La ville pour celui qui y passe sans y entrer est une chose, et une autre pour celui qui s’y trouve pris et n’en sort pas ; une chose est la ville où l’on arrive pour la première fois, une autre celle qu’on quitte pour n’y pas retourner ; chacune mérite un nom différent ; peut-être ai-je déjà parlé d’Irène, sous d’autres noms ; peut-être n’ai-je jamais parlé que d’Irène.
Marco Polo décrit un pont, pierre après pierre.
- Mais laquelle est la pierre qui soutient le point ? demande Kublai Khan.
- Le pont n’est pas soutenu par telle ou telle pierre, répond Marco, mais par la ligne de l’arc qu’à elles toutes elles forment.
Kublai Khan reste silencieux, il réfléchit. Puis il ajoute ;
- Pourquoi me parles-tu des pierres ? C’est l’arc seul qui m’intéresse.
Polo répond :
- Sans pierres il n’y a pas d’arc.
L’ailleurs est un miroir en négatif. Le voyageur y reconnaît le peu qui lui appartient, et découvre tant ce qu’il n’a pas eu, et n’aura pas.
L’enfer des vivants n’est pas chose à venir ; s’il y en a un, c’est celui qui est déjà là, l’enfer que nous habitons tous les jours, que nous formons d’être ensemble.
Il arrive un moment dans la vie où entre tous ceux qu’on a connus, les morts sont plus nombreux que les vivants.
L'inferno dei viventi non è qualcosa che sarà; se ce n'è uno, è quello che è già qui, l'inferno che abitiamo tutti i giorni, che formiamo stando insieme. Due modi ci sono per non soffrirne. Il primo riesce facile a molti: accettare l'inferno e diventarne parte fino al punto di non vederlo più. Il secondo è rischioso ed esige attenzione e apprendimento continui: cercare e saper riconoscere chi e cosa, in mezzo all'inferno, non è inferno, e farlo durare, e dargli spazio.
L’enfer des vivants n’est pas une chose qui adviendra ; s’il y en a un , et c’est celui qui est déjà présent , l’enfer que nous habitons tous les jours, que nous créons en vivant ensemble. Il existe deux façons de ne pas en souffrir : accepter l’enfer et l’intégrer jusqu’au point de ne plus s’en apercevoir . Le second est à risque, et exige attention et apprentissage continus: chercher et savoir reconnaître quelle est la chose au milieu de l’enfer qui n’est pas l’enfer, la faire durer et lui procurer de l’espace.
( De la préface de la rétrospective de l’exposition Jeronimius Bosch au Palazzo Reale de Milan)
L'enfer des vivants n'est pas chose à venir ; s'il y en a un, c'est celui qui est déjà là, l'enfer que nous habitons tous les jours, que nous formons d'être ensemble. Il y a deux manières de ne pas en souffrir. La première réussit aisément à la plupart : accepter l'enfer, en devenir une part au point de ne plus le voir. La seconde est risquée et elle demande une attention, un apprentissage continuels : chercher et savoir reconnaître qui et quoi, au milieu de l'enfer, n'est pas l'enfer, et le faire durer, et lui faire de la place.
Je parle, je parle […], mais celui qui m’écoute ne retient que les paroles qu’il attend. Ce qui commande au récit, ce n’est pas la voix, c’est l’oreille.
- Pourquoi la construction de Tecla dure-t-elle si longtemps ? […]
- Pour que ne commence pas la destruction.
Peut-être les terrasses de ce jardin ne donnent-elles que sur le lac de notre esprit…