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sur 240 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Attention, coup de coeur !
Ils se sont réveillés après cent-cinquante huit ans d'hibernation dans un vaisseau spatial minuscule, et tout de suite les problèmes étaient là. Ils avaient quitté la Terre parce qu'ils le pouvaient, et le voulaient, puisqu'on avait gravement détérioré notre planète la jeunesse dorée allait tenter de créer une nouvelle société ailleurs. Avaries, accidents, difficultés d'adaptation, ils connaissent tout un tas de tout ça mais ils vivent. Les années passent, les générations se succèdent et on nous raconte tout… C'est un premier roman ?! Je trouve ça incroyable, tant il est maîtrisé. Il commence comme une SF très classique avec l'installation sur une nouvelle planète – et pour cause, il s'agissait d'une nouvelle à la base. Devenue idée de roman, elle s'étoffe lentement et, pour ma part en tous les cas, m'a progressivement subjuguée. Plus je lisais et plus je trippais, chaque personnage sur lequel on se penche nous entraîne dans un genre différent : enquête, aventure, communication, guerre, avec un côté vertigineux non exempt d'humour. Ainsi, le bambou qui est l'espèce intelligente de cette planète se dit à un moment donc ok, ces animaux (nous ! On est de la faune à ses yeux) sont dotés d'une intelligence certaine, je me demande quelle est la plante qui les a dressés ? On peut évidemment chipoter et pointer quelques interrogations légitimes, par exemple ils sont très peu nombreux au départ (une cinquantaine), et la fertilité masculine est problématique, quid de la consanguinité et tout ça, pourquoi est-ce que le bambou nous séduit à ce point en tant que lecteur, d'où viennent les Verriers, j'en passe, mais en fait tout coule malgré tout. On ne sait jamais vers quoi on se dirige et les surprises restent nombreuses jusqu'au bout. Intelligent, fin, étonnant et très plaisant à lire, Semiosis m'a captivée.
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Ce roman de Sue Burke nous emmène sur une autre planète où l'humanité devra apprendre à vivre en harmonie avec son environnement pour mieux survivre. Mais cette fois, les êtres humains sont en quelque sorte des animaux domestiques qui servent les végétaux. L'auteure arrive totalement à nous immerger dans cette histoire et dans les pensées de Stevland le bambou. le rythme est très lent, comme la croissance de nombreux végétaux et l'histoire s'étale sur plusieurs générations ce qui m'a beaucoup plu renforçant finalement mon immersion. On ressent vraiment le temps qu'il a fallu aux humains pour découvrir un moyen de communiquer avec le bambou grâce à l'écriture et ce rythme lent justement. J'ai pris beaucoup de plaisir à découvrir Pax, sa faune et sa nature, les verriers, ces extra-terrestres que l'on découvre petit à petit. J'ai aimé assister aux interrogations et aux tiraillements des différentes générations pour permettre une croissance de la société sans répéter les erreurs du passé, en essayant de vivre en harmonie avec l'environnement dans lequel se trouve la colonie, même si les vices de la nature humaine refont surface un à un. J'ai trouvé par contre que le début du roman est pour le coup un peu trop lent et je n'ai pas trop apprécié la fin du livre raison pour laquelle je n'ai pas mis 5 étoiles mais l'ensemble reste très bon et passionnant.

C'est donc une belle découverte, un très bon roman, intéressant avec de bonnes idées sur ce que devrait être la vie en osmose avec la nature, très original dans son écriture et sa manière d'aborder le thème de l'environnement.
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🚀🌱 Semiosis - Sue Burke 🌱🚀
Traduction : Florence Bury @editionsalbinmichel

