Ce roman vous prend aux tripes. Et participe à mon sens d'une mission fondamentale de l'écriture. En effet, comme l'écrit l'auteur : « C'est en nous souvenant du passé que nous l'empêcherons de se répéter ».
Filles de le mer s'intéresse aux femmes de réconfort, un épisode atroce de la deuxième guerre mondiale.
J'avais déjà découvert ce sujet dans les Orchidées rouges de Shangaï, un roman très émouvant de
Juliette Morillot.
On estime aujourd'hui que près de 200 000 femmes, dont certaines n'étaient encore que des enfants, ont été réduites en esclavage sexuel par l'armée japonaise. le roman nous donne à voir la terrible condition de celles que l'armée estampillait « produits de première nécessité » : enlèvement et déportation, tortures, viols quotidiens à la chaîne… Déchirant mais nécessaire.
Le sujet est resté secret jusqu'à ce que Kim Kak-Sun, ancienne femme de réconfort, témoigne en 1991.
Un texte empli de beauté et de poésie malgré l'horreur :
Les personnages des deux soeurs sont superbes :
- Hana par sa force et sa dignité. Jusque dans la déchéance la plus abjecte, elle garde toujours en elle la joie d'avoir épargné le pire à sa petite soeur.
- Emi pour sa fragilité, cette carapace qu'elle s'est forgée pour essayer d'échapper à la douleur trop grande de l'histoire familiale.
Le lien très fort entre les deux soeurs perdure à travers les années. Hantée par la culpabilité des survivants, Emi continuera toujours de rêver d'une jeune fille qui lui parle, qui l'appelle avant d'être engloutie par la mer ou happée par un monstre marin.
En dépit des atrocités décrites par le texte, l'eau et la mer restent pour moi le motif dominant du roman, et l'irriguent tout entier, à travers les pensées des deux soeurs, leurs rêves, leur vision du monde, le monde intérieur dans lequel Hana se réfugie.
Cela apporte beaucoup de poésie au roman et transmet un message d'espoir.