Donc notre bibliophile s’occupe de fabriquer des livres. Je dis fabriquer parce que, bien qu’il soit lui-même un écrivain de valeur (et l’on sait la sollicitude d’un auteur pour l’impression et la décoration de ses œuvres), il n’a participé qu’à l’exécution matérielle du livre, après en avoir confié la partie littéraire à un écrivain comme lui, d’après un plan préalablement arrêté, et la partie « illustration » à des peintres, dessinateurs et graveurs qui ont travaillé sur ses propres indications, sur les données qu’il possède relativement aux diverses manières de procéder.
C’est donc bien à un éditeur que nous avons affaire, éditeur original qui diffère des autres en ce sens qu’au lieu de travailler en vue du bénéfice d’argent, il travaille pour la gloire d’avoir marqué de l’empreinte de son goût raffiné cette chose à la fois si concrète et si complexe : un livre.
Ce principe, les estampes maîtresses du XVIe siècle le montrent à l’état de pureté, quelle que soit la matière, cuivre, fer ou bois, dont elles procèdent. Aussi, les images de cette époque sont-elles pour mon esprit les « antiques » de l’estampe et possèdent-elles un droit de préséance sur toutes les productions similaires, comme les antiquités grecques en ont un sur tout l’ensemble des arts.
Car il faut mettre ceci en vedette : Lepère n’est pas seulement un graveur plein de talent, sachant apporter dans son travail la vibration lumineuse que provoque le noir d’impression sur le blanc du papier. En gravant, Lepère peint et dessine. On peut dire qu’il voit en peintre et traduit en graveur.