Ils sont cinquante, des hommes et des femmes sélectionnés pour leurs aptitudes scientifiques, artistiques et sociales à tenter l'aventure. le but? Quitter définitivement la Terre pour tout recommencer sur une autre Planète qui sera baptisée Pax (Paix), où les erreurs terriennes ne seront pas reproduites. Sur Pax c'est l'harmonie qui doit régner, avec la faune, la flore et entre humains, il faut s'adapter et réussir à survivre sans détruire les écosystèmes. Voilà pour l'utopie imaginée, mais les choses se passent rarement comme on les avait prévues...
J'ai beaucoup aimé ma découverte de la jeune collection d'Albin Michel centrée sur l'imaginaire. le thème avait tout pour me plaire et je n'ai pas été déçue. On commence avec l'arrivée du groupe sur Pax, les premiers jours difficiles où tout est à faire, à comprendre c'est très intéressant. Et puis durant la moitié du livre à chaque chapitre nous avançons d'une génération, si bien que l'on voit clairement l'évolution de leur civilisation, les changements, les avancées, avec toujours ce souci de vivre en osmose avec l'environnement. J'ai beaucoup aimé les idées écologiques du livre, avec les réseaux de communication entre les plantes (c'est un peu La vie secrète des arbres interstellaires 😁). J'ai également aimé cette idée de repartir de zéro pour créer une meilleure société, mais l'homme, en ce qu'il est fondamentalement, en est-il seulement capable?
Un très bon roman, intéressant, questionnant, dépaysant et qui ne nécessite pas d'être un grand fan de SF pour être apprécié.
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On m'aurait dit il y a quelques mois que je lirais de la SF, j'aurais rigolé. Mais le fait est que depuis le 16 mai, lorsque j'ai chroniqué "Terminus" de Tom Sweterlitsch, je suis tombée dedans, à l'insu de mon plein gré. Tout ça à cause d'une illustration de couverture qui demande un "double-take" pour plusieurs d'entre nous. Et a fait un certain boucan ici et là.

Il m'est désormais presque aussi facile de rentrer dans un roman de SF que dans un thriller. Je n'ai pas d'explication à ça. Je suis sûrement tombée sur de bons auteurs. (À part un certain David Marusek). Ce livre-ci, Semiosis, de Sue Burke, m'a embarquée dès la première page. Après tout, ces romans-là sont tout aussi pleins de suspense que les bons thrillers. Alors oui, je me rends, ok, j'aime bien. Maintenant. La SF.

Présentation Éditeur : "Ils sont cinquante, des femmes, des hommes de tous horizons. Ils ont définitivement quitté la Terre pour, au terme d'un voyage interstellaire de cent soixante ans, s'établir sur une planète lointaine qu'ils ont baptisée Pax. Ils ont laissé derrière eux les guerres, la pollution, l'argent, pour se rapprocher de « la nature ». Tout recommencer. Construire une Utopie. Mais très vite, des drames menacent leur idéal. du matériel irremplaçable est détruit. Des morts surviennent et s'accumulent. La nature est par essence dangereuse ; celle de Pax, mystérieuse, ne fait pas exception à la règle. Pour survivre, les colons vont devoir affronter ce qu'ils ne comprennent pas et comprendre ce qu'ils affrontent."

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Ça fait maintenant 3 jours que j'ai fini de lire ce roman, et je tourne autour de cette chronique avec mille hésitations, procrastination, et tout le bazar. J'ai vraiment aimé. Mais pour une fois, avant de rédiger ma chronique, je suis allée faire un tour sur les blogs des spécialistes SFFF qui ont chroniqué Semiosis avant moi. Je n'aurais pas dû. Ça m'a coupé toute la confiance en moi que je pouvais avoir (et il y en avait peu), et surtout sur le sujet de la littérature dite "d'Imaginaire". Savez-vous qu'il y a un livre entier sur les Genres et sous-genres de l'imaginaire ? Je l'ai en main. Près de 200 pages.

Je vous explique : ce livre est présenté comme un "Planet Opera". Et lorsque l'auteur de ce guide a chroniqué Semiosis, il a qualifié ce livre d' "Ethno Sf" et aussi de "Soft Social Sf".. vous comprendrez je pense que je ne me sente pas du tout à la hauteur de ces chroniques analytiques qui dépiautent tout le livre. Tout en ne s'intéressant absolument pas au style. Vous comprenez mon problême ? Je ne fais pas ça. Ce n'est ni mon envie, ni mon but. Je lis parce que j'aime lire, j'aime être emportée dans des vies, des histoires, des univers. de la littérature jeunesse aux thrillers, à la littérature dite "blanche", aux polars noirs. Je rajoute la Science Fiction désormais, que j'appelle SFFF (Science-Fiction, Fantasy, Fantastique). Si j'ai aimé, je le dis, j'explique pourquoi, et je ne "spoile"surtout pas le livre. J'ai envie que vous aimiez. Ce n'est pas de la pub, c'est un peu des conseils à mes amis. Rien de plus. Si je n'aime pas, je le dis sans prendre de gants. C'est juste mon avis. Si un jour je me prends au sérieux, abattez-moi sur le champ.

