Citations sur Retour à Little Wing (85)
« C’est ici que j’entends tout : le monde qui palpite différemment, le silence qui résonne comme un accord joué il y a une éternité, la musique dans les trembles, les sapins, les chênes et même les champs de maïs desséchés. »
En hiver: Fais comme les ours et reste au lit à hiberner, à pâlir, à lire des romans russes ou à jouer aux échecs par courrier avec de la famille éloignée et des amis de lycée exilés. En hiver: attache une paire de patins fins comme des couteaux et grave ton nom sur une mare gelée, pousse un palet glacé avec une longue crosse de hockey, puis reprends ton souffle, immobile, et transpire dans des températures en dessous de zéro. L'hiver.
Felicia s'est mouchée bruyamment. On aurait dit une corne de brime dans la purée de pois, sur le lac Michigan.
Il y avait tant à faire et en même temps, rien à faire.
Dans la vie, certaines personnes sont des anges. Qui prennent le téléphone au bon moment pour vous appeler, parce qu'ils se font du souci pour vous ou parce qu'ils ont envie d'entendre votre voix. Qui vous disent que ça vous fera du bien de pleurer, ou qu'il est l'heure de passer à autre chose. Qui vous disent que vous êtes belles, qu'ils n'en demandent pas plus, qu'ils vous aiment.
Si vous voulez mon avis, c'est ce qu'il y a de mieux à faire, épouser sa meilleure amie. Croyez-moi, une fois que le désir sexuel finit par se tarir - et il fini toujours par se tarir -, vous êtes condamnés à vous regarder dans le blanc des yeux. Alors autant choisir quelqu'un avec qui on peut avoir une bonne conversation. Quelqu'un qui vous aime et se soucie de vous pour de bon.
Je vis ici, j'ai choisi de vivre ici, parce que ici la vie me paraît plus réelle. Plus véritable, plus authentique... je ne sais pas, plus viable. J'imagine que tout le monde ressent ça, mais je me trompe peut-être. Je ne sais pas. Que pensait Chloé de New York ? C'est vrai, cette ville palpite, tous les jours, toute la sainte journée, le temps soudé en une fusion continue : tard le soir ou tôt le matin, à l'aube et à midi, après-midi paresseux et longues nuits puis à nouveau le matin tôt et tout s'enchaîne sans arrêt et personne ne quitte cette île. Les gens vivent soixante-dix, quatre-vingts ou quatre-vingt-dix ans dans le même petit appartement. Ils sont épris de l'idée même d'y être naufragés.
Cet homme n'avait jamais voyagé, et ça se voyait. A Little Wing, j'avais connu des centaines de visages comme le sien, ceux de l'âge de mon père ou plus vieux. Leurs yeux étaient tellement habitués à se plisser au soleil qu'on aurait pu jurer qu'ils étaient myopes comme des taupes. Leur monde se situait toujours juste devant eux. La chambre, la cuisine, la télévision. Dans les champs, droit devant ou, encore plus crucial, derrière le tracteur.
« Quand je n’avais nulle part d’autre où aller, je revenais ici. Quand je n’avais rien, je revenais ici. Je revenais ici et je créais quelque chose à partir de rien. Je pouvais vivre pour trois fois rien ; il n’y avait rien où dépenser de l’argent, personne à impressionner. Les gens d’ici s’intéressent uniquement à ta conscience professionnelle, ton amabilité et tes compétences. J’étais revenu ici et j’y avais trouvé ma voix, comme un truc qui serait tombé de ma poche, comme un souvenir depuis longtemps oublié. »
Et dans les jardins, les vêtements sur la corde à linge claquent dans la brise rafraîchissante qui annonce l'automne, saison élégante, saison d'écharpes et de vestes, de récoltes et de fenêtres ouvertes la nuit, meilleure saison pour dormir. Quand dans les champs tout attend d'être semé, avec le maïs jaune pâle, sec comme du papier, la terre est retournée une nouvelle fois et laissée au repos jusqu'à l'année suivante.