Papa m'avait dit que les Espagnols étaient des guerriers de la fête et moi j'aimais ce genre de combat avec des fleurs, des pétards et de la sangria.
- Mon petit, dans la vie, il y a deux catégories de personnes qu'il faut éviter à tout prix. Les végétariens et les cyclistes professionnels. Les premiers, parce qu'un homme qui refuse de manger une entrecôte a certainement dû être cannibale dans une autre vie. Et les seconds, parce qu'un homme chapeauté d'un suppositoire qui moule grossièrement ses bourses dans un collant fluorescent pour gravir une côte à bicyclette n'a certainement plus toute sa tête. Alors, si un jour tu croises un cycliste végétarien, un conseil mon bonhomme, pousse-le très fort pour gagner du temps et cours très vite et très longtemps !
La maîtresse avait une belle permanente couleur sable, comme si elle avait une tempête du désert sur la tête, je trouvais ça très beau.
Tout le temps il chantonnait, mal. Parfois il sifflotait, tout aussi mal, mais comme tout ce qui est fait de bon coeur c'était supportable.
L’après-midi, des gens bien habillés, avec leurs petits costumes noirs et gris, étaient venus chercher la dépouille de Maman. Papa m’avait dit que c’était des croque-morts et que leur métier c’était d’avoir des airs tristes pour enlever les morts de chez eux en faisant semblant d’être malheureux. Et même si j’avais trouvé leur métier particulier, j’avais été content de pouvoir partager ma peine avec eux l’espace d’un instant. On n’était jamais assez nombreux pour porter un malheur pareil. Puis Maman était partie, elle avait pris la route sans cérémonie,
Le salon était vraiment dingue. Il y avait deux fauteuils crapaud rouge sang, pour que mes parents puissent boire confortablement, une table en verre avec du sable de toutes les couleurs à l'intérieur, un immense canapé bleu capitonné sur lequel il était recommandé de sauter, c'est ma mère qui me l'avait conseillé. Souvent elle sautait avec moi, elle sautait tellement haut qu'elle touchait la boule en cristal du lustre aux mille chandelles.
Mon fils sait déjà lire l'heure sur la montre de son père, c'est bien suffisant! A t-on déjà vu des agriculteurs apprendre à labourer avec un cheval de trait après l'invention du tracteur, ça se saurait!
Ils volaient mes parents, ils volaient l'un autour de l'autre, ils volaient les pieds sur terre et la tête en l'air, ils volaient vraiment, ils atterrissaient tout doucement puis redécollaient comme des tourbillons impatients et recommençaient à voler avec passion dans un folie de mouvements incandescents. Jamais je ne l'ai avais vus danser comme ça, ça ressemblait à une première danse, à une dernière aussi. C'était une prière de mouvements, c'était le début et la fin en même temps.
« J'étais conscient que sa folie pouvait un jour dérailler, ce n'est pas certain mais, avec un enfant, mon devoir était de m'y préparer. »
Quand j’étais à court d’idée, je lui parlais de notre vie d’hier ou d’avant-hier en rajoutant des petits mensonges, la plupart du temps ça valait largement toutes mes histoires imaginaires. Après le déjeuner, nous laissions Papa se concentrer sur son roman, allongé dans le hamac, les yeux fermés, et nous descendions au lac, nous baigner quand il faisait chaud, ou bien composer de gros bouquets et faire des ricochets avec des galets quand l’air était frais. En remontant, nous retrouvions Papa qui avait bien travaillé, le visage tout fripé, avec des idées et des épis plein la tête. Nous mettions Bojangles à fond la caisse pour l’apéritif, avant de faire des grillades pour le dîner. Maman m’apprenait à danser sur du rock, du jazz, du flamenco, elle connaissait des pas et des mouvements pour tous les airs festifs et entraînants. Chaque soir, avant d’aller me coucher, ils m’autorisaient à fumer pour faire des ronds. Alors nous faisions des concours de ronds de fumée, nous les regardions s’évaporer vers le ciel étoilé, en nous réjouissant à chaque bouffée de notre nouvelle vie de fugitifs.