Je fais fuir tout le monde. A part mes enfants, qui n'ont pas le choix puisqu'ils se trouvent enlisés jusqu'au cou dans toute cette boue, comme moi.
Je fais des efforts désespérés pour rassembler mes pensées tout en mélangeant la crème de marshmallows et les rice krispies dans une poêle, au grand plaisir des enfants. Je n'ai pourtant pas la tête à ça. Je dois prendre une décision. Mon instinct me hurle de fuir. Monte dans la camionnette, charge les enfants et vas-t'en. Recommence ailleurs. Il ne pourra pas te retrouver tout de suite.
Je suis très impatiente de recevoir mon permis de port d’armes par la poste. Je ne relève pas de la catégorie de ces abrutis qui éprouvent le besoin de porter un AR-15 en bandoulière quand ils se rendent au supermarché. Ces gens-là se croient dans un film de science-fiction dont ils sont les héros. Je les comprends, d’une certaine façon. Ils se sentent impuissants tant le monde est incertain. Il n’en reste pas moins qu’ils se croient au cinéma.
À une époque aussi obsédée par l’image, le plus dur est d’empêcher les gamins de publier leur photo sur Internet. On est épié en permanence par des gens dont l’attention ne se relâche jamais. Les yeux qui nous observent ne battent jamais des paupières.
Pour la première fois, elle prend conscience qu'une arme à feu représente tout autant un danger qu'une protection. [...] Tous ceux qui pensent que les armes sont une solution oublient leur fonction première: tuer.
Nous avons un règlement, il est normal de l’appliquer, même s’il ne m’amuse pas davantage que vous.
Le mur écroulé était celui sur lequel Mel accrochait ses outils et Gina avait vu une scie toute tordue gisant au milieu des restes de placo. Il sera furieux, avait-elle pensé l’espace d’un instant fugitif. Je ne sais pas comment il va prendre ça. Mel adorait cet atelier dont il avait fait son sanctuaire.
– J’aimerais que vous m’expliquiez ce qu’elle fait là, avait déclaré Salazar en tendant un doigt.
En relevant la tête, Gina avait aperçu, de l’autre côté du capot du 4×4, une étrange poupée nue accrochée à un piton au milieu du garage. C’est tout juste si cette vision ridicule ne l’avait pas fait sourire. Le mannequin pendait lamentablement à l’extrémité du crochet, une longueur de fil de fer autour du cou, les bras ballants. Un mannequin mal proportionné d’allure blême… Mais pourquoi diable lui avoir peint le visage de ce violet sombre atroce, et pourquoi ces yeux rouges exorbités, cette langue qui dépassait de ces lèvres gonflées…
Elle avait brusquement compris avec horreur.
Ce n’est pas un mannequin.
Alors, à son corps défendant, elle s’était mise à hurler sans pouvoir s’arrêter.
Au lieu des bateaux de plaisance habituels, je découvre deux vedettes
officielles bleu et blanc, aux cabines surmontées de gyrophares qui émettent
des éclats rougeoyants. Un plongeur se laisse tomber en arrière depuis le pont
du second.
— Nous avons retrouvé un corps dans le lac tôt ce matin, m’explique
l’inspecteur Prester. Je me demandais si vous n’auriez rien vu ou entendu la
nuit dernière.
(...)
Je lui réponds d’une voix calme.
— Je préfère leur éviter un interrogatoire, inspecteur. À moins que vous
n’en ayez l’absolue nécessité.
— C’est le cas, madame.
— Pour une noyade accidentelle ?
Ses yeux couleur d’ambre se posent sur moi. On dirait deux projecteurs.
— Je ne vous ai jamais parlé d’un accident, madame. Ni d’une noyade.
Sa réponse me laisse perplexe, mais j’ai brusquement le sentiment que la
terre s’ouvre sous mes pieds(...)
- Trop cool ! Je peux aller l'aider, m'man ?
Je n'ai aucune envie que mon fils tombe du toit ou de l'échelle. D'un autre côté, il meurt d'envie de se trouver en présence d'une figure masculine capable de lui montrer ce que je ne pourrai jamais lui apprendre. Un homme en mesure d'incarner d'autres valeurs que la souffrance, la peur et l'horreur dont son père est désormais la personnification.
- Vous connaissez M. Cade ? Sam Cade ?
- Sam ? Oui, bien sûr. Pas un mauvais bougre, pour un branleur de manche.
- Un branleur de manche ?
- J'aime mieux ça que gonfleur d'hélice. Après tout, les gars de l'Air Force passent leur temps un manche à la main.
Il ponctue sa phrase d'un sourire, histoire de me montrer qu'il s'agit d'un sobriquet affectueux.