Merci aux éditions Fleuve Noir pour ce roman de
Laetitia Bourgeois, une autrice que je découvre avec grand plaisir.
Cette historienne de formation nous raconte en 176 pages, avec une précision rare et remarquable, ce qu'a pu être le retour à la vie autour du Puy en Velay après une épidémie de peste noire qui a touché la région en 1348 puis en 1361.
Une analyse très fine de ce qu'ont pu ressentir les autorités religieuses, les autorités civiles et les habitants en revivant 13 ans après le premier choc, un deuxième séisme sanitaire, jugé moins violent mais perçu encore plus comme une punition divine par certains, une aubaine pour d'autres en profitant pour régler des passifs non résolus, un casse-tête pour les responsables du maintien d'un ordre social et d'une solidarité nécessaire pour gérer les conséquences de l'épidémie.
On trouve dans les parties en présence, l'archevéché dont 3 représentants ont disparus qu'il a fallu remplacer en assurant la continuité de la présence religieuse dans la région.
Les bourgeois de la ville, commerçants, artisans, notaires, qui ont parfois profité de la situation pour forcer des héritages, supprimer des concurrences et s'assurer des monopoles juteux au détriment de la collectivité.
La force et la survenance inattendue de la peste a fait disparaitre les repères, les convenances et les relations policées qui prévalent en temps de paix sanitaire.
L'origine du mal est l'objet des hypothèses les plus folles ; les religieux vendent la thèse de la punition divine pour mieux contrôler la population, les autorités celles de la malveillance de certaines catégories, les accusations en sorcellerie fleurissent...
Tous s'accordent à dire qu'il convient de rétablir l'ordre, oui mais quel ordre, et au profit de qui. Les pouvoirs spirituel et temporel s'affrontent dans cette lutte.
Le roman est très bien documenté, et montre de façon crédible comment pouvaient vivre alors les habitants du Puy en Velay.
Nourritures, danses, cérémonies, superstitions et religion, pratiques médicinales, organisation de la Cité, guildes, sont mis en scène de façon précise et servent le récit.
Le thème principal du roman est l'enquête menée sur les conditions de la disparition en 1348, d'un clerc de notaire, Remey Passamar dit Tête de Paille, dont la mort est attribuée dans un premier temps à la peste.
Cela semble moins évident après que soient déliés les liens existants entre lui, ses biens et les membres de sa famille ou ce qu'il en reste après l'épidémie.
Le capitaine de la garde Dalmas Bouthéac doit faire face à la pénurie de moyens et au scepticisme de la population.
Déserté, l'hôpital est laissé aux mains de Louise, une religieuse active assistée de Beneyde, Blancha et Alays une novice dont l'arrivée au Puy est inexpliquée.
De son côté, Mareta Passamar la veuve de Remey essaie tant bien que mal avec l'aide de Maitre Chiselli le notaire devenu marchand en gros, de remettre son auberge à flot alors que le mal noir semble quitter la contrée.
L'auteure dépeint de magnifiques portraits de femmes seules dans l'adversité, confrontées à des hommes leur déniant toute autorité, mais bien décidées à s'affranchir des gouvernants de toute sorte qui ont fait preuve de leur défaillance face au danger.
Dans ce contexte tendu, s'il en était besoin, un corbeau va semer la zizanie dans la communauté.
Autre caractéristique du roman, un vocabulaire extrêmement précieux sur les plantes médicinales utilisées, des expressions à retenir comme "Le brin de paille qui brise le dos de la mule", des coutumes comme le culte de Saint Foutin dont on prélevait des copeaux du sexe sur la statue pour en faire des infusions destinées aux femmes infertiles...
Un roman de référence sur le Moyen-Âge mis en scène dans le cadre d'une enquête policière passionnante.
Laëtitia Bourgeois, une auteure à découvrir.
J'ai réalisé un quiz sur le vocabulaire du roman. A jouer pour les amateurs.
https://www.babelio.com/quiz/57425/Le-vocabulaire-medieval-de-
Mort-Noire