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Critique de Charybde2


Magnifique et ironique, doux et érudit, le portrait ravageur et sensible d'un havre faussement idyllique, entre Sicile et Tunisie.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/08/27/note-de-lecture-pantelleria-la-derniere-ile-giosue-calaciura/

L'île de Pantelleria, avec ses 83 km2, à 100 km de la Sicile et à seulement 70 km de la Tunisie, est le territoire italien le plus proche de la côte africaine (Lampedusa, pourtant située plus au Sud, voit les côtes libyenne et tunisienne se dérober davantage à sa tentative d'avancée, à 130 et 290 km respectivement). Île volcanique nimbée de légendes antiques, sa position stratégique dans le canal de Sicile, comme sa grande voisine Malte, en a longtemps fait, au fil des siècles, un enjeu de guerres de conquête, d'escarmouches décidées et de convoitises politiques. Son allure abrupte et son fréquent isolement du continent (même de nos jours), lorsque mer et vent se liguent pour empêcher toute liaison maritime ou aérienne, en ont fait un curieux refuge à l'écart, qui appelait certainement un carnet de voyage pas tout à fait comme les autres. On peut compter sur l'incisif Giosué Calaciura pour cela.

Publié en 2016 (et traduit en 2023 chez Notabilia par Lise Chapuis), seulement un an avant son roman « Borgo Vecchio », qui devait lui apporter une véritable consécration du côté des grands prix littéraires italiens et étrangers, « Pantelleria », vrai-faux récit de voyage qui n'a rien d'anodin, est curieusement plus proche, dans son esprit et son écriture, de l'ironie mordante qui habitait « Malacarne », le grand premier roman du Palermitain Giosuè Calaciura, en 1998, ou même (en ne poussant pas ici le sens de la farce de manière aussi diabolique) « Urbi et Orbi » en 2006, et du sens minutieux de l'observation empathique (n'excluant certes pas la critique) qui irriguait son « Passes noires » de 2002.

Arc-boutée sur ses vignes (dont le vin connaît désormais une certaine célébrité pour spécialistes) et sur ses câpres (qui prennent ici une dimension ironiquement presque aussi mondialement emblématique que celle de la kalachnikov chez Oliver Rohe), on aurait pu aisément imaginer la petite île figée et immémoriale (on pourra songer un instant, justement, à la différence de traitement par rapport au récit de Paolo Rumiz à propos de la minuscule Palagruža en mer Ionienne). Mais les people (on pourra jouer à reconnaître par exemple Sting, Giorgio Armani ou encore Carole Bouquet derrière les descriptions sans noms propres adoptées par l'auteur) et les migrants (l'île partage avec la Lampedusa de Davide Enia le privilège ambigu de « première terre d'accueil », qui va avec la condition de « dernière île », le sous-titre retenu par Giosuè Calaciura pour cet ouvrage) en ont décidé autrement : Pantelleria, avec cette écriture mordante d'érudition et d'ironie, est devenue un autre genre de symbole, celui d'une mondialisation chaotique et boiteuse, où les abîmes d'inégalité flamboient sous un soleil de plus en plus chaud. le luxe, le calme et la volupté qui plaisent tant aux privilégiés ont encore de quoi voir un peu venir, mais l'auteur sicilien nous rappelle avec brio, en filigrane, le prix réel de tout cela.

Lien : https://charybde2.wordpress...
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