Rien ne t'efface

Je ne sais pas si vous imaginez ce qu'une mère peut ressentir, Maddi, quand elle laisse sont bébé dans un tiroir, qu'elle le referme, et qu'elle repart. Je ne sais pas si vous pouvez imaginer tout ce que le cerveau peut inventer, pour se protéger, pour survivre, pour continuer à marcher sans se retourner.

Aster a exercé un peu tous les métiers, assistante de vie scolaire, animatrice en centre de loisirs, nounou et même baby-sitter : tous les boulots qui la mettaient en contact avec des enfants et lui permettaient de garder du temps pour sa véritable passion : Conteuse !

_ Il y a ceux qui achètent des mandarines avec du papier autour, et ceux qui les achètent sans.[...]
_Les premiers [...]ceux qui achètent des mandarines avec du papier autour sont d'une nature confiante. Ils n'ont pas besoin de vérifier si le fruit en dessous est abîmé. Ils considèrent que le risque est minime, en tout cas pas suffisamment important pour se méfier. Ils ne se posent même pas la question pourquoi certains fruits sont emballés et d'autres pas. A la limite, ils trouvent ceux empapillotés plus jolis. Ils aiment que le monde fasse preuve d'imprévisibilité et de fantaisie, ils y voient le respect de leur propre désir de liberté. En résumé, pour simplifier, ce sont des gens optimistes. [...]
_Et les autres?
_ Ils sont pragmatiques. ils ne font confiance qu'à leur jugement. le monde n'existe qu'à travers le filtre de leurs propres raisonnements. de leur propre système de valeurs, si tu préfères. Ils sont pessimistes et soupçonneux. Comme moi, Savine! Ils sont, comment dire, précautionneux. [...]
_Tu ne sais pas ce que tu perds! Dans les surprises de la vie, ce qu'il y a de plus beau, c'est le papier cadeau.

Quand la vie vous offre une seconde chance, qui la refuserait ?
Si l'on vous ouvrait les portes de l'enfer, pour aller y rechercher votre amour le plus cher, qui renoncerait ?

Faut croire que le monde se divise en deux, grogne-t-il en se relevant. Ceux qui larguent tout pour avancer et ceux qui trimballent tout le poids de leur vie sur le dos.

Ou bien c'est la clinique qui se fout de l'hôpital psychiatrique ? Je sens que je suis bonne à interner.

L'art subtile d'éterniser le temps.

- Je crois... Je crois surtout que le monde se divise en deux. Ceux, comme moi, qui se contentent de ce qu'ils voient, sentent, goûtent, entendent, touchent et ceux à qui ça ne suffit pas. Ceux, comme toi, qui ont besoin de penser qu'il y a autre chose, invisible, incolore, avant la vie ou après la mort. Ensuite toutes les religions se valent, toutes les superstitions, l'enfer, le paradis, la réincarnation...
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Je regarde, hypnotisée, la neige tomber. La fenêtre de ma chambre est couverte de buée. Une fine couche de poudreuse recouvre la parking du Moulin de Chaudefour, on ne distingue plus la route du talus, ou des premières pentes de la vallée, sapins et pylônes pareillement déguisés. La montagne devant moi n'est déjà qu'une longue piste blanche qui s'achève au pied de l'ancienne auberge. L'hiver s'installe, reprend possession des lieux, telle une armée impitoyable dont on ne peut s'empêcher d'admirer la froide détermination.

_Pas vous, Maddi. Vous êtes médecin. Vous êtes une femme rationnelle. Vous croyez à la science, pas à ce genre de ... de superstitions.