Magnifique Saga familiale entre Ardèche, Drôme et Vaucluse dans la deuxième moitié du XIXème siècle et le début du XXème.
Livre de hasard, livre de vacances ou de confinement, je n'ai pas boudé mon plaisir à la lecture du Secret de la Belle Epine.
Une époque durant laquelle les riches propriétaires terriens perdent pied. Ils ne produisent rien qui justifient leur richesse ou leur situation sociale et sont poussés au dehors par une nouvelle classe d'artisans et de commerçants, de nouveaux industriels, qui peuvent être le cas échéant d'anciens domestiques, la honte pour ces familles qui n'ont que leur titre à monnayer avec ces nouveaux riches.
Le roman décrit avec précision comment le progrès technique prend à revers ceux que leurs certitudes faisaient douter de tout, et qui refusaient de se salir les mains.
Leurs obsessions étaient d'un autre âge, concevoir un héritier mâle qui porterait le domaine vers une nouvelle destinée, par exemple.
Ils se préoccupent peu d'investissement, de contrôledes dépenses, ou de technolgies nouvelles.
A cette époque, les technologies nouvelles pouvaient n'être qu'un métier à tisser mécanique.
Justement, entre les anciens patrons tisserands voyant dans leurs salariées femmes un cheptel inépuisable leur permettant d'exercer leur droit de cuissage et ceux convaincus d'une nécessaire mécanisation de l'activité pour garder des parts de marchés, il y a deux conceptions opposées de l'exploitation...
Combat entre les progressistes et les rétrogrades, entre les nationaux et les mondialistes disons nous aujourd'hui.
Sous des dehors différents les combats restent les mêmes.
Lutte pour la culture, lutte des femmes pour affirmer leur place dans la société, crainte d'une maternité non désirée.
Entre le médecin détenteur du savoir, prêt à sacrifier ou la mère ou l'enfant et la sage-femme proche de la parturiente et consciente de ses peurs, le fossé est énorme et semble infranchissable.
A l'aube du XXème siècle, la société commence à se policer, à s'humaniser.
Toutefois, les oppositions persistent entre le réformateur
Jules Ferry, les prêtres et les patrons progressistes, le mouvement ouvrier d'un côté et de l'autre les patrons paternalistes, la domination aveugle, les salaires de misère, et les dépenses dispendieuses.
Dans ce contexte socio politique, l'auteure introduit une histoire policière avec des gangsters chauffeurs de pieds dans la Drôme, un commanditaire haut placé, et les planques dignes d'un polar des Brigades du Tigre de Clémenceau. Très réaliste et très prenant.
Chacun des personnages campe à merveille son rôle, partageant ou prenant le contrepied des sentiments qui traversent les groupes sociaux auxquels ils appartiennent, cupidité, sensibilité, amour, trahison, morale, intégrité...l'humanité avec ses contradictions, ses forces et ses faiblesses...
La fin sans se démarquer du happy end fait preuve de réalisme.
Un roman équilibré posant ses personnages et ses intrigues dans un contexte décrit avec soin.
Une réussite.