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Jacques Delamain (Directeur de publication)4/5   1 notes
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique




Pour parler de « L'Empire des Serpents », roman insolite s'il en est, il faut d'abord commencer par la collection dans laquelle il fut publié en France.
En 1921, les éditions Stock, entreprise familiale active depuis plus de deux siècles, et qui connaissaient déjà, avant la Première Guerre Mondiale, une baisse notable de leur chiffre d'affaires, sont contraintes de mettre la clef sous la porte.
le fond est racheté par Maurice Delamain et l'écrivain Jacques Boutelleau, qui décident de relancer les éditions Stock en traduisant des oeuvres littéraires étrangères, principalement anglo-saxonnes. Ne voulant pas affronter à nouveau la copieuse concurrence des éditeurs français, Delamain et Boutelleau vont donc implanter en France des oeuvres littéraires étrangères et inconnues, et se faire une place durable dans le marché du livre des années 1920, durant lesquelles ils seront à peu près seuls sur ce créneau.
Maurice Delamain avait un frère, Jacques Delamain, un célèbre ornithologue, auquel il va confier la première collection de livres spécifiquement consacrée aux sciences naturelles (ce que l'on appelle aujourd'hui de manière quelque peu chamanique « Sciences de la Vie et de la Terre »).
Intitulée « le Livre de Nature », cette collection dura au moins trois décennies, jusqu'à la mort de Jacques Delamain en 1953. L'ornithologue y avait publié ses propres livres sur les oiseaux, tout en traduisant et en publiant des livres étrangers sur les animaux ou les plantes, avec une liberté éditoriale absolue et des choix totalement arbitraires… Car, on l'a dit, Jacques Delamain était un ornithologue, donc pas vraiment un expert en littérature, ni même un familier du milieu de l'édition. Remarquant que les livres sur des animaux exotiques se vendaient mieux que les autres, il se mit à traduire quelques récits coloniaux anglo-saxons avec la plus parfaite bonne foi, sans s'imaginer un seul instant que ce genre littéraire puisse inspirer des oeuvres purement imaginaires ou ouvertement mythomanes.
À sa décharge, il faut admettre qu'il y a un siècle, il était difficile de s'y retrouver, quand on n'y connaissait rien soi-même, entre des récits d'explorateurs tout à fait sérieux et documentés, et des romans exotiques parfaitement saugrenus mais soucieux de tromper leur lectorat avec des gravures soignées et des détails prétendument réalistes. Pas moyen alors de vérifier des informations forcément nouvelles, puisque rapportées depuis peu par des explorateurs revenant tout juste de la découverte d'une terre inconnue.
« L'Empire des Serpents » est un merveilleux exemple de fumisterie qui, en son temps, fut indécelable, au point d'ailleurs que ce "roman", puisque c'en est un, fut réimprimé en France une vingtaine de fois, jusque dans les années 80, et même dans une édition de luxe reliée en toile verte. Un vrai succès de librairie, quoi !
Par ailleurs, en 1937, décrocher les droits d'un livre sur les serpents exotiques, pour un directeur de collection cherchant à sortir des sacro-saints thèmes des oiseaux, des poissons et des insectes, c'était quand même une sacrée bonne affaire. Quant aux auteurs de cet ouvrage, ils semblaient au-dessus de tout soupçon : Frederic Grosvenor Carnochan (1890-1952) était un explorateur et un ethnologue américain d'excellente réputation, tandis que son "nègre littéraire", Hans Christian Adamson (1890-1968), était un journaliste très prolifique d'origine danoise, et vétéran de guerre, lourdement médaillé pour des actes héroïques. Des gens sérieux et courageux, qui connaissent leur sujet sur le bout des doigts et dont on n'attendrait pas un récit complètement dingue. D'ailleurs, l'édition originale de « Empire Of Snakes » en 1934 avait été chaudement accueillie par la critique américaine, et offrait en frontispice la photo du chef Kalola, le chef de la tribu des Hommes-Serpents - ou plus exactement la photo d'un vieux chef africain présenté comme étant Kalola.
Carnochan et Adamson publièrent d'ailleurs en 1935 un second livre, « Out Of Africa » (sans rapport avec le film du même titre sorti en 1985, adapté en fait de « La Ferme Africaine » de Karen Blixen), qui eut apparemment beaucoup moins de succès (il n'a d'ailleurs pas été traduit en français), ce qui mit fin à la collaboration des deux hommes.