Semiosis, donc. En 2065, la Terre est exangue. Plus assez à manger, des guerres sur tout le globe, les gouvernements ont décidé d'un programme d'envoi de volontaires sur des planètes reconnues comme habitables par l'homme, avec des conditions de vie proches de celles de la Terre, mais à priori non habitées. Les volontaires ont étudié, sont entrainés : soldats, scientifiques de tous genres, botanistes, spécialistes météo, medecins et j'en passe. Au bout d'un voyage de 158 ans en hibernation, les vaisseaux aterrissent, en fait pas sur la bonne planête. Mais une assez proche. Juste, la gravité est plus forte, donc les mouvements plus lents.

Seule une cinquantaine de "colons" survivent à l'aterrissage sur cette étoile qu'ils appellent PAX. Parce que la paix est la seule condition pour vivre et éviter le sort des terriens. Et ils s'aperçoivent que la vie ne va pas être facile sur Pax : il semble que les végétaux soient dangereux. Beaucoup meurent d'empoisonnement, de blessures dûes aux plantes, alors que certaines lianes leur offrent des fruits merveilleux comme des mangues, d'autres donnent les mêmes fruits, mais soudain empoisonnés. Les scientifiques et agriculteurs qui essaient de planter du blé et d'autres céréales, malgré une analyse du sol parfaite, s'aperçoivent très vite que les cultures meurent. Les graines sont empoisonnées. Les plantes semblent demander du respect, des échanges entre les colons et elles. Les humains donnent de l'engrais. Les rapports s'adoucissent entre la nature et les colons...

Le roman est séparé en 7 chapitres, racontés chacun par un humain. le 1er, c'est Octavo, biologiste et botaniste, l'an 1. Puis nous passons à l'an 34, Sylvia, deuxième génération. Ils ont trouvé une ville en ruine, s'y sont installés, An 63, troisième génération. Beaucoup de colons de la première génération sont stériles, les gamètes emmenées dans le vaisseau sont perdues, il faut perpétuer la race humaine sur Pax, et dans la paix. Et dans la cohabitation avec cette nature souvent hostile. C'est un roman d'adaptation à un monde inconnu, à une planète, à une nature, plutôt une flore très puissante, les humains sont des "animaux", que peuvent-il apporter à cette Flore, pour que les deux espèces vivent en bonne intelligence ?

Ce roman est Passionnant. Il résonne dans l'actualité du réchauffement climatique. du respect de la nature. de l'intelligence des plantes. de la construction d'une société neuve, d'abord sans lois, puis peu à peu la gestion des conflits. C'est absolument passionnant. le style est parfait, juste un peu trop scientifique dans le chapitre 7, mais ça passe. J'attends la suite avec impatience. Parce qu'il y a une suite...

Semiosis - Sue Burke, editions Albin Michel Imaginaire (https://www.albin-michel-imaginaire.fr ), 435 pages, Septembre 2019, 24,90€
Lien : https://melieetleslivres.wor..
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Sémiosis : nom commun, féminin. Opération qui, en instaurant une relation de présupposition réciproque entre un signifiant et un signifié, consiste à produire des signes.

Sur Pax, l'humanité, ou plutôt ce qu'il en reste, a décidé de repartir de zéro. Un nouveau départ, sur une planète bien loin de la Terre, ravagée par la guerre, la famine, la maladie, la mort. Ici, les colons ont instauré de nouvelles règles de vie pour que l'harmonie soit au coeur de cette société naissante. Mais est-ce vraiment possible de chasser la nature profonde de l'être humain ? de faire abstraction de sa prédisposition à vouloir contrôler, ses penchants pour le mensonge et la manipulation ?
Sur Pax, la faune et la flore ne différent pas tant que ça de ce qu'on trouve sur Terre. Si elle peut se montrer hostile, elle offre aussi un nouveau refuge aux colons. Une plante en particulier va occuper notre groupe d'humains, une plante qui ressemble à un bambou arc-en-ciel et qui possède des capacités extraordinaires.

