Dans cette boîte, dit-il, résident les Ténèbres de l'Egypte.
- Je peux l'ouvrir ?
Il m'arracha l'objet des mains, horrifié. "Jamais ! Les Ténèbres s'échapperaient. T'imagines pas ce que mon grand-père a dû endurer pour transporter cette boîte par monts et par vaux dans le vaste monde ! Il avait un tas d'ennemis à ses trousses : les Égyptiens, les Turcs, les philistins, les Maures, les Juifs, les Indiens, le monde entier lui courait après. Et maintenant, c'est dans notre temple qu'est conservé ce trésor, ici même ! T'imagines ? Moi je te dis : tant que cette boîte est parmi nous, il peut rien nous arriver".
Ne juge point, afin qu'on ne puisse te juger.
Après la guerre, plusieurs habitants du vallon sortirent, isolément, dans le vaste monde ; c'est à cette époque que naquit la légende selon laquelle il existait dans les montagnes une communauté d'handicapés physiques et mentaux, tristes rejetons d'une tradition de mariages consanguins. Dans les années cinquante, une équipe d'agents du recensement fut envoyée pour mener une étude sur les habitants du vallon. Ils n'en revinrent jamais.
Lorsqu'on est à l'article de la mort, les mensonges, ça n'a plus de sens.
On finit toujours par se mouler dans les costumes que les autres nous taillent.
_ Mais si je veux écrire l'histoire de cet endroit, où puis-je me renseigner ?
_ J'imagine que la seule solution, c'est de parler aux gens eux-mêmes.
_ Et des documents personnels : des journaux intimes, des carnets, des lettres ... ?
_ Nous en avons rien à fiche, Neef Flip _ le ton était catégorique. [...] ça ferait que créer des problèmes. Ce qui se passe entre nous, nous le savons tous parfaitement, alors quel besoin il y aurait de l'écrire ?
Croire, c'est sans doute l'une des choses les plus difficiles du monde.
La vie est trop courte pour la gaspiller en bavardages.
L'excès de vérité peut être indigeste.
On essaie toujours de retenir les choses. Surtout quand elles nous ont filé entre les doigts. Comme du sable. De l'eau.