Allons, achevant à regrets notre lecture éblouie de ce Troisième Tome (ou "Troisième Chapitre") s'ajoutant à la "Saga Spirou" 38-45 qui sut démarrer par son "Tome Zéro" [album désormais mythique et clairement initiateur, intitulé " Journal d'un ingénu" qui mit le feu aux poudres de l'Imaginaire en ressuscitant l'année bruxelloise 1939 et la longue adolescence du héros], nous allons ici-même nous offrir un HEUREUX récapitulatif des nombreux petits personnages balzaciens mis en scène dans cette Tragicomédie humaine (et humaniste) en 4 + 1 Tomes de l'artiste
Emile BRAVO !
A tout seigneur, tout honneur mais aussi par ordre d'apparition à l'image, commençons par le héros éponyme de nos beaux albums cartonnés :
— SPIROU dit "l'ingénu" (comme le Candide du père
Voltaire), l'ado orphelin au trop grand coeur de scout, employé comme groom au "Moustic Hôtel" du centre bourgeois de Bruxelles... Débordant de ses qualités humaines, d'empathie jusqu'au complet oubli de soi parfois, amoureux ébloui de Kassandra, la femme de chambre disparue mais jamais oubliée puis de l'ado un brin revêche devenue femme : Mieke...
— SPIP, écureuil terrestre brun apprivoisé et assez familier (on en voit des spécimen nombreux aux Canaries, dont certains à l'affut des restes de casse-croûtes des promeneurs) : Spip est un solide allié, perché sur l'épaule du héros ou caché dans son grand manteau (quand les animaux sont interdits dans les Cliniques) ou servant de bouillotte la nuit quand il faut bien roupiller à température de 10° maxi dans une piaule louée à un curé à peine généreux...
— SUZANNE, (p'tite) frangine de P'tit Louis : celle-là qu'on voit et entend chouiner fort sur le trottoir par moins 15 °C dès la 1ère case du Tome Premier... ça promet ! Coupe de hérisson, aime bien rigoler et se moquer quand il n'y a, au fond, plus de raisons suffisantes pour chialer...
— P'TIT LOUIS : béret noir vissé sur la tête, la ramène pour un oui, pour un non... Toujours à chambrer Spirou et à laisser sa soeurette en plan quand on joue au foot ou à la guerre (affaires sérieuses) ; découvrira un jour que lui et sa frangine sont juifs et n'ont plus accès aux Jardins Publics... La tuile, mais ça n'se passera pas comme ça grâce à Fanta !
— LUCIEN, sale teigne de gamin se prenant régulièrement des raclées par son paternel qui a l'air, d'ailleurs, dès le départ d'être assez pour les Boches (du coup l'idiot finira collabo et sous les balles de la Résistance, mais chut !) ; son gamin a bon fond, franchement... Tellement fasciné par Spirou qu'il le suivra jusque dans la calamiteuse expérience fondatrice du scoutisme sous la pluie (il n'aura jamais tant râlé de sa vie, et y a que quoi !) ; casquette amovible sur le crâne, blond faux-aryen à la mèche...
— ROBERT : le p'tit gros à casquette vissée de la Bande du terrain vague (Cf. "
Bicot, Président de Club" de
Martin BRANNER). Bah, les autres le chambrent volontiers — et surtout ce faux-frère ennemi de Lucien — à cause de son père "coco" ; pas le plus grand ami des Boches, donc !
— LE COMMISSAIRE [du Commissariat de quartier] : une tête de personnage de Tintin et Milou... On fait sa connaissance quand Spirou finit au poste, à cause des c...neries des gamins (le coup de la brique dans une boule de neige)... Curieusement détaché de sa fonction, hum... louche, même ! Serait pas l' candidat idéal pour finir "terroriste" (euh, j'veux dire : résistant), lui ? Vous verrez ça...
— STAF : ancienne connaissance de Spirou. Blond aryen, physique de jeunesse hitlérienne ou rexiste... D'ailleurs ça n'va pas louper : passera de stagiaire au commissariat (ou son oncle est flic zélé) au VNV (vous savez, de ces "flamingants fachos" de
Jacques BREL... ) puis vite intégré à la Police allemande (Gestapo).
— ENTRESOL : la vieille baderne, chef des grooms d'opérette en grand uniforme vert à fourrure et galons ; silhouette à mi-chemin entre le Père Ubu/"
Ubu Roi" d'
Alfred JARRY (revisité par Dick ANNEGARN) et un capitaine Haddock qui aurait pris 60 kilos de plus... L'abruti complet ; passe d'ailleurs la majeure partie de son temps de présentéisme à engueuler ses subalternes (Spirou, prototype du "tire-au-flanc"... ). Par pure bêtise intrinsèque à sa psyché, le malheureux finira mal (... en chair à pâtée, mais chut !)
— Monsieur DEWILDE : le super-sympathique gérant du "Moustic Hôtel" de Bruxelles, D.R.H. d'Entresol et Spirou... Défend l'absentéisme (parfois nécessaire) de ce dernier... Avant de démissionner, échappera de peu à une bombe malencontreusement non explosée dans la terre battue de la cave à vins du prestigieux Etablissement... d'ailleurs tôt réquisitionné par la Wehrmacht (... mais chut et "Boum !" avec effet de blast sur les vitres).