« L'Empire des Serpents » narre donc, à la première personne, l'aventure étonnante vécue par Frederic Grosvenor Carnochan au Tanganyika, alors l'une des principales colonies britanniques d'Afrique de l'Est. Depuis son indépendance en 1964, le Tanganyika a incorporé la petite île de Zanzibar, et porte désormais le nom de Tanzanie. L'action se passe dans différents villages des environs de la ville de Tabora.
Carnochan se présente au début du roman comme un spécialiste des serpents – ce qu'il n'est pas -, et raconte alors que sa passion pour capturer et classifier les serpents exotiques lui attire la sympathie immédiate de deux africains chasseurs de serpents, Nyoka et Sefu, qui lui vendent à un tarif très intéressant des espèces non seulement rares, mais fort dangereuses à capturer. Intrigué, Carnochan leur demande l'autorisation de les accompagner à la chasse aux serpents pour voir quelle est leur méthode de chasse, laquelle consiste fort basiquement à enfoncer rapidement la main dans le terrier du serpent, à le saisir par la queue, à le faire tournoyer au-dessus de sa tête puis à l'abattre brutalement au sol (Cela n'est pas sans évoquer la technique d'Obélix avec les sangliers).
Mais alors que Nyoka capture une vipère heurtante, présentée par Carnochan comme l'un des serpents les plus dangereux et les plus mortels au monde (ce qui est faux, la venimosité d'une vipère heurtante est celle d'une vipère ordinaire), celle-ci échappe à la main du chasseur et enfonce ses crochets dans un mollet de Nyoka. Carnochan, terrifié, tente de venir en aide à l'Africain, même s'il sait qu'une telle morsure ne pardonne pas, mais quelle n'est pas sa surprise de constater que même après plusieurs minutes, Nyoka reste debout, en pleine forme, éclatant d'un rire moqueur face à l'air penaud de son B'wana.
Nyoka révèle alors à Carnochan qu'il appartient à la tribu des Wakaioka, les "Hommes-Serpents", une tribu qui voue un culte antique aux reptiles, et adore le Dieu-Serpent Limdimi. La tribu vit retirée et entretient une guerre tribale occasionnelle avec ses voisins les Wanyamwezi ("Nyamwezi" seulement dans le texte original américain), les "Hommes-Porcs-Épics".
Ai-je besoin de préciser que la tribu des Wakaioka, tout comme celle des Wanyamwezi, n'existe pas et n'a jamais existé, ni en Tanzanie ni ailleurs ?...
Carnochan apprend de Nyoka que les Hommes-Serpents ont maîtrisé le venin du serpent, et se font inoculer un produit magique qui les immunise totalement contre n'importe quel venin, même le plus foudroyant. Carnochan est positivement impressionné, et voudrait pouvoir faire connaître cet antidote révolutionnaire en Amérique. Impossible, lui répond Nyoka, seul un Homme-Serpent a le droit de faire sortir l'antidote de la tribu, et uniquement avec l'autorisation de Kalola, l'Empereur des Hommes-Serpents, seul habilité à le fabriquer. Qu'à cela ne tienne, Carnochan est prêt à devenir lui-même le premier Homme-Serpent occidental, si la tribu veut de lui.
Dès lors le roman, dans ses deux derniers tiers, va raconter le long et farfelu rituel d'initiation que Carnochan va devoir traverser pour avoir le droit de devenir le premier "B'wana Ndilema" (Seigneur Serpent Blanc). Cette initiation consiste en une série d'épreuves physiques, relevant d'une multitude de délires vaudous dignes de mauvais films d'épouvante, mêlés d'expérimentations psychédéliques d'inoculation du venin en doses hypnotiques, paralysantes ou hallucinatoires, que Timothy Leary aurait goûté avec beaucoup d'enthousiasme s'il en avait connu la recette.
Tout cela pour apprendre, en fin de course, le secret de l'antidote des Wakaioka, à savoir une pommade noire qu'on étale sous la peau, via des centaines de micro-incisions, et qui transforme l'épiderme humain en une sorte de cuir caoutchouteux rembourré, où les crochets des serpents s'enfoncent à peine. Si, si, je vous assure, c'est vraiment ça, le secret des Wakaioka...
