Ce qu'elles ne savaient pas (La gueule du loup)

Elles se sourient, accentuent leurs extrêmes, rejouent le conflit avec du rire, histoire de le rendre plus cosmétible

Elle attend, elle respire fort, se dit que la douleur est une vue de l’esprit.

Et puis elle aime bien faire la gueule, ça donne de l’intensité aux choses. Alors elle prolonge, comme ça, presque pour le plaisir.

Moi je suis un tyran, et toi t’es en mouton… La fine équipe.

Tu bouffes tout sur ton passage, avec ton enthousiasme ! [...] T’as trop d’énergie, d’émotions! C’est génial et en même temps...j’ai l’impression que ça me bouffe.

Elles n'ont pas besoin de se parler, n'en ont pas envie. Elles vont devoir faire avec ça, de toute façon : le silence, le secret. Il y a des choses qu'on ne doit pas raconter, qui doivent rester dans l'oubli - ou dans les livres.

Nuit Blanche, c'étaient des mots magiques qui disaient qu'on était grandes, que le sommeil doux, bave au coin de l'oreiller, c'était plus pour nous. On avait passé l'âge. Souvent, on tenait pas : le sommeil nous prenait après les bavardages, quand on avait épuisé nos réserves d'histoires, décortiqué par le menu nos moindres émotions. [...]
Nuits Blanches dévorées en un quart d'heure tellement elles sont chouettes, et tellement t'es là où tu voulais être : là, exactement, traversée par ces musiques douces et tristes qui te tirent les larmes alors que t'as même pas l'âge de la nostalgie. [...]
Nuits Blanches d'ivresse somptueuse, rire en bouche, quand tu prends vie dans le regard des autres. [...]
Nuits Blanches de lecture parce que celui-là, vraiment, tu ne peux pas le refermer -même quelques heures- avant de l'avoir fini.
Nuits Blanches seule. Celles à plusieurs. [...]
Ce soir je les regrette, mes Nuits Blanches de Blanche. Parce que celle qui vient, qui s'étend autour de moi -de nous- comme une flaque de pétrole, elle est noire. Et, putain ! elle n'a rien de doux.

Le ciel est boursouflé de nuages noirs. Torrentielle, la pluie cingle les arbres, les lianes et le visage hagard des deux jeunes filles. La nuit les enroule, opaque, tandis qu'elles montent par le sentier boueux.