— FANTASIO : le bidasse vite démobilisé, le vieux pote à Spirou... Cette grande asperge doit bien faire dans les 2,58 m (au moins) ; à côté Spirou fait vraiment gamin. D'ailleurs Fanta le lui dit : lui, au moins est un VRAI adulte, fume, ricane, joue au billard, etc. Vantard et toujours sûr de lui (genre de vrai Macron, mais en plus sympa)... Il fait dans l'authenticité, lui... mais bourdes sur bourdes. Il se met en danger et met en danger son ami. A part ça ? Hyperémotif : l'impression que Madeleine l'institutrice du Réseau Comète sera l'amour de sa vie...
— BOUCHARD : collègue de Fantasio portant un ample pardessus beige, oeuvrant au quotidien "
Le Soir" qui un jour passera sous contrôle allemand en gardant son titre que l'opinion publique aux sains réflexes anti-boches surnommera vite "
Le Soir volé"... Se dit ami du peintre allemand (réfugié) Felix et admire effectivement la plupart de ses toiles. Avouons, hélas, que le personnage n'e se révélera pas si désintéressé que cela...
— PERE PHILIPPE : curé particulièrement mal rasé, à lunettes rondes de taupe, proche des Jeunesses Ouvrières Chrétiennes (la "J.O.C.", quoi !), autant dire sulfureux gauchiste, ultra-aidant pour autrui donc ultra-dangereux...
— L'ABBE de St-PANCRACE : ce p...tain de Jésuite, calotin et faux-derche jusqu'à l'os, avec son sombrero noir deviendra le modèle involontaire de l'horrible, vampirique (et ridicule) Granchapô au charmant petit Théâtre du Farfadet des amis Spirou et Fantasio... qui font se gondoler de ricanements et gueuler d'indignation les gamins des écoles cathos en pélerines noires.
— FELIX : prototype de l'artiste sûr de son art s'accrochant à celui-ci pour pallier à son destin de "Juif errant" toujours sur le fil du rasoir ; un certain Marc Chagall aurait pu avoir le même destin... Felix dont les toiles sont des autoportraits expressionnistes produit un art tourmenté et sombre, bien loin de l'univers apaisé du génie de la Peinture symboliste, traçant les rêves colorés de l'antique civilisation ashkénaze décimée par la Shoah...
— FELKA : proche de
Bella Chagall ; râleuse et très casanière ; forte personnalité ; artiste se contentant de décorer des assiettes et de confectionner des marionnettes pour Spirou et son encombrant copain ; Spirou est surnommé "Mon Ange" par elle, ce qui nous rapproche des fantasmagories des toiles de Marc Chagall...
— ANSELME : le paysan autodidacte de la périphérie bruxelloise, qui est revenu entier des tranchées de la Grande Guerre... Il a une ferme à gérer (céréales, jardin, cochons, laiterie, etc.). Il apprend aux gamins recueillis (et devant participer aux travaux de la ferme (Mieke et Christian puis bientôt P'tit Louis et Suzanne) à surtout "apprendre à penser par eux-mêmes"...
— ERNESTINE : l'épouse du précédent, ayant exercé comme infirmière avant de s'occuper de la ferme, patiente, dévouée...
— MIEKE : orpheline de mère, père absenté, soeur aînée de Christina ; accueillie avec sa frangine chez le couple Anselme-Ernestine. Spirou ne la laisse pas indifférente...
— CHRISTINA : soeur cadette de Mieke, fera l'école à P'tit Louis et Suzanne, ce qui n'est pas d' la tarte ! le jeune Lucien (un jour de passage, en scout) ne la laisse pas indifférente...
— EDMOND : le capitaine de l'Armée belge, blessé et soigné à la ferme, qui deviendra l'homme des combines et du ravitaillement... Ses traits évoquent autant l'acteur
Philippe Léotard que
Pierre Blaise, plus jeune acteur qui immortalisa l'extraordinaire "Lacombe Lucien" [1974] de
Louis MALLE.
— VICTOR : seul des soldats du capitaine à être gravement blessé (les autres mourront dans le bombardement) ; longuement soigné par Mieke et Ernestine, il deviendra lieutenant dans l'armée de résistance sylvestre et rival de... (mais ne trahissons pas !)
— MADELEINE : l'institutrice aux taches de rousseur, au charmant béret rouge, un sacré béguin pour l'ami Fanta... Leur histoire d'amour sera très complexe...
C'est bien peu dire que tous ces personnages se fréquentent et tissent entre eux mille liens... Chacun d'eux évolue doucement au fil de l'intrigue... de vrais êtres humains authentiques. Et tout cela en dessins et bulles, avec parfois un seul discret trait de plume pour nuancer une moue, un rire, une angoisse.
Franchement, si l'on peut entendre que "Mme Bovary, c'est moi !" selon
Gustave FLAUBERT, on peut aussi vous assurer qu'
Emile BRAVO adaptant (ou ressuscitant) notre vieux pote Spirou, est carrément devenu
BALZAC !!!