Carnochan parvient à ramener cette onction miraculeuse en Amérique, mais prévient quand même ses lecteurs que, fort inquiet de l'usage militaire et belliqueux que l'on pourrait faire de cette pommade sous-cutanée, il préfère pour l'instant ne pas communiquer ce secret au grand public ni au gouvernement américain, mais ne désespère pas de pouvoir un jour en faire profiter le monde entier, quand l'humanité sera prête...
Je rappelle à toutes fins utiles que « L'Empire des Serpents » a été publié en France dans une collection de livres de vulgarisation scientifique. Merci à Jacques Delamain et aux éditions Stock pour leur clairvoyance !
Évidemment, ce livre n'est qu'une audacieuse fumisterie que les auteurs se sont probablement beaucoup amusés à écrire : on le sent dans certains dialogues goguenards ou au travers de discrètes remarques ironiques du style : « Je croyais que tout cela n'existait que dans des romans d'aventure ».
le charme de ce récit reposait primitivement sur la foi que l'on pouvait y accorder, ce qui, dans les années 30, était relativement aisé, la plupart des gens ne connaissant de l'Afrique que des clichés de cartes postales. Presque un siècle plus tard, même quand on n'est pas très instruit sur les peuples africains, il est vraiment difficile d'avaler un bobard pareil. Pour autant, en tant qu'oeuvre d'imagination, le roman garde un certain charme de série Z, malgré un style un peu plat, un peu trop journalistique, un peu trop "article bidonné" déraisonnablement étalé sur 250 pages.
Si la lente initiation de Carnochan est forcément un peu statique, les auteurs savent la relancer très régulièrement via les longues discussions que Carnochan échange avec le vieil empereur Kalola, qui lui dévoile, jour après jour, des parcelles des mythes et des moeurs de la tribu des Wakaioka. Bien qu'assez répétitifs, ces échanges rappellent certaines conventions des jeux de rôles, où la progression de l'action est ponctuellement freinée pour aborder un pan de la mythologie ou de l'histoire du pays imaginaire où se déroule le jeu. du fait de la permanence de ce genre d'immersion en terre inconnue, « L'Empire des Serpents » conserve dans, sa construction narrative et dans son dévoilement progressif d'une culture imaginaire, quelque chose de très actuel, et même de très intemporel, à défaut de relever d'une haute qualité littéraire - d'autant plus que la traduction n'est ni très bonne, ni très inspirée.
Cependant, « L'Empire des Serpents » est un roman qui est tout de même fort bien documenté sur les reptiles vivant en Tanzanie. Mis à part ce qui est dit sur la venimosité excessive de la vipère heurtante, en début de roman, tout ce que j'ai pu vérifier au sujet des diverses espèces citées et décrites dans ce livre est rigoureusement vrai. C'est peut-être cela qui a induit Jacques Delamain en erreur, quand il a décidé de traduire et de publier un nanar de cette pointure.
Enfin, dernière remarque à souligner : bien qu'une histoire aussi grotesque pouvait prêter le flanc à un racisme décomplexé et diffamatoire, « L'Empire des Serpents » est au contraire non seulement un ouvrage totalement dépourvu de racisme, mais son intrigue même – l'initiation enthousiaste d'un Blanc à une culture ancestrale africaine – empêche toute forme de condescendance coloniale. Carnochan a beau être un menteur, il n'en est pas moins un authentique ethnologue, qui a beaucoup voyagé et travaillé en Afrique, et qui parle des Africains avec énormément d'estime et de respect. Si le peuple Wakaioka n'existe pas, Carnochan lui confère la noblesse d'une civilisation ancienne et méconnue au sujet de laquelle on le sent très sincèrement désireux d'apprendre et de comprendre. Il n'est d'ailleurs pas totalement exclu que cette tribu imaginaire ait été pour Carnochan une façon de parler de l'Afrique sans l'exposer directement, sans en décrire les habitants par le biais d'un pays colonisé et asservi. Ses Wakaioka sont presque la version africaine d'un peuple mythique, comme les Atlantes ou les habitants de l'Île de Pâques. Carnochan les envie, il les estime, il veut être l'un d'entre eux, et il ressort de son initiation avec une grande méfiance envers son propre pays, face à l'usage militaire possible d'une médecine africaine jusque là pratiquée dans l'intimité d'une tribu. Il y a chez Frederic Grosvenor Carnochan quelque chose du colon repenti, dont le remède miracle rêvé n'est peut-être que l'antidote à l'un des plus puissants venins qui soient : celui de la civilisation chrétienne conquérante.