Sur sept générations et un peu plus d'une centaine d'années, nous suivons ce groupe de colons qui tente de reconstruire un semblant d'humanité sur cette étrange planète. J'ai beaucoup aimé de quelle manière l'autrice a fait évoluer les personnages au fil des années, comment cette colonie se construit et se transforme, grandit et progresse. On suit également l'évolution du bambou arc-en-ciel et la relation que les humains tissent avec celui-ci. Un rapport d'inter-dépendance se créé entre eux, je l'ai trouvé plutôt ambivalent. Jusqu'à la fin, je n'ai pas vraiment su me décider s'il était vraiment bénéfique ou dangereux pour les colons. En tout cas, il s'agit d'un personnage à part entière et des chapitres entiers lui sont consacrés pour comprendre son fonctionnement et sa façon de penser. J'ai adoré ces chapitres !

La communication est un enjeu majeur du roman, aussi entre humains qu'entre plantes, mais aussi la communication inter-espèces. L'humain qui, sur Terre, avait perdu ce rapport à la nature, le retrouve sur Pax. J'ai adoré la façon dont l'autrice invente un système de communication qui permet aux humains et à la plante de se transmettre des informations et de se comprendre. Cela m'a rappelé le film Premier Contact de Denis Villeneuve (2016) où humains et extra-terrestres trouvent un moyen de communication en produisant des signes. Une sémiosis.

La lecture de ce roman apporte des éléments de réflexion sur notre rapport à la nature et nos modes de communication. L'intrigue rompt avec les stéréotypes du genre en proposant un autre regard sur l'exploration spatiale et la découverte de mondes inconnus. C'était innovant et rafraîchissant. Une lecture comme je les aime !
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Une cinquantaine d'hommes et de femmes ont quitté la Terre pour fonder une colonie sur une planète qu'ils ont baptisée Pax. Ils s"installent avec l'espoir d'une société plus juste, fondée sur la bienveillance et l'entraide, loin des guerres et des rivalités, plus proche de la nature. Mais survivre n'est pas facile, les revers s'enchainent, et la nature n'est peut-être pas le refuge idéal...

Je n'aime pas beaucoup la science-fiction, et il est rare que j'aille au bout d'un roman SF. Or Semiosis m'a complètement embarquée dans son univers. J'aime le mode de narration choisi : chaque chapitre est centré sur un personnage. Il constitue une nouvelle. Petit à petit on découvre les liens entre les personnages. de plus le côté écologie et réflexion sur notre société m'a plu. On sait que les arbres communiquent entre eux, à partir de là Sue Burke a extrapolé. C'est un roman prenant, qui s'essouffle un peu sur la fin. Mais pour un premier roman, c'est franchement réussi.
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J'ai eu du mal avec le premier chapitre. Je le trouvais froid, voire insipide. Mais ensuite, l'écriture devient plus intéressante, et les intrigues aussi.
J'ai apprécié l'écriture sur plusieurs générations, avec chaque fois un point de vue différent (évidemment), comme autant de nouvelles formant un tout.
J'ai aimé le côté positif de ce récit : les Pacifistes s'efforcent de créer une société juste et intégrée à son environnement. Ce n'est pas facile, mais ils essaient de ne pas dévier de ces valeurs fondamentales. C'est agréable de lire un roman dont les problèmes ne se résolvent pas forcément par la violence, ou dans lequel la violence n'est pas la réponse immédiate.
J'ai aimé aussi la faune et la flore de Pax. Sue Burke crée une vie réellement exotique et intéressante, troublante et un peu effrayante. Notamment Stevland qui est une altérité intéressante à voir évoluer (je n'en dis pas plus car il a une grande part dans l'histoire).
Si les humains doivent affronter une nature inconnue, et donc potentiellement dangereuse, ils doivent aussi surmonter les mauvais penchants de la nature humaine, et c'est peut-être là leur plus grand défi. La notion de confiance, notamment, est récurrente. le plus grand courage semble être d'accorder sa confiance aux autres, et plus encore à un être différent, de lui accorder la possibilité de changer et de prouver sa bonne volonté.
Un roman positif, donc, sans être niais, et qui se lit très agréablement.
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Dès les premières pages de Semiosis, j'étais complètement immergé dans l'univers de son autrice. Je découvrais Pax avec autant d'émerveillement et de craintes que les premiers Pacifistes et j'avais, tout comme eux, l'envie irrésistible que leur nouvelle société fonctionne. Car ce planet opera est des plus envoûtants, procurant une évasion totale dans ce nouveau monde plein de promesses et de dangers. Sa construction comme une saga familiale sur plusieurs générations nous [...]

