[...] je m'obligeais à visiter régulièrement les cafés spécialisés où se réunissaient nos humanistes professionnels. Mes bons antécédents m'y faisaient naturellement bien recevoir. Là, sans y paraître, je lâchais un gros mot : "Dieu merci !" disais-je ou plus simplement : "Mon Dieu..." Vous savez que nos athées de bistrots sont de timides communiants. Un moment de stupeur suivait l'énoncé de cette énormité, ils se regardaient, stupéfaits, puis le tumulte éclatait, les uns fuyaient hors du café, les autres caquetaient avec indignation sans rien écouter, tous se tordaient de convulsions, comme le diable sous l'eau bénite.
Nous ne pouvons affirmer l'innocence de personne, tandis que nous pouvons affirmer à coup sûr la culpabilité de tous
Dieu n'est pas nécessaire pour créer la culpabilité, ni punir. Nos semblables y suffisent, aidés par nous-mêmes. Vous parliez du jugement dernier. permettez-moi d'en rire respectueusement. Je l'attends de pied ferme : j'ai connu ce qu'il y a de pire, qui est le jugement de l'hommes. Pour eux pas de circonstance atténuantes, même la bonne intention est imputée à crime.
Certains mariages, qui sont des débauches bureaucratisées, deviennent en même temps les monotones corbillards de l'audace et de l'invention.
Quand on a beaucoup médité sur l'homme, par métier ou par vocation, il arrive qu'on éprouve de la nostalgie pour les primates.
On voit parfois plus clair dans celui qui ment que dans celui qui dit vrai. La vérité, comme la lumière, aveugle. Le mensonge, au contraire, est un beau crépuscule, qui met chaque objet en valeur .
Je compris alors, sans révolte, comme on se résigne à une idée dont on connaît depuis longtemps la vérité, que ce cri qui, des années auparavant, avait retenti sur la Seine, derrière moi, n’avait pas cessé, porté par le fleuve vers les eaux de la Manche, de cheminer dans le monde, à travers l’étendue illimitée de l’Océan, et qu’il m’avait attendu jusqu’à ce jour où je l’avais rencontré. Je compris alors qu’il continuerait de m’attendre sur les mers et les fleuves, partout enfin où se trouverait l’eau amère de mon baptême.
Surtout, ne croyez pas vos amis, quand ils vous demanderont d’être sincère avec eux. Ils espèrent seulement que vous les entretiendrez dans la bonne idée qu’ils ont d’eux-mêmes, en les fournissant d’une certitude supplémentaire qu’ils puiseront dans votre promesse de sincérité.
Je me pris ainsi d' une fausse passion pour une charmante ahurie qui avait
si bien lu la presse du coeur qu' elle parlait de l' amour avec la sûreté et la
conviction d' un intellectuel annonçant la société sans classes
L'air de la réussite, quand il est porté d'une certaine manière, rendrait un âne enragé.