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Citations sur La Chute (591)

Avez-vous remarqué que la mort seule réveille nos sentiments ? Comme nous aimons les amis qui viennent de nous quitter, n'est-ce pas ? Comme nous admirons ceux de nos maîtres qui ne parlent plus, la bouche pleine de terre !
L'hommage vient alors tout naturellement, cet hommage que, peut-être, ils avaient attendu de nous toute leur vie. Mais savez-vous pourquoi nous sommes toujours plus justes et plus généreux avec les morts ? La raison est simple ! Avec eux, il n'y a pas d’obligation.
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J'ai compris cela ( 1 ) d'un coup, le jour où le soupçon m'est venu que, peut-être, je n'étais pas si admirable.


( 1 ) NDL : qu'en fait, les innombrables amis dont j'étais entouré étaient des faux-amis.


Le cercle dont j'étais le centre se brisait et ils se plaçaient sur une seule rangée, comme au tribunal.
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Et puis, allons droit au but, j'aime la vie, voilà ma vraie faiblesse. Je l'aime tant que je n'ai aucune imagination pour ce qui n'est pas elle. Une telle avidité a quelque chose de plébéien, vous ne trouvez pas ? L'aristocratie ne s'imagine pas sans un peu de distance à l'égard de soi-même et de sa propre vie. On meurt s'il le faut, on rompt plutôt que de plier. Mais moi, je plie, parce que je continue de m'aimer. Tenez, après tout ce que je vous ai raconté, que croyez-vous qu'il me soit venu ? Le dégoût de moi-même ? Allons donc, c'était surtout des autres que j'étais dégoûté. Certes, je connaissais mes défaillances et je les regrettais. Je continuais pourtant de les oublier, avec une obstination assez méritoire. Le procès des autres, au contraire, se faisait sans trêve dans mon cœur. Certainement, cela vous choque ? Vous pensez peut-être que ce n'est pas logique ? Mais la question n'est pas de rester logique. La question est de glisser au travers, et surtout, oh ! oui, surtout, la question est d'éviter le jugement. Je ne dis pas d'éviter le châtiment. Car le châtiment sans jugement est supportable. Il a un nom d'ailleurs qui garantit notre innocence : le malheur. Non, il s'agit au contraire de couper au jugement, d'éviter d'être toujours jugé, sans que jamais la sentence soit prononcée.
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Ma grande idée est qu’il faut pardonner au pape. D’abord, il en a plus besoin que personne. Ensuite, c’est la seule manière de se mettre audessus de lui...
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Puis-je, monsieur, vous proposer mes services, sans risquer d’être importun ? Je crains que vous ne sachiez vous faire entendre de l’estimable gorille qui préside aux destinées de cet établissement. Il ne parle, en effet, que le hollandais. Voilà, j’ose espérer qu’il m’a compris ; ce hochement de tête doit signifier qu’il se rend à mes arguments. Vous avez de la chance, il n’a pas grogné. Quand il refuse de servir, un grognement lui suffit : personne n’insiste. Etre roi de ses humeurs, c’est le privilège des grands animaux. Vous avez raison, son mutisme est assourdissant. C’est le silence des forets primitives, chargé jusqu’à la gueule. Unes des rares phrases que j’ai entendues de sa bouche proclamait que c’était à prendre ou à laisser. Que fallait-il prendre ou laisser ? Sans doute, notre ami lui-même. Je vous l’avouerai, je suis attiré par ces créatures tout d’une pièce. Quand on a beaucoup médité sur l’homme, il arrive qu’on éprouve de la nostalgie pour les primates. Ils n’ont pas, eux, d’arrière-pensées. Mais permettez-moi de me présenter : Jean-Baptiste Clamence, pour vous servir. Heureux de vous connaître. Il y a quelques années, j’étais avocat à Paris et, ma foi, un avocat assez connu. Le coeur sur les manches !… On aurait cru vraiment que la justice couchait avec moi tous les soirs. Je suis sûr que vous auriez admiré l’exactitude de mon ton, la justesse de mon émotion, la persuasion et la chaleur, l’indignation maîtrisée de mes plaidoiries. La nature m’a bien servi quant au physique, l’attitude noble me vient sans effort. De plus, j’étais soutenu par deux sentiments sincères : la satisfaction d’être du bon côté de la barre et un mépris instinctif envers les juges en général. Voilà, la conscience du droit, la satisfaction d’avoir raison, la joie de s’estimer soi-même, cher monsieur, sont des ressorts puissants pour nous tenir debout ou nous faire avancer. Au contraire, si vous en privez les hommes, vous les transformez en chiens écumants. Ne croyez pas, cher monsieur, que je me vante en tout ceci. Mon mérite était nul : l’avidité qui, dans notre société, tient lieu d’ambition, m’a toujours fait rire. Je visais plus haut : être maître de mes libéralités, atteindre plus haut que l’ambitieux vulgaire et se hisser à ce point culminant où la vertu ne se nourrit plus que d’elle-même… Arrêtons-nous sur ces cîmes. Ma profession satisfaisait heureusement cette vocation des sommets. Elle m’enlevait toute amertume à l’égard de mon prochain