Pour lire la suite de cette critique, rendez-vous sur yuyine.be!
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Plongez dans un autre monde, une autre planète et un autre mode de vie. Nous y suivons des humains ayant perdu foi en la planète Terre. Ils ont donc décidé de partir coloniser une autre planète avec un objectif : créer un monde de paix.
Ainsi, nous suivons ce rêve utopique sur sept générations, mais surtout leur survie. Qui dit nouvelle planète dit nouvelle faune, nouvelle flore et adaptation. Et sur cette planète, les plantes ont 1 milliard d'années de développement en plus que sur Terre. Quel plaisir de découvrir un autre monde et son fonctionnement ! L'auteur a poussé son concept avec logique, nous offrant un monde cohérent dans lequel on arrive à se projeter.
Nous suivons septs voix, sept humains de générations différentes qui ont chacune un ton et un style singulier. L'occasion de découvrir d'autres facettes de leur société grâce à des regards différents. Encore une fois, ce roman confirme que j'adore les histoires qui nous projettent sur des dizaines d'années !
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« Reconnaissants de l'occasion qui nous est donnée de fonder une nouvelle société en pleine harmonie avec la nature, en scellant ce pacte, nous nous promettons confiance mutuelle et soutien. Nous serons confrontés à des épreuves, des dangers, voire à l'échec, mais nous rechercherons avec prudence et raison la joie, l'amour, la beauté, la communauté et la vie ».
C'est sur cette déclaration d'intention que s'ouvre Semiosis, roman de l'américaine Sue Burke traduit par Florence Bury chez Albin Michel Imaginaire.
Je dois dire que je l'attendais depuis longtemps, étant férue des récits d'aventure sur des planètes lointaines, façon Aldebaran en BD, par exemple. J'espérais aussi lire autre chose qu'une triste histoire de colonisation, mettant en oeuvre pour la millième fois la déplorable stupidité humaine. Et je n'ai pas été déçue.
Semiosis est une grande fresque qui retrace l'histoire d'une colonie humaine sur une planète habitable, a priori hospitalière. Animés par une belle utopie, ces hommes et ces femmes sont prêts à affronter les épreuves que leur réserve ce nouvel environnement. Leur rêve : fonder une civilisation qui ne reproduira pas les erreurs qui ont mené la Terre au désastre. Mais l'atterrissage a entraîné de grosses pertes matérielles et humaines, et la priorité est d'abord de survivre.
Dans cette trame qui se déploie sur une centaine d'années, viennent s'enchâsser des histoires individuelles, chacune offrant une vision différente des choses. Les narrateurs et les narratrices se succèdent au fil des générations, affrontant, à leur échelle, les défis qui se présentent à eux. D'une manière assez subtile, on les voit infléchir l'évolution de cette civilisation naissante, par leurs intuitions, leurs idées, leur personnalité et leurs actes. Ces voix sont toutes différentes : certaines sont austères, d'autres légères et joyeuses, jeunes ou matures, sages ou généreuses.
J'ai pris beaucoup de plaisir à naviguer entre ces personnages, appréciant l'exercice, même si certains narrateurs m'ont plus touchés que d'autres, comme Higgins, le maître-fipp, à la fois infatué de sa personne et généreux, doué d'une intuition et d'une empathie qui fera de lui le défricheur de la communication avec l'autre.
L'autre, c'est d'abord Steveland, le bambou-arc-en-ciel. Car sur Pax, les plantes sont intelligentes, certaines plus que d'autres. Steveland est un arbre puissant, doué d'une capacité d'adaptation extraordinaire, mais tragiquement seul, comme on l'apprend au fil de l'histoire. Pour lui, les humains sont des animaux, et il est amusant de voir qu'il doute d'abord de leur intelligence. Peu à peu se développe entre Steve et la nouvelle cité humaine une véritable relation symbiotique, qu'il qualifie de « mutualisme » ou de « domestication » selon la manière dont son ego s'affirme.