Au-delà des rituels d'initiation grandement farfelus d'une tribu imaginaire, il faut peut-être percevoir la nécessité pour un occidental de revenir aux sources de l'humanité pour redonner à la civilisation dont il est issu ses vertus premières de tolérance et de fraternité.
Tout cela n'est pas dénué d'une certaine naïveté, mais en 1934, alors que l'Occident se préparait à des années sombres, ce n'était sans doute pas une mauvaise idée d'entretenir ces idées spirituelles là, qui n'étaient d'ailleurs pas si rares dans le monde anglo-saxon, car on les retrouve aussi diffusées dans « le Continent Perdu de Mu » (1926) de James Churchward, une autre fumisterie littéraire très populaire en Angleterre, ou le plus modeste « Les Révélations du Grand Océan » (1927), du notaire réunionnais Jules Hermann, reprenant et réactualisant le mythe d'un continent englouti dans l'Océan Indien qui se serait nommé Lémurie. Toutes ces élucubrations des Années Folles inspireront d'ailleurs en 1966 à Louis Pauwels et Jacques Bergier leur mythique - et pourtant mortellement ennuyeux - « le Matin des Magiciens », état des lieux christiano-occultiste des mythes et légendes du monde entier, à la recherche (vaine) d'une improbable origine commune.
Il est certes facile de se moquer aujourd'hui de ces spéculations naïves et farfelues, même si la société occidentale du XXIème siècle n'est pas forcément plus rationnelle que celle d'il y a un siècle, mais à défaut d'avoir réellement soulevé un coin du voile de l'inexpliqué, ces fumisteries littéraires ont apporté un certain esthétisme baroque à l'imaginaire du XXème siècle.
« L'Empire des Serpents » est donc à considérer avant tout comme une modeste pierre à cet édifice vaporeux et désormais désuet, apportée par deux américains, oscillant entre rêverie humaniste et plaisanterie "trash", au « Réalisme Fantastique » de l'entre-deux-guerres, et qui, par un singulier malentendu, s'est retrouvée en France publiée dans une collection scientifique à vocation animalière. Qui sait s'il ne faut pas voir dans cette erreur d'aiguillage le caprice d'une antique déité animiste, qui entendait bien rester ignorée des hommes ?
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Je voudrais dépeindre sur le papier l'image de Nzele, montrer sa personnalité si colorée, mais je m'en sens incapable. En premier lieu, elle parait sortir d'un conte plutôt que de vivre d'une vie réelle, et l'histoire de son règne est si fantastique qu'elle n'a pu se passer que dans ce pays où tout arrive, même l'extraordinaire.
Comment décrirait-on une reine dont la maisonnée se compose de vingt épouses et de quelques maris ? Une reine qui passe toutes ses journées assise sous le porche de son palais, revêtue d'une vieille robe de mère Michel et d'un turban de cotonnade sale; une reine qui possède un lit à quatre colonnes de huit pieds de long sur sept de large, mais qui couche à côté par terre; une reine qui, lorsque les voyageurs blancs s'arrêtent pour causer avec elle, leur sert le thé dans de fragiles tasses de porcelaine de Saxe; une reine qui dépense huit mille shillings dans une année en nouvelles épouses qu'elle marie bien vite à des jeunes gens de Samue et qui a su aider les Anglais dans la lutte contre la mouche tsé-tsé, mieux qu'aucun indigène contre Le Caire et Le Cap ? Oui, comment décrire cette reine-là ?
Tout d'abord, c'est une vigoureuse amazone, cordiale mais rude, qui a dépassé la quarantaine et dont le corps de trois cents livres est plutôt charnu que gras. Sa peau est lisse, brun foncé comme un onctueux cigare de La Havane. Ses traits sont aigus et son nez a un peu la courbe d'un bec de faucon. Les yeux écartés brillent, profonds et bons, les dents sont blanches et fortes, le rire sonore, et quand la reine s'amuse, elle tape sur ses cuissses avec ses deux mains, et cela résonne comme un claquement de fusil.
