Il écrivait des chansons sur notre coin du monde : les champs de maïs à perte de vue, les forêts reboisées, les collines bossues et les vallons striés. Le froid tranchant comme une lame, les journées trop courtes, la neige, la neige, la neige. Ses chansons étaient nos hymnes - nos porte-voix, nos micros, nos poèmes de juke-box. Nous l'adorions; nos femmes l'adoraient. Nous connaissions toutes les paroles de ses chansons, et parfois, nous y figurions.
Je suis ici chez moi. C'est dans cette ville qu'on a cru en moi en premier. C'est ici qu' on croit toujours en moi. C'est l'endroit qui m'a fait accoucher des morceaux de mon premier album.
Allez-y mon garçon. Je préfère être tué par vous qu'épargné par n'importe quel autre homme
[...] Ces hommes qui se sont toujours connus. Ces hommes qui sont tous nés dans le même hôpital, qui ont été mis au monde par le même obstétricien. Ces hommes qui ont grandi ensemble, mangé la même chose, chanté dans les mêmes chorales, fréquenté les mêmes filles, respiré le même air. Ils ont développé une langue à eux, une communication par signes invisibles, comme des bêtes sauvages. Et parfois, être ensemble, tout simplement, leur suffit, quand ils se baladent en forêt, regardent la télé ou font griller des steaks. Je les ai vus faire. Des journées entières à débiter des stères de bois en échangeant une dizaine de mots à tout casser.
Une balançoire aux chaînes rouillées qui s'indignait bruyamment au moindre souffle de brise.
Pour moi, c'est ça, l'Amérique : des pauvres gens qui jouent de la musique, partagent un repas et dansent, alors que leur vie entière a sombré dans le désespoir et dans une détresse telle qu'on ne penserait jamais qu'elle tolère la musique, la nourriture ou l'énergie de danser. On peut bien dire que je me trompe, que nous sommes un peuple puritain, évangélique et égoïste, mais je n'y crois pas. Je refuse d'y croire.
Le mot "mélancolie", a une résonance dramatique, mais il arrive que ce soit le terme approprié. Lorsqu'on se sent à la fois un peu heureux et un peu triste, ce genre d'émotion que la plupart d'entre nous ressentent à la cérémonie de fin d'études du lycée (..)
Quand j'avais nulle part d'autre où aller, je revenais ici. Quand je n'avais rien, je revenais ici. Je revenais ici et je créais quelque chose à partir de rien.
Et à chaque fois que je revenais, j'étais entouré de gens qui m'aimaient, qui tenaient à moi.
[...] – Alors quoi, tu veux te battre ? m’a-t-il demandé. C’est ça ? Parce que merde alors, vas-y, je suis prêt à ce que tu me casses la gueule si on peut recommencer à être amis après. J’en ai vraiment rien à foutre.
– Ça serait pas vraiment une bagarre dans ces conditions…
– Non, sans doute que non. Qu’est-ce qu’on peut faire, alors ?
[...] Nous sentions tous les deux qu’à plus de trente ans nous étions enfin sortis de l’enfance. Que l’amitié facile et tranquille de notre jeunesse avait vécu. Nous avons passé une demi-heure sans échanger plus d’une centaine de mots. Pas même à propos de la pluie et du beau temps.