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Calvino nous propose de vivre la journée d'un scrutateur italien. Proche de la gauche (à l'instar de Calvino) il doit tenir un bureau électoral situé dans un hospice catholique. Il assiste donc au défilé des infirmes et des fous, qui votent sous la tutelle attentive des religieuses (proches de la droite). Devant cette manipulation grossière du vote et la désaffection des membres de son parti, le scrutateur remet en question l'acte électoral et s'interroge sur l'importance du suffrage universel. le lecteur est également conduit sur ces interrogations, la mise en scène très visuelle et caricaturale permettant une allégorie des élections pour l'ensemble de la société. Au fond, à quoi rime ce défilé d'électeurs ? Qu'expriment-ils réellement en déposant leur bulletin dans l'urne ? L'atmosphère du texte s'assombrit au fur et à mesure, donnant une teinte assez pessimiste. Les élections semblent détournées de leur vocation originelle et l'idéal démocratique dénaturé. Néanmoins, cette constatation de l'auteur est circonstancielle, ouvrant la possibilité d'une évolution. Les pistes suggérées dans cette nouvelle peuvent se comprendre si nous raisonnons a contrario des scènes où le vote est dénaturé. le texte invite finalement l'électeur à réfléchir sur ce qui le manipule ou sur les oeillères qui peuvent l'empêcher de voter de manière libre et éclairée. Ainsi, ce texte peut se lire comme un appel à la lucidité, à l'intelligence et au refus de voter sous l'influence de la peur ou de fausses informations... (Plus sur Instagram)
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Voilà un petit livre par la taille mais grand dans son contenu qui pose la question de l'inclusion. Quelle place une démocratie fait-elle à ceux qui, trop fragiles, n'ont pas les outils qui leur permettent d'y exercer pleinement leurs droits ?
En Italie, dans les années où se situe le récit, une loi impose à tous de voter. Il faut donc faire voter tout le monde, y compris ceux qui ne sont pas en mesure de comprendre ceux que signifie voter. Un bureau de vote est installé au sein du Cottolengo, un hospice religieux de Turin, dont la vocation est de recueillir toutes les personnes en situation de handicap (je me permets d'utiliser cette expression anachronique, là où le récit parle comme le veut son époque de "contrefaits" ou "d'idiots"). Amerigo est envoyé par le parti communiste dont il est membre pour veiller à la régularité du scrutin.
Amerigo est dans un premier temps démuni dans ce lieu, véritable ville dans la ville. Il n'a pas les outils pour comprendre ce qui se passe même s'il en situe très précisément les enjeux qui tiennent aux questions de la démocratie et des frontières de l'humanité. Pour la deuxième question, il en trouve la réponse dans le spectacle d'un vieux paysan venu rendre sa visite dominicale à son fils. Lui n'est pas comme les soeurs, il n'a pas eu le choix d'être là, ni n'y a été appelé, si l'on se situe dans le registre de la foi.
"Voilà, cette façon de vivre-là, c'est l'amour (....), l'humain va jusqu'où va l'amour ; il n'a d'autres limites que celle que nous lui donnons" Rien de plus simple, ni de plus nécessaire que ce qui est dit là.
Dans les premiers moments passés au Cottolengo, Amerigo se raccroche à l'image de la beauté de sa maîtresse et fait le constat que pour qu'il y ait un processus historique il faut viser la beauté autrement dit la perfection. Mais comme il le reconnaît immédiatement, en se référant aux Grecs " placer trop haut la beauté, n'est-ce pas faire un premier pas vers un monde inhumain où les infirmes seront précipités du haut d'un rocher"
Au Cottolengo, les jeux sont faits, tout le monde vote pour la démocratie chrétienne, et il y a toujours un prêtre ou une soeur pour faire voter ceux qui n'y arrivent pas. Fort de ses premières réflexions et faible dans les outils théoriques auquel il se raccroche, Amerigo laisse faire. Il ne faudrait pas précipiter symboliquement l'infirme du haut du rocher en le déclarant trop vite inapte. le fascisme n'est pas bien loin. Puis peu à peu, Amerigo comprend, en même temps qu'il fait place à cette humanité, qu'il accueille comme étant désormais un possible du devenir humain et il parvient à poser des limites démocratiques en rappelant au groupe des scrutateurs le sens du vote et du nécessaire respect de dignité humaine
