Citations sur Le secret de Belle Épine (17)
Si elle ne l'avait pas abandonné, il n'aurait pas connu cette existence de misère et de désespoir. Il l'avait longtemps imaginée, rêvée. Belle, naturellement, les cheveux et les yeux clairs, le visage empreint de douceur... Une mère idéale, comme il ne devait pas en exister. Brusquement, les larmes ruisselèrent sur son visage. Des larmes de désespoir, ou de rage, il ne savait pas. Ce qu'il savait en revanche, c'était qu'il était encore en vie, malgré sa terreur de l'obscurité : Et qu'il avait envie de continuer à vivre, malgré tout.
Elle aurait voulu mourir. Comme ça, d’un coup, pour échapper à son
sort et ne pas avoir à affronter l’opprobre. Mais elle ne parvenait pas à se
décider à commettre un second péché mortel.
Après avoir fait l’amour sans être mariée, elle ne pouvait pas mettre
fin à ses jours. La famille ne s’en remettrait pas.
Il n’avait jamais oublié la saveur, délicatement suave et craquante, des châtaignes que la gouvernante faisait cuire dans un sirop de sucre au bord de la cuisinière.Au fond de lui, il savait qu’il avait envie de recréer cette saveur et, pourquoi pas, de la faire découvrir à de nombreuses personnes.
L'usine constituait pour Colombe, une véritable prison. Elle était rivée douze heures par jour à sa machine dans une atmosphère extrêmement humide afin que le fil casse moins souvent. Colombe travaillait au dévidage sur les flottes, des écheveaux de cent grammes de soie grège. Après que des camarades avaient mouillé les flottes pour permettre un meilleur dévidage, la jeune fille plaçait chacune de ces flottes sur une roue en bois nommée tavelle. La flotte se dévidait et s'enroulait sur une bobine, le roquet....
Ses doigts s'activaient tandis qu'elle songeait au printemps à la ferme.
Si seulement la terre avait été de meilleure qualité !
Il ignorait pour quelle raison il avait été abandonné et l'ignorerait sans doute toujours. Il devrait vivre avec cette certitude. Car malgré tout, il voulait s'en sortir. Et vivre.
Quand on habite loin de tout, les pauvres gens qu’on héberge ne sont pas avares de confidences. J’ai connu des filles abandonnées, des misérables qui cherchaient à se perdre dans les montagnes, et d’autres qui souhaitaient se bâtir une nouvelle vie. Savoir ce qu’elles sont devenues…
Quand on vient se réfugier chez moi, grosse sans être nantie d’un époux, on baisse la tête.
La vie lui avait enseigné qu’il était dangereux d’accorder totalement sa confiance à autrui. Elle n’avait rien oublié des leçons du passé. Pour elle, Honoré Meyran demeurait un personnage égoïste et dénué d’empathie. Tout le contraire de son époux décédé trop tôt.
Si seulement la terre avait été de meilleure qualité ! Son père avait
beau s’échiner à longueur d’année, il ne parvenait pas à rentabiliser son
travail.
« Terre de misère, pour nous autres, miséreux » avait-il coutume de
dire.
Pourtant, pour
rien au monde, il n’aurait quitté sa ferme, dont le toit était percé et où il
faisait glacial l’hiver, quand soufflait la burle.
« Je suis comme mon mulet, je ne sais pas sortir de mon sillon »
avait-il répondu un soir à Colombe.
"C’est notre
destin de pauvres gens, ma grande. Mais souviens-t’en : rien n’est écrit.
À force de courage et de volonté, tu peux conquérir une place au soleil. "