Il appartenait à cette sorte d’êtres qui, où qu’ils se trouvent, occupent l’espace, confisquent à leur profit l’air ambiant, ne concédant aux autres que le strict nécessaire.
Elle avait gardé, chevillée en soi, l’idée ancienne que le temps se doit d’être utilement employé. À tel point qu’elle avait fait du travail l’un des fondements de son existence, sur lequel, suivant ce principe, repose la dignité de l’être humain.
C’est dans ces moments-là, de solitude autant que de mélancolie, qu’affluaient les images refoulées du passé, ravivées d’odeurs et de sons oubliés. La larme a l’œil, il leur venait la conscience douloureuse d’avoir laissé quelque chose au profit d’autre chose, elles ne savaient trop quoi en définitive. Plus encore d’avoir rompu le fil de leur propre histoire et, ce faisant, d’avoir effacé une part de soi. De cette rupture, elles conservaient à fleur de peau la trace excoriée, presque honteuse. Une zone sensible sur laquelle elles se gardaient de poser les yeux. Le doute les étreignait alors et, quoi qu’elles pussent prétendre et clamer d’ordinaire, entre la vie d’hier et celle d’aujourd’hui, elles n’étaient plus aussi certaines d’avoir gagné au change.