L'ombre de la menace

C’est ainsi que j’appelle le jour où tout a basculé : le Drame, en italique avec une majuscule. Une sorte de film d’horreur, un événement extérieur digne d’être oublié. Une fiction éloignée.

- Dans un monde idéal, votre fils n'aurait pas besoin de savoir se battre. Mais il n'y a que trois certitudes dans l'existence: on meurt un jour, on paye des impôts, et on trouve des caïds dans toutes les cours d'école.

En tant que gérant d'un club de tir, il a dû croiser un certain nombre de femmes désireuses de chasser leurs peurs en apprenant à se défendre. Il sait également qu'une arme ne protège personne si on ne se protège pas soi-même sur les plans émotionnel et mental. Une arme est un point final, et non un paragraphe.

Je m’inquiète surtout du souvenir qu’elle aura conservé de son père.
Qu’on le veuille ou non, qu’on le croie ou non, c’était un bon père et les
enfants l’aimaient de tout leur coeur.
Il s’agissait d’un simple masque grâce auquel il dissimulait son visage de
monstre. Cela n’empêche pas les enfants d’avoir gardé en mémoire l’amour
de Melvin Royal. Malgré ce qui s’est passé, je me souviens de son côté
chaleureux, du sentiment de sécurité qui émanait de lui. Il était capable de
nous donner toute son attention. Il aimait les enfants, il m’aimait, et nous
avions le sentiment qu’il était sincère.
Ce n’était pas le cas, forcément. Étant donné qui il était vraiment. Je n’ai pas été capable de m’en apercevoir et ça me rend malade.

— Voici ce que je te propose : tu nous laisses en paix, tu oublies de te lancer à nos trousses, et je ne demande à personne de te sodomiser avec une barre de fer avant de te battre à mort dans les douches. Qu’en penses-tu ?

Je réfléchis à ma réaction si un intrus force un jour la porte du garage. Tu prends un couteau de cuisine. Tu lui bloques la route avant qu’il ait franchi le seuil de la maison et tu le poignardes sans pitié. Tu profites de ce moment de flottement pour lui sectionner les tendons des chevilles. Il est au tapis.

La phrase est sortie spontanément et c'est tout ce qu'elle attendait

Mes enfants se querellent et se chicanent, mais ils ont le sens de la loyauté. Aucun des deux n’a jamais laissé tomber l’autre depuis le jour du Drame. C’est ainsi que j’appelle le jour où tout a basculé : le Drame, en italique avec une majuscule. Une sorte de film d’horreur, un événement extérieur digne d’être oublié. Une fiction éloignée.

Un sentiment de panique lui envahissait la poitrine, tel un papillon prisonnier derrière une vitre. C’est tout juste si elle parvenait à respirer. Elle se sentait dépassée par les événements, tout était allé trop vite.

La peur qu’elle éprouvait en son nom, en celui de ses enfants, la faisait divaguer, au point d’être la première surprise de s’exprimer de la sorte. On aurait dit qu’elle perdait les pédales, à la façon de ces malheureux que l’on voit aux infos et pour lesquels elle éprouvait habituellement un sentiment de pitié mêlée de mépris.