Au passage, j'ai beaucoup apprécié la manière dont l'autrice présente le métabolisme du bambou-arc-en-ciel, une sorte d'extrapolation, finalement, de ce que l'on sait aujourd'hui sur les plantes. Il y a juste ce qu'il faut de bio et de chimie dans le récit pour se figurer comment il interagit sur son environnement et développe son intelligence, à travers ses fruits, ou ses racines à la fois fonctionnelles et mémorielles. Certains lecteurs pourront trouver ce vocabulaire abscons, mais moi ça m'a plu. Alors il est vrai toutefois que le fonctionnement sensitif, cognitif et émotionnel de Steveland reste calqué, finalement, sur un modèle anthropocentrique. Certes, il a des limitations et des caractéristiques propres, mais sa manière de penser, son rapport au temps, à son environnement, sont très proches de celles d'un être humain. Ce qui est beau, c'est que la relation avec ses « animaux » le fait grandir et évoluer, comme le montre par exemple cette « racine humoristique » qu'il fait pousser sur une suggestion de Lucille, l'une des narratrices que j'ai trouvé particulièrement attachante.
Steveland apprend, s'adapte, évolue, devient meilleur et cherche à ne pas reproduire les erreurs du passé. Il est comme un miroir de cette humanité qui cherche aussi à donner le meilleur d'elle-même, et se transforme aussi à son contact. Moi aussi, je rêve d'un un monde où les hommes et les femmes auraient pour aspiration principale de donner le meilleur d'eux-mêmes au service du bien commun.
Une autre rencontre survient par la suite, cette fois avec une espèce animale, ou insectoïde. Les « verriers », probablement venus eux aussi d'un autre monde, vont être l'occasion pour les « pacifistes » de faire face à leurs vieux démons. Ces derniers chapitres sont riches en émotion, et passionnants quant aux questions posées. Car comment développer une civilisation fraternelle et non violente, quand les germes de la peur, de la haine et de la violence se sont déjà glissés au sein de la communauté ? Est-il possible de contrer l'agressivité par la bienveillance, ou faut-il élaborer des stratégies de domination et de soumission détournées pour domestiquer son ennemi ? N'est-ce pas, aussi, une forme de violence ? Qu'est-ce qui fera la différence ?
À ces questions d'ordre, disons, philosophique, s'ajoute la dimension psychologique du récit. La communauté pacifique est comme un laboratoire, où tous les aspects de l'âme humaine se côtoient, en condensé. Tout cela est montré sans didactisme, avec une sorte de fausse simplicité qui soulève des questions à laquelle le récit propose des réponses ouvertes, tout en nuances.
Le titre du roman Semiosis, évoque l'art délicat de l'interprétation des signes. Steveland s'exprime visuellement, en faisant apparaître des signes à sa surface grâce à des chromoplastes. Les Verrier, l'autre race extraterrestre, s'expriment oralement par des claquements et des crissements difficiles à interpréter pour les humains, mais pas que : ils font aussi intervenir tout un langage d'odeurs, chaque molécule portant sa propre signification en fonction du contexte. L'aspect linguistique n'est peut-être pas plus développé que ça, d'ailleurs, j'ai un peu regretté que les premiers colons aient décidé de choisir l'anglais comme seule et unique langue commune, dans le but louable d'éviter les conflits internes. J'ai trouvé ça vraiment dommage, étant donné l'esprit du roman. L'anglais, bon. En 2065, d'abord, il n'est pas sûr que l'anglais soit toujours la langue dominante dans le monde. Ce sera peut-être le chinois, allez savoir. Et puis, étant donné que ces premiers explorateurs sont porteurs d'une utopie, pourquoi ne pas s'être attribué une langue nouvelle, ça aurait déjà été une utopie en soi, et on sait qu'il en existe, je pense par exemple à l'esperanto. Je suis sûre que les pacifistes auraient approuvé.
Mais cela n'a pas entaché mon plaisir, et pour moi, cette lecture est un coup de coeur. J'ai aimé cette science-fiction qui fait voyager, réfléchir, rire ou et (presque) pleurer (je ne dirai pas à quel moment de l'histoire, mais vous verrez), et qui surtout, surtout, propose une vision réaliste mais positive de ce que l'homme pourrait accomplir, si on avait la possibilité, un jour, de faire table rase des paradigmes sur lesquels se sont construites nos civilisations. Est-ce vraiment possible ? L'histoire le dira.
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