Pauline, je l'ai rencontrée à l'internat des filles.
Quand je dis "rencontrée", au début, ça a juste été un regard, mais parfois, ça suffit pour changer une vie.
J'aime pas le dimanche. ça sert à rien, sauf à attraper le bourdon en fin de journée, quand vous sentez que le lundi matin approche et que va falloir y retourner.
Mais j'ai donc répondu "ben non, quand même pas", je m'en voudrai toute ma vie, même mes cendres, si on m'incinère après ma mort, continueront de se demander, mais pourquoi j'ai lâché ça, ce jour-la. (p 103)
Je l’ai contemplée un instant: elle était encore plus belle que si je l’avais imaginée. Bien qu’elle fût devant moi, à un mètre de distance, j’ai eu envie de lui écrire une lettre d’amour, parce que j’adore écrire, j’exprime souvent mieux les choses en les taisant. Les mots sur du papier, c’est du silence qui parle, c’est le début de la poésie.
Il y a plein de niveaux de solitude, la solitude tout seul, accessible à tous, en libre-service, ouverte 24 heures sur 24, mais il y a aussi la solitude à deux, qu'on appelle la vie de couple, je le vois bien quand mes parents se comprennent pas du tout, à quel point ils se sentent chacun comme une île déserte. Et puis bien sûr, celle que je connais le mieux, la solitude entre trois et dix personnes en moyenne, qui s'appelle la vie de famille, une des plus coriaces, parce que pour le couple, il y a des recours juridiques comme le divorce, qui a été crée pour mettre fin à la solitude à deux, mais en ce qui concerne la vie de famille, même devant la Cour de justice européenne, ils peuvent rien pour vous. Moi, si je déposais un recours pour demander à aller à Venise tout seul, en train, comme c'était prévu au départ, aucun juge ne s'intéresserait à mon cas, faut pas réver.
Ce qui nous amène à la solitude avec plusieurs millions de personnes autour de vous, c'est la vie en societé, tout le monde sait de quoi je parle.
la porte s’était entrouverte un instant cet après-midi, mais j’avais eu trop peur d’entrer. Le bonheur, quand on n’a pas l’habitude, c’est beaucoup plus compliqué qu’on ne le croit. C’est comme les grands gagnants du loto, certains ne s’en remettent jamais.
- Ben oui, il a des contradictions, ton père, tu sais.
- J’avais remarqué.
- Si tu croises un jour un père sans aucun défaut, tu me le montres. Le tiens, tu vois, il n’est pas parfait, et il n’essaye surtout pas de l’être.
De ce point de vue là, c’était absolument réussi, pensai-je en mon for intérieur.
Quelques secondes plus tard, je pénétrai dans la grande salle de la Fenice. Une hôtesse consulta mon billet. On allait me demander de monter cinq étages pour me retrouver au poulailler, ça n’allait pas louper. Les théâtres à l’italienne, c’est bien les seuls endroits où les pauvres peuvent regarder les riches de haut.
Je suis passé devant un manège avec deux-trois gamins sur des bagnoles miniatures. Je me suis dit qu’ils en avaient peut-être pour leur vie entière, à tourner en rond, c’était donc, mine de rien, une activité très éducative.
La vie, c’est ça, c’est quand on n’y croit plus du tout qu’elle est capable de faire fleurir une rose sur un tas de fumier…