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Je n'avais jamais rien lu de pareil. Ce roman doit donner mal à la tête à ceux qui aiment bien catégoriser les livres. Science fiction, polar-thriller, horreur, il y a un peu de tout. Je l'imagine un peu comme une vinaigrette : une préparation d'éléments non- miscibles, fortement agitée pour donner une illusion d'homogénéité et indubitablement merveilleuse au goût. Point de vue science fiction, le voyage dans le temps est à l'honneur ; mais un voyage dans le temps auquel le quantique se mêle et qu'il emmêle. Les concepts de TFI et de « terre ferme » développés ici – un arrière-goût de conception d'univers des Princes d'Ambre de Zelazny en plus scientifique –, leurs implications judicieusement exploitées, peuvent vous pousser à réfléchir à la chose pendant un moment. En tout cas c'est ce qui m'est arrivé et bien m'en a pris car cela m'a permis de conjecturer le statut de la « terre ferme » de 1997. Ces voyages ne nous emportent pas très loin – on balaie une trentaine d'années au mieux – mais cela suffit à Tom Sweterlitsch pour décrire des situations emberlificotées et des tempêtes littéraires chaotiques que le lecteur affronte en restant assuré sur la ligne temporelle de l'agent Shannon Moss, du NCIS (eh oui, le NCIS, Gibbs, Abby, DiNozzo, Ziva, tout ça). L'auteur profite des voyages pour modifier son style, passant de la troisième personne du singulier en terre ferme à la première personne dans les TFI. Là aussi on se demande quel en est le but. J'ai supposé que les TFI, extrêmement dépendants dans leur existence même au voyageur temporel, pouvaient être considérés comme des sortes de « rêves » accessibles seulement à la seule personne réelle du jeu ; donc impossible d'envisager l'histoire contée par un narrateur indépendant. Autre aspect purement science fictif : la description de l'étrangeté de la planète Espérance fait partie des plus belles peintures exotiques que cette littérature m'ait offertes. Une puissance évocatrice presque insupportable de beauté mortelle. L'autre élément de la vinaigrette est l'enquête de l'agent Moss, à la poursuite de tueurs en série qui laisseraient Hannibal Lecter pantois d'admiration. le Silence des Agneaux vient forcément à l'esprit à la lecture de Terminus. Je ne suis pas très féru de ce genre de littérature et j'aurais donc du mal à évaluer la qualité et l'originalité de l'enquête dans un sens autre que subjectif. Et subjectivement c'est terriblement fascinant, souvent atroce, parfois douloureux à lire ; une horreur bien plus vivace que ce qu'un Freddy Griffe de la Nuit pourrait provoquer. Tom Sweterlitsch décrit ses personnages secondaires avec délicatesse. Ils vivent vraiment. J'ai pensé à Jo Walton pour cet aspect du roman. Quant à Shannon Moss, elle devient rapidement une vieille amie à qui l'on ne peut que s'attacher et pour laquelle on souffre. Le Terminus mêle ces deux aspects : une origine scientifique et une horreur absolue dans sa forme. Il est comme une épée de Damoclès au-dessus de votre tête dont on sait à quelle heure elle tombera pour vous décapiter. Continuer à vivre en sachant que Terminus existe, c'est se mettre dans la peau de Sarah Connor à la fin du premier Terminator : elle sait que la tempête arrive. En deux mots comme en cent, ce livre est une véritable révélation, un mélange fin de genres non miscibles qui vous accroche et vous horrifie à la fois. Je remercie – une nouvelle fois – Apophis dont la critique m'a décidé à oser pénétrer ce roman. Ça valait sacrément le coup. + Lire la suite |