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Citations sur Vertumne et autres poèmes (28)

Je suis né, j'ai grandi dans les marais baltiques, près
des grises vagues de zinc qui viennent toujours par deux,
de là toutes les rimes, de là cette voix sourde
qui se déroule entre elles comme un cheveu mouillé,
s'il se déroule. Et, calé sur le coude,
la conque de l'oreille entend non le ressac,
mais les claquements de toile, de volets ou de mains, de l'eau
qui bout sur un réchaud, le cri des mouettes, tout au plus.
Et sur ces étendues, c'est bien ce qui protège le coeur
du faux-semblant - nulle part où se cacher, à perte de vue.
Pour le son seulement l'espace est une entrave,
l'oeil ne se plaint jamais de l'absence d'écho.
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Je reconnais ce vent qui s'abat sur l'herbe,
elle se courbe sous lui, comme sous la meute des Tatars.
Je reconnais cette feuille s'effondrant
dans la boue du chemin, comme un grand-duc en sang.
Dégoulinant en flèche large sur la pommette oblique
de la maison de bois dans la terre étrangère,
comme l'oie sauvage à son vol, c'est au visage que l'automne
dans la vitre là-bas reconnaît la larme.
Et, les yeux perdus au plafond,
je ne chante pas le dit de l'ost mais lequel
et la langue dans la bouche déploie le nom mongol
dans la nuit, sauf-conduit pour la Horde.
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J'étais cela seulement
que tu effleurais de la paume,
sur quoi dans la dense nuit
d'encre, tu inclinais ton front.

J'étais tout juste ce que toi
Là, au-dessous, tu discernais :
vague contour d'abord,
beaucoup plus tard des traits.

C'est toi, ardente, qui
de dextre, de senestre,
m'as créé de murmures
la conque de l'oreille.

C'est toi qui déchirant
un voile dans le creux humide
de la bouche m'as donné
cette voix qui t'appelle. …

1981
(Traduit par Véronique Schiltz)

p.108

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J’écris ces vers assis sur une chaise blanche
en plein air, en veston dans le froid de
l’hiver ; j’ai un peu bu : je produis des phrases en russe
qui font saillir mes pommettes.
Le café refroidit. La langue clapote et punit
de mille éclats menus la terne pupille
qui prétendait étreindre un paysage bien capable
de se passer de moi.
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La neige tombe, laissant le monde diminué.
Ce temps est le festin du détective.
En toute chose, donc, en toutes nuée,
on se retrouve comme une épreuve hâtive.
Ce genre de découverte n'appelle aucun prix —
un silence concernant quiconque…
Tant de lumière, au soir, s'accumule dans un débris
d'étoile ! — autant que de réfugiés dans une jonque.
Regarde, et gare à tes yeux : tu es toi-même orphelin,
apatride, hors la loi, parasite.
Derrière toi, personne. Tu ouvres la bouche et un
profil de dragon s'échappe de sa marmite.
Prie plutôt à voix haute, deuxième petit Jésus,
pour ces porteurs d'offrandes, ces, disons, rois mages
des quatre coins du monde, ces jamais déçus,
et pour les enfants bien sages.
(Traduit par André Markowicz)

p.147
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Ainsi à l’Opéra le lustre s’obscurcit ; ainsi les coupoles le soir
s’affaissent comme des méduses, ainsi
la rue se tasse comme une anguille se tortille,
et la place est une barbue.
Ainsi Nérée va ramassant pour ses filles
les peignes échappés aux chignons féminins,
dédaignant les perles jaunes, cadeau de la maison,
des réverbères urbains.
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Le Corbusier et la Luftwaffe ont
En commun d'avoir œuvré avec zèle
À modifier le profil de l'Europe :
Ce qu'oublia la furie des cyclopes,
De sang-froid le crayon l'acheva.

Rotterdam Journal (p. 42)
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LE PAPILLON

I
Te dire : « Tu es mort » ? –
Ta vie fut vingt-quatre heures…
Dieu rit et l'homme pleure
en toi. J'ai tort
de dire « vie » si ta
date de mise au monde
est celle où – deux secondes –
tu t'effritas
dans cette paume. Pour
rester sincère,
j'ai scrupule à soustraire
du jour au jour.

II
Puisque les jours ne nous
sont rien. C'est simple –
rien. Dénués d'épingles,
les jours ne nour-
riront jamais le vue :
blancs contre blanc, ils passent,
sans corporelle masse,
et fondent. Tu
es de leur genre : dans
quelle fourchette
de poids inclure cette
folie, l'instant ?

III
Te dire : « Tu n'es rien
du tout » ? Mais qu'est-ce
qui dans ma paume laisse
ces miettes bien
distinctes du néant ?
Quel dieu, quel peintre
put dérouler ces teintes
en te niant ?
Murmure échenilleur
de phrases non peignables,
moi, je suis incapable
de tes couleurs.

IV
Tes ailes ont des cils
et des prunelles. –
Oiseaux ou demoiselles,
de qui sont-ils,
dis-moi, les doux fragments,
natures mortes ?
dis-moi, ton corps transporte
quels éléments,
granules étoffées,
portraits rustiques,
où même l'halieutique
trouve un trophée ?
...
p.20-21
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J'écris ces vers assis sur une chaise blanche
en plein air, en veston dans le froid de
l'hiver ; j'ai un peu bu ; je produis des phrases en russe
qui font saillir mes pommettes.
Le café refroidit. La lagune clapote et punit
de mille éclats menus la terne pupille
qui prétendait étreindre un paysage bien capable
de se passer de moi.
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LE PAPILLON

V
Un paysage, toi ?
Prenant la loupe,
verrai-je quelque troppe
légère dans les bois ?
Le jour y brillerait ?
La nuit y règne ?
Quel astre baigne
de clairs ou sombres rais
et terre et ciel ?
Dis, quels visages
reflètent ces images
en lieu mortel ?

VI
Ma joie est de penser
que te composent
visage, étoile, chose,
mais par pincées.
Quel joaillier sérieux
mit en pâture
ces pauvres miniatures
en ces bas lieux
de fureur et d'éclat
où, sous le maître,
tu es l'idée de l'être,
nous, l'être las ?

VII
Dis-moi, tes entrelacs,
ton frêle faste,
pourquoi en cette vaste
contrée de lacs
dont l'amalgame plaît
aux dieux, s'épuisent-
ils aussi vite ? Puisse
ton bref délai
te frelocher sans deuil :
palpiter dans la paume,
et, tendre aumône,
taper dans l'œil !

VIII
Tu ne répondras pas
non par excès de
timidité, accès de
de colère ou par
suite de ton décès.
Défunte ou vive,
toute âme, productive
ou non, possè-
de voix empruntée
pour chanter ou dire,
pour que la voix étire
l'instant, le jour.

p.22-23
1972
(Traduit par André Markowicz.)
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