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EAN : 9791091717052
278 pages
Editions Elea Bizi (10/11/2016)
5/5   1 notes
Résumé :
"Souvenirs sans filet" est un voyage dans les mémoires d'une femme, d'abord petite fille dans une famille sans chaleur, en Lorraine puis en Algérie pendant et après la guerre d'Algérie, puis femme sereine aujourd’hui en pays basque. Par un prenant dialogue avec la mère disparue, dans une langue sobre et poétique , l'auteure Luce Buchheit redonne humanité aux êtres qui font parfois de l'enfance un enfer.
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
La mort de sa mère, qui survient alors qu'elle est elle-même maman de grandes filles, replonge Luce dans une enfance et une adolescence égratignées par l'intérêt distant que ses parents lui ont toujours manifesté. Sa mère, frustrée par une existence étriquée qui la condamne à rester à la maison et à attendre les quelques instants d'attention que lui procure son mari, se révèle dure, exigeante, violente même, envers ses enfants qui appréhendent à chaque instant ses moments de mauvaise humeur. Son père, capable d'étincelles chaleureuses, de courage aussi, se replie pourtant la plupart du temps dans son fauteuil et ses mots croisés, indifférent alors à tout ce qui se passe autour de lui. Ces personnages pourraient être caricaturaux et haïssables. Loin de là. Luce Buchheit, en campant leurs défauts, leur égoïsme, mais aussi leurs failles, parvient à nous les rendre malgré tout attachants. Elle restitue remarquablement leurs fragilités, les blessures secrètes que la vie leur a imposées et qui font d'eux les artisans inconscients du propre mal-être de leurs enfants. Linette, la jumelle de Luce, revêt la vie que sa mère a programmée pour elle, celle d'une jeune fille avide du luxe que peuvent lui apporter des hommes sans réelle importance, mais riches. Greig, privilégié, car il est un garçon, manque tout de même d'une totale confiance en lui. Luce souffre de se sentir invisible et dépréciée. Élève studieuse, elle espère que sa réussite scolaire lui permettra de gagner l'amour de ses parents. Elle veut leur plaire, leur faire plaisir, mais elle n'obtient que rebuffades et critiques. On pourrait s'attendre à un déferlement de rancoeur, voire de haine, lorsqu'elle perd la mère dévastatrice qui l'a conduite à douter de sa valeur. Là encore, il n'en est rien. Les bons souvenirs, autant que les mauvais, remontent à la surface. L'occasion d'intégrer des parcelles d'histoires familiales, de parler de la maison où se passent des vacances paradoxalement heureuses, de l'Algérie colonisée, puis indépendante, pays meurtri où son père les embarque pour trouver une vie qu'il croit d'abord meilleure avant de sombrer dans une nouvelle désillusion. Paysages, lumières, odeurs se mêlent alors au récit avec le goût des pains aux raisins, des carreaux de chocolat Côte d'Or, de la quiche lorraine et du poulet rôti du dimanche. On fait la connaissance de la marraine et du bon docteur qui, sans le savoir, offrent à Luce des piliers capables de la soutenir dans la douloureuse construction qui est la sienne. Des sortes d'anges gardiens. Lorsque Luce met en terre sa mère, elle ressent pour elle un amour apaisé qui conserve, malgré tout, en filigrane, ses déchirures.

Un livre lumineux, plein d'humanité, éloigné de tout manichéisme. Un livre qui nous ramène à nos propres fragilités, qui nous force à mieux analyser l'autre et à ne pas systématiquement le condamner.
J'ai adoré. Je le relierai sans doute encore. C'est ma seconde lecture.
Des textes, très courts, ancrés dans les clameurs du monde d'aujourd'hui ou dans la sphère de l'intime, coupent le récit. Mondialisation, accident nucléaire de Yokohama, mort d'une chatte aimée et choyée… Ce dernier passage m'a tiré des larmes. Luce Buchheit est capable de créer des résonnances inattendues dans notre histoire personnelle.

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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
La peinture des murs est fraîche, mais votre histoire a vieilli. Tu te sens prisonnière. Le dimanche, après l'incontournable quiche lorraine, et le poulet rôti, le Fernand embarque Greg sur ses épaules jusqu'au stade de football. Ils reviennent à la tombée de la nuit. Leur monde d'hommes, libre, actif, est bien distinct du nôtre, fait d'attentes interminables et d'enfermement. Lisette et moi, les regardons partir. Nous sommes résignées. Nous échangeons un regard. Nous savons que nous devrons passer cette épreuve du dimanche après-midi, avec, comme compagnes, ta colère et ta frustration. [...] Après son départ, tes yeux flambent de colère. Tu te précipites sur des aiguilles à tricoter, tu en prends une paire pour toi, tu en distribues une paire à Lisette, une autre paire à moi. Nous devons confectionner nos slips en laine beige pour l'hiver à venir. Il sera long, comme ces dimanches interminables où ni le soleil, ni la tendresse n'arrivent jusqu'à nous. C'est un désert de fin de monde où nous cherchons en vain une place, ou au moins, le droit d'exister. Nous sommes emprisonnés dans la cuisine verte. Le ciel est en larmes. Lisette et moi savons qu'il ne nous sera toléré aucune faute, aucune demande. Nous ne faisons pas de bruit.
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Je chante pour apprivoiser ma solitude, pour éloigner mes fantômes, je chante pour ne plus entendre le silence des absents, je chante pour le ciel bleu, je chante pour un sourire offert.
Parfois, un piéton me regarde, qui ne chante pas.
Je chante alors pour lui, qui ne sait pas toujours que la musique est un cadeau céleste.
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Tu étais née le neuf novembre, deux jours avant l'armistice d'une horrible guerre, en l'absence de ton père, terré dans les tranchées. Tu as traversé ta vie comme on fuit un champ de bataille. Tu es repartie, aussi anonyme et orpheline qu'à ton arrivée, le neuf février, dans le froid de la solitude et de l'indifférence, un peu avant midi. À huit cent trente kilomètres de toi, j'ai su avec certitude. Cette douleur dans mon coeur ne pouvait être que toi. La chatte a su aussi. Elle a bondi en haut de la bibliothèque vitrée.
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Je suis sûre que parler d'une vie, c'est parler d'une multitude de vies, de multitudes de voix. Seuls changent les décors et les dates.
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Chaque jour. Avec ou sans nous, le monde continue d'avancer. Il doit advenir. Il doit créer.
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Video de Luce Buchheit (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Luce Buchheit
Haikitos est le nouveau spectacle de Luce Buchheit et Pascale fauveau. Ce concert de poèmes pour voix et flûte s'appuie sur les poèmes de Luce Buchheit extraits de "Au berceau de ses rêves" , paru chez Elea Bizi. La flûtiste, comédienne et chanteuse Pascale Fauveau de la compagnie Sed Etiam répond, illustre et entoure les poèmes de sa flûte et de sa voix. 2017
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