Elle porte toujours sa robe de mère Michel qui, jadis, a été bleu indigo, mais des années de soleil africain en ont retiré presque toute la couleur. Autour de sa grosse tête s'enroule un turban blanc si crasseux qu'on peut se figurer qu'en de meilleurs jours, il a pu être un torchon sale. Il complète la toilette de la reine.
Dans les occasions de gala, elle se pare de plus somptueux atours. Je n'oublierai jamais le jour où je l'ai aperçue pour la première fois, en 1926. Je roulais pesamment autour de la piste qui mène à Shynyanga, chargé de planches enduites de glu. Brusquement, j'eus envie de me frotter les yeux, car j'avais peine à croire à ce que je voyais. Devant moi, au beau milieu du chemin, une femme grosse comme une montagne avançait, escortée d'une toute petite personne qui, à trois pas en arrière, courait à demi, car il ne s'agissait pas de marcher pour suivre l'énorme femme qui allait à grande allure, d'un pas facile et dégagé.
De plus, elle était revêtue d'une immense robe pourpre qui lui tombait des épaules aux talons, et avait autour de la tête un turban de soie bleu garni de vert. Sa compagne était en blanc, enroulée dans une sorte de drap qui prenait sous les aisselles et se terminait aux genoux. Sefu, assis à côté de moi sur le siège de devant, me les montra du doigt d'un air très agité en disant :
- Voilà la reine Nzele et l'une de ses épouses.
Un peu interloqué, je lui demandais de s'expliquer, mais il était trop tard, car nous nous trouvions déjà à leur niveau.
J'arrêtai, et priai la reine de monter. Elle accepta avec un large sourire. je dis à Sefu de descendre du camion et de lui faire de la place à côté de moi, mais elle insista pour se mettre à l'arrière et laisser pendre ses jambes par-dessus bord. Cela m'était indifférent. Nous sautâmes à terre tous les deux pour les aider.
- Jusqu'où vas-tu ? lui dis-je.
- À Shynyanga, au "Baraza".
J'avais entendu parler de ce "Baraza", ou assemblée de sous-chefs indigènes convoqués par mon ami, le capitaine Buckley, commissaire de la province.
- C'est bon, répondis-je, je vais de ce côté moi aussi.
Ma curiosité était éveillée. Bien que ce fut notre première entrevue, j'aurais voulu poser plusieurs questions à la reine, car j'avais beaucoup entendu parler d'elle. Il m'intéressait de savoir comment une reine a des épouses, et pourquoi celle-ci portait, en guise d'ornement, une paire de souliers découverts en satin rose accrochés autour du cou par un cordon. Ces pantoufles étaient d'une pointure très petite et ne pouvaient pas lui aller. Je finis par lui demander d'où elle les tenait. Elle me dit d'un air radieux que Mrs. Teare, la femme du garde préposé aux chasses, les lui avaient données.
Nous nous étions avancés jusqu'à l'arrière du camion, où Sefu et deux des boys qui s'y trouvaient, débarrassaient les planches enduites de glu, pour faire de la place à nos hôtes royaux.
La femme de la reine - une jeunesse de quatorze ans, pleine de vivacité mais trop intimidée pour faire autre chose que ricaner, fut la première à être hissée sur le camion. Elle était si bien emmaillotée dans son drap qu'elle ne pouvait y grimper elle-même. Dans son ardeur à l'installer confortablement, l'un des boys renversa une planche, dont le côté collant tomba sur le dos de la jeune indigène.
Elle semblait très malheureuse de voir sa robe abîmée, comme n'importe quelle jeune fille l'eût été à sa place. Mais Nzele était à la hauteur de la situation. Elle prit l'épouse et la descendit à terre, comme une mère prend son enfant, et avec le plus grand calme, se mit à dévider le drap, jusqu'à ce que toute la pièce, environ dix mètres, fut retirée et que la petite se trouva, au milieu du chemin, nue comme le jour de sa naissance. Avant que je n'aie eu le temps de me demander ce qui allait se passer, Nzele retourna l'étoffe, plaqua le morceau enduit de glu sur le dos de la jeune fille, et enroula le drap. En un clin d'oeil, la toilette fut réparée, remise à neuf. On souleva la petite dans le camion, Nzele s'installa auprès d'elle, et nous fîmes route vers Shynyanga.