que j’obligeais toujours sans jamais rien lui devoir. Pesez bien cela, cher monsieur : je vivais impunément. Je n’étais concerné par aucun jugement, je ne me trouvais pas sur la scène du tribunal, mais quelque part, dans les cintres. Après tout, vivre au-dessus reste encore la meilleure manière d’être salué par le plus grand nombre. Les juges punissaient, les accusés expiaient et moi, je régnais, librement, dans une lumière édénique. N’est-ce pas cela, en effet, l’Eden, cher monsieur : la vie en prise directe ? Je sais qu’on ne peut se passer de dominer ou d’être servi. Chaque homme a besoin d’esclaves comme d’air pur. Commander, c’est respirer, vous êtes bien de cette avis ? L’essentiel, en somme, est de pouvoir se fâcher sans que l’autre ait le droit de répondre. La puissance tranche tout. D’une manière générale, j’aime toutes les îles : il est plus facile d’y régner. Il faut le reconnaître humblement, mon cher compatriote, j’ai toujours crevé de vanité. L’homme est ainsi, il a deux faces : il ne peut aimer sans s’aimer. Moi, moi, moi, voilà le refrain de ma chère vie. Je n'ai pas d'amis, je n'ai que des complices. Je vivais donc au jour le jour. Au jour le jour les femmes, au jour le jour la vertu et le vice, au jour le jour… mais tous les jours, moi-même, à la surface de la vie. J’ai toujours réussi avec les femmes. Vous savez ce que c’est le charme : une manière de s’entendre répondre oui sans avoir posé aucune question. Nos amies, en effet, ont ceci de commun avec Bonaparte qu’elles pensent toujours réussir là où tout le monde a échoué. Croyez-moi, pour certains êtres, au moins, lorsqu'on se trouve un jour dans la situation de prendre sans vraiment désirer, ne pas prendre ce qu’on ne désire pas est la chose la plus difficile du monde. L’acte d’amour, par exemple, est un aveu. L’égoïsme y crie, ostensiblement, la vanité s’y étale, ou bien la vraie générosité s’y révèle. Nul homme n’est hypocrite dans ses plaisirs, mon cher compatriote. Et puis, allons droit au but, j’aime la vie, voilà ma vraie faiblesse. Je l’aime tant que je n’ai aucune imagination pour ce qui n’est pas elle. La question est d’éviter le jugement. Je ne dis pas d’éviter le châtiment. Car le châtiment sans jugement est supportable. Il porte un nom d’ailleurs qui garantit notre innocence : le malheur. Non, pour le jugement aujourd’hui nous sommes toujours prêts, comme pour la fornication. Vivre pleinement et dans un libre abandon au bonheur, cela ne se pardonne pas. Pas d'excuses, jamais, pour personne. Pour être heureux, il ne faut pas trop s’occuper des autres. Heureux et jugé, ou absous et misérable. La seule parade est dans la méchanceté. Les gens se dépêchent alors de juger pour ne pas l’être eux-mêmes. Nous voulons tous faire appel de quelque chose ! Chacun exige d’être innocent, à tout prix. Dans un sens, je mourais d’envie d’être immortel. L’alcool et les femmes m’ont fourni, avouons-le, le seul soulagement dont je fusse digne. La vraie débauche est libératrice parce qu’elle ne crée aucune obligation. On n’y possède que soi-même ; elle est une jungle, sans avenir ni passé, sans promesse surtout, ni sanction immédiate. Séparée du monde, la débauche n’a rien de frénétique, elle n’est qu’un long sommeil. Autrefois, je n’avais que la liberté à la bouche. Il faut me pardonner : je ne savais pas que la liberté n’est pas une récompense. Oh ! non, c’est une corvée. Au bout de toute liberté, il y a une sentence. Ah ! mon cher, pour qui est seul, sans dieu et sans maître, le poids des jours est terrible. Vous voyez, l'essentiel est de n'être plus libre et d'obéir, dans le repentir, à plus coquin que soi. Quand nous serons tous coupables, ce sera la démocratie. Sans compter, cher ami, qu'il faut se venger de devoir mourir seul. La mort est solitaire tandis que la servitude est collective. Pouvoir tout se permettre, c'est jouir deux fois. Depuis je m'abandonne à tout, aux femmes, à l'orgueil, à l'ennui, au ressentiment. Je règne enfin, mais pour toujours. Et je plains sans absoudre, je comprends sans pardonner, et surtout, je sens que l'on m'adore ! Alors, buvant le jour d'absinthe qui se lève, ivre de mauvaises paroles, je suis heureux, je suis heureux, vous dis-je, je vous interdis de ne pas croire à mon bonheur, je suis heureux ... à en mourir !
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La mort est solitaire tandis que la servitude est collective.
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Je vais vous dire un grand secret mon cher. N'attendez pas le Jugement dernier. Il a lieu tous les jours.
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O jeune fille, jette-toi encore dans l’eau pour que j’aie une seconde fois la chance de nous sauver tous les deux
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Etre roi de ses humeurs, c'est le privilège des grands animaux.
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Le charme est une manière d’obtenir la réponse oui sans poser de question claire.
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