"Cette comédie a assez duré, conclut Amerigo sèchement. Il est incapable de manifester sa volonté, donc il ne peut pas voter. C'est clair. Un peu plus de respect, voyons. Pas besoin d'en dire davantage. (Voulait-il dire un peu plus de respect pour l'acte électoral ou pour la souffrance ? Il ne précisa point.)"
Etape importante pour la progression de son regard. Il envisage alors la laïcisation et la professionnalisation de ce travail d'accompagnement qu'accomplissent les soeurs et finit par percevoir l'incroyable fécondité du geste de penser que chacun est éducable et, si démuni soit il, capable de progresser. En rencontrant, un ouvrier de l'hospice, privé de mains, qui parvient néanmoins à accomplir tous les gestes de la vie quotidienne et de travailler, Amerigo comprend la portée de ce que l'on appelle désormais l'inclusion. Au delà, il est capable de déceler de la joie dans ce lieu.
"Même la ville des plus grandes imperfections, songea le scrutateur, connaît des heures parfaites : l'heure, l'instant où dans toute cité paraît la Cité."
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Ce petit livre très court est né d'un fait à la limite de l'anecdote, point de départ d'une réflexion sur la démocratie, et de questions qui restent d'actualité.
L'histoire se passe dans l'Italie des années 20 : Amerigo, communiste, occupe la fonction de scrutateur dans le bureau de vote du quartier Cottolengo à Turin. Ce quartier est une sorte de ville hospice ou asile. Les électeurs sont infirmes, grabataires, voire déficients mentaux. Au vu de ce spectacle, Amerigo a bien peur que le résultat des élections ne soit joué d'avance, car « on votait ici pour un seul parti : tout le monde le savait n'est-ce pas ? Alors à quoi bon s'agiter et compliquer les choses ? », pour le parti démocrate-chrétien a priori, les électeurs votant la main guidée par le personnel de l'institution religieuse. Italo Calvino fait de ces faits bruts une matière riche. le défilé d'électeurs est le reflet d'une Italie profonde, le scrutateur se doit de refuser le vote de ceux qui sont de toute évidence inaptes à voter et manipulés, mais en même temps, quand il refuse un vote, il a l'impression d'aller à l'encontre de ses idées, il vit une espèce de crise morale, se posant des questions sur le sens de l'humanité. le constat est assez désespérant par rapport aux magouilles des hommes politiques et à la bêtise humaine, mais les questions sur les limites de la démocratie sont saines et pertinentes, même si sans réponse.
Chapeau pour avoir réussi à concentrer tout cela dans un roman d'une centaine de pages !
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Voici ce qui me reste de cette lecture ancienne, en quatre mots-clés :
*AMOUR : ce qui s'échappe, ce qui semble certain un moment puis redevient destiné à Liverpool. L'amour est anglais.
*POLITIQUE : le constat est assez désespérant sur son utilité, cela changera bien peu de choses à Cottolengo, à la Cité.
*COMPASSION : celle que gagne Amerigo mais à laquelle il ne peut s'accrocher : il comprend pour un instant ce « qu'il faut exiger de la société » et ce qu'il faut atteindre « par soi-même ».
*ÉPIPHANIE : comme celle que Calvino refuse.
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Voici un récit qui peut sembler déroutant dans la bibliographie d'Italo Calvino et qui pourtant ne cesse de scruter les fonctionnements humains. Ce livre résonne bien avec les problématiques électorales actuelles. Qui a le droit de voter. Vaste question. Livre écrit hier ? Loin de là. C'est la force de l'artiste et de son oeuvre. Au détour du contenu certains dialogues et situations sont très savoureux.
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J'ai revécu, en lisant La journée d'un scrutateur, deux expériences passées : tout d'abord, mes années de travail à l'hôpital psychiatrique St-Jean-de-Dieu (l'actuel Institut universitaire en santé mentale de Montréal), en la Cité de Gamelin (l'hôpital et son territoire avaient statut de municipalité). La description que Calvino fait du Cottolengo de Turin m'a remis en mémoire l'architecture bizarroïde de St-Jean-de-Dieu. le rapprochement est frappant. Mais Amerigo, le personnage central, ne voit pas que l'architecture, il rencontre aussi des êtres, les religieuses et les patients qui sont également de l'image que St-Jean-de-Dieu a imprimée dans ma mémoire.

