus...
On ressent son oppression qui sera paradoxalement libérée lorsqu'elle sera enfermée, c'est là qu'elle trouvera un semblant de légèreté où elle pourra enfin exprimer ce qui lui pèse, libérer un peu sa parole.
C'est un livre fort, puissant, parfois cru, un livre actuel.
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Otages amoureux ... Otages économiques ! Violences faites aux femmes... Guerre des sexes ...

A l'origine de ce roman remanié....une pièce de théâtre !

Une femme, Sylvie Meyer, après 25 années de vie commune se voit "larguée" par son mari. Mère vaillante, salariée syndiquée, médiatrice entre ses "abeilles" [ses collègues] et un patron pervers, la manipulant pour qu'elle fasse le "sale boulot" à sa place (c.à.d établir une liste de salariés "moins performants"), notre "héroïne" prend tout sur elle... mais à l'intérieur, la colère gronde...

Les moments fugaces de pouvoir disparus, il reste à Sylvie Meyer un dégoût d'elle-même et de ce que lui a fait faire son employeur... plus sa vie affective, amoureuse qui se déglingue, dans un même temps !

D'une vie rangée...le dégoût, la rage couvent, resurgissent et mènent notre anti-héroïne à une action grave. Une envie incontrôlable de renverser les rôles, de freiner, faire cesser les abus de pouvoir des "Forts" et la "soumission contrainte" des faibles !!

"Pour moi les sentiments ont un lien avec la douceur. (...) On dit bien "être sentimental", non ?
Là c'était un éboulis de peur. Et moi je refuse de classer la peur parmi les sentiments, car la peur nous amoindrit, nous classe au rang des animaux. "(p. 21)

La peur qui est trop souvent du côté des femmes !

Un texte percutant sur les violences multiples faites aux femmes; ces agressions sournoises, éternelles que les hommes font subir au "sexe dit faible" !

Une femme- courage qui, à sa manière, reprend sa vie en main... Maladroitement ,certes, mais avec fougue et une révolte sincère, trop longuement contenue !!
J'ai achevé ce livre, la gorge complètement serrée !

Lu 15 janvier 2020----@Soazic Boucard
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Elle s'appelle Sylvie Meyer, c'est une employée modèle et modeste.
Elle travaille depuis des années dans une entreprise de caoutchouc. Son patron bien sûr profite de sa soumission naturelle. Femme et épouse soumise, Sylvie Meyer dont la seule ambition était de mener une vie honnête n'en peut plus de cette violence sourde qui rythme son quotidien. Alors Sylvie Meyer se révolte...

La violence des mots de Nina Bouraoui offre un formidable texte fort et sec qui décortique avec une précision chirurgicale tous les sentiments et les émotions qui traverse cette femme en crise.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Ce roman est porté par la voix d'une femme ou plutôt son cri. Elle s'appelle Sylvie, elle a cinquante-trois ans, deux enfants, elle est séparée de son mari depuis un an. Elle ne connaît pas la violence, la violence que l'on porte en soi et que l'on réplique sur les autres lui est étrangère. La violence va arriver en elle après le départ se son mari, elle porte un nom, le silence. Elle a toujours aimé le travail, l'effort, la rigueur et la ponctualité. Ce dont se félicite Victor Andrieu son patron. Un matin elle glisse un couteau dans son sac et tout va basculer.

L'histoire banale d'une femme ordinaire, l'habitude qui s'installe dans un couple, un mur qui se construit peu à peu jusqu'à ne plus se voir. le mari qui s'en va.
« Ce sont les hommes qui partent, rarement les femmes, à cause des enfants sans doute, de ce fameux cordon que l'on n'aura jamais le courage de couper. Les hommes sont plus libres, dès le début. Ils n'ont pas cette histoire de chair qui les lie à tout jamais à leur progéniture. C'est cela qui fait la différence entre nous. »

Devenue une femme seule elle n'a plus beaucoup d'amis.
« Une femme seule est une menace pour les autres femmes. C'est la loi du troupeau. La brebis égarée on ne va pas la chercher, on l'abandonne. Finies les petites balades du dimanche. Finies les confidences aussi. »

J'ai été un peu dérouté par ce récit, comme si je ne voyais pas où Nina Bouraoui voulait amener ses lecteurs. Et puis soudain, l'adolescence qui refait surface et tout s'éclaire.
Un roman sur la condition des femmes dans notre société, sur leur grande vulnérabilité face aux hommes, sur la violence subie et qu'on essaye d'oublier sans y parvenir et qui emporte tout avec elle.
« Je parle de la grande peur, celle qui ne nous quitte pas, nous les femmes, dès l'enfance : la peur du viol. La peur de cette salissure-là. Elle est dans notre histoire de femmes. Elle nous relie les unes aux autres, quel que soit le pays, le milieu social. Les femmes sont soeurs dans la peur du viol. »

Résumer ce livre à un manifeste féministe serait, à mon avis une erreur, car dans tout extrémisme il y a de l'exagération et une fois ce roman refermé, je n'ai ressenti que l'expression réaliste, à travers l'histoire de Sylvie qui un matin décide de ne plus se taire, de la place faite encore aujourd'hui aux femmes dans notre société. Malheureusement !

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Otage d'une vie étouffante, qu'elle vit à toute allure, pas de temps pour le plaisir, les loisirs, il y a les enfants, un mari parti, alors elle s'est un peu oubliée Sylvie, dans le travail, dans ses tâches d'ouvrière - une ouvrière qui a des responsabilités, plus de vingt ans dans la même usine de caoutchouc, elle a obtenu la confiance du boss, sa tyrannie aussi -, de mère célibataire, avec en prime, par définition, un foyer à charge.
Et la charge est lourde, s'est alourdie, tiraille, obsède, terrasse. Alors face à l'humiliation de son patron résonne le cri silencieux de la révolte. Sourde révolte. Combat singulier. Et c'est là que réside pour moi la force de ce roman, ce combat singulier, débouté par avance, et cinglant de réalisme. En toute simplicité, la vaineté de la lutte nous est crachée au visage. Elle est violente.
Un roman féministe intéressant qui dénonce une société où la place de la femme est encore précaire aujourd'hui, à la merci des hommes.
La plume est un couteau planté dans toutes ces violences intérieures faites aux femmes, elle est enragée, acérée, elle est hurlante de révolte. Un cri du coeur. de détresse. de haine...presque.
Petit bémol : le titre. Franchement trompeur et réducteur. Réduire les femmes à des otages fait vibrer ma corde sensible et symboliquement me ramène à l'état du deuil. Une réalité que j'occulte, que j'ai envie d'occulter.
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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