«L'institution occupait à elle seule tout un quartier; elle comprenait un ensemble d'asiles, d'hôpitaux, d'hospices, d'écoles et de couvents, presque une ville dans la ville, ceinte de murs et soumise à d'autres lois. Elle avait les contours irréguliers d'un corps qui a grandi par à-coups, au hasard des legs, constructions et initiatives; derrière les murs pointaient des toits, des clochers d'églises, des cheminées, des frondaisons; quand la rue séparait deux bâtiments, ils étaient unis par des passerelles couvertes, comme certaines vieilles bâtisses industrielles qui ont grandi en fonction des commodités bien plus que de l'esthétique, et qui sont elles aussi entourées de murs nus ou de grilles.» [I. C.]

L'autre souvenir en résurgence est celui d'une journée passée debout dans le gymnase d'une école pour agir comme « agent de sécurité » dans un bureau de vote au moment d'une quelconque élection (scolaire?). Médiocre expérience!

Mais, quel petit livre! J'ai été touché!

Lien : https://rivesderives.blogspo..
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Sur un ton plus sérieux que dans ses autres livres, Calvino raconte ici l'évolution morale d'un scrutateur passant la journée à faire voter des handicapés moteurs et mentaux...Inspiré d'un fait divers, le récit, court et sobre, est une diatribe contre la bêtise et la folie des hommes politiques prêt à tout pour obtenir plus de votes.
Néanmoins, le livre ne laisse pas un souvenir impérissable, la faute à un personnage principal trop effacé et une évolution morale qui finit en tire-bouchon. le style si particulier de la Trilogie des ancêtres et des oeuvres plus méta-textuelles de Calvino sont remplacés par une écriture à la première personne classique.
Un livre au sujet intéressant mais qui manque le coche et ne parvient pas à marquer le lecteur.
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j'ai entamé, dans la douce montée du soir, jusqu'à ce que l'obscurité me chasse, "la journée d'un scrutateur" d'Italo Calvino qu'assez inexplicablement je n'avais jamais lue. Avec le plaisir de la construction du récit comme toujours et de ce jeu entre auteur et héros, avec le sentiment de retrouver (grosse nuance : n'ai pas eu le droit à un électorat aussi particulier) ce que j'ai vécu, ce groupe qui se crée, à travers les antagonismes de parti, entre les membres du bureau, ce renoncement parfois aux règles, par résignation un peu, par souci d'en rester au principal, cette humilité et la force de ce qui n'est pas qu'un rite, ce détournement, ce questionnement sur la démocratie...
Mais aussi, ce questionnement sur ce qu'est l'humain, ce refus et ce besoin de hiérarchiser, l'adhésion à un idéal, le lien détendu, le poids de l'histoire et l'habitude des défaites et victoires qui n'en sont pas, etc.
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Avec un sens aigu de l'observation et un engagement politique désabusé, un citoyen de gauche participe comme scrutateur à une journée de vote où les irrégularités seront nombreuses (les religieuses qui votent sur ordre, les personnes handicapées qu'on "fait voter"), les protestations inutiles - d'ailleurs il y renonce - et la démocratie un grand jeu de faux-semblants... Ce court texte n'a rien perdu de son actualité.
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Calvino, scrutateur de l'homme en démocratie.

Dans ce récit romancé, Italo Calvino nous fait part d'une expérience vécue en tant qu'assistant à un bureau de vote dans l'Italie des années 50. Résumé de cette façon laconique, La Journée d'un scrutateur pourrait très vite apparaître comme au mieux un livre de témoignage anecdotique mais l'auteur est un véritable écrivain et il transforme rapidement cette matière brute en une réflexion très inspirée et très féconde. Grâce à des digressions suscitées par ce défilé d'électeurs, véritable concentré d'une "Italie profonde et cachée" , il s'interroge toujours avec pertinence et sans aucune certitude sur les limites de la démocratie et la place de l'homme dans la société et au-delà. Il se permet même le luxe de remettre en perspective (succinctement, cependant!) des débats du début du 20ème siècle sur ces problématiques. Réussir à faire tenir toute cette richesse dans un livre d'une centaine de pages et à partir d'un fait divers de sa vie personnelle: Bravo l'artiste!
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