Avant de poursuivre mon récit, il me faut expliquer la vie familiale de Nzele, car il semble étrange qu'une reine ait des "épouses". Mais tout d'abord, la reine Nzele, aux yeux de son peuple, n'est pas une femme, mais un chef. Selon la coutume, les chefs doivent avoir beaucoup de femmes. Aussi, Nzele étant un chef et de race bantu, ne fait pas exception à la règle.
Après quelques informations, je découvris que la sultane de Samue achetait de six à douze épouses par an, sauf l'année où elle en eut vingt. La reine n'a rien d'une "Barbe-Bleue" et ces achats sont faits pour des raisons purement économiques. Quand un chef de maison a besoin de main d'oeuvre, il l'épouse, car en Afrique, les femmes travaillent jusqu'à ce que leurs enfants soient en âge de leur venir en aide.
En d'autres mots, sans "épouses", Nzele devrait semer elle-même ses champs et ramasser ses récoltes.
Bien entendu, elle aurait pu prendre des maris - et elle ne s'en privait pas - mais aucun homme ne s'abaisserait à faire un travail de femme. Là aussi, on se heurte à la raison économique : lorsque les chefs s'enrichissent, l'unique façon d'empêcher leur bétail ou leur agent de devenir "un avoir africain gelé" est de le remettre en circulation de la seule manière possible : en achetant des femmes. Considérée ainsi, la question est fort compréhensible.
La reine Nzele n'occupe pas seulement son poste en vertu de son sang royal, mais aussi par mandat du roi d'Angleterre. Le gouvernement anglais lui donne l'équivalent de 35 000 francs par an. Cela représente environ vingt-cinq épouses.On peut se figurer ce que signifie la distribution, par voie familiale, d'une partie de cette somme, pour une population d'environ trois mille indigènes.
Je ferai remarquer à ce sujet que toutes les jeunes filles samue donneraient ce qu'elles ont de plus précieux pour devenir une des épouses de Nzele. Elle les entoure de soins maternels, les fait travailler sans excès, leur donne de bonnes huttes pour y habiter, et les nourrit mieux qu'elles ne le seraient dans leurs familles.
Un autre avantage, c'est que toutes les épouses de la reine Nzele ont de bons maris. habituellement, elles ne restent pas plus d'un an ou deux sous le toit de la reine, avant qu'elle ne leur fasse épouser un jeune indigène, car elle a la réputation d'être une grande marieuse.
Quant à ses maris à elle, ils ne séjournent pas plus longtemps. Dès qu'elle se fatigue de l'un d'eux, elle fait un geste de sa grosse main, et dit :
- Je divorce d'avec toi.
Cela suffit. Il n'y a aucun appel à espérer lorsque la reine Nzele a pris une décision.
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Mali Fesa, nu en dehors de son pagne, sortit de la hutte, escorté par Kalola et Nyoka. Sefu et Kifinda s'emparèrent de lui et enduisirent son dos de plusieurs couches de la pâte de feuilles. Ensuite, ils le conduisirent au lit d'épines, avec ordre de s'y étendre. Il obéit avec une hésitation évidente. Je ne pouvais l'en blâmer. Ces épines étaient pointues. Mali Fesa n'avait pas oublié sa ceinture douloureuse deux nuits plus tôt, et l'instrument de torture était de même ordre. Mon remplaçant s'assit sur le sol et s'allongea très timidement en arrière sur le "petit lit". Son expression de malaise et de crainte fit place à un étonnement comique lorsqu'il étendit son dos sur le matelas épineux. Évidemment, il ne ressentait pas la douleur qu'il avait redoutée. Mali Fesa n'était pas plus surpris que moi. Me tournant vers Kalola, je lui demandai :
- Que se passe-t-il ? Les épines n'ont pas l'air de lui faire mal.
Kalola sourit :
- Non, le badigeon de feuilles rend sa peau aussi dure que celle d'une girafe. Aucune épine ne peut la percer. C'est un médicament puissant. Nous en enduisons nos mains et nos bras lorsque nous partons à la chasse aux serpents. Les crochets pointus des vipères heurtantes ne la pénètrent pas. Les nouveaux Hommes-Serpents se couchent sur le petit lit pour fortifier leur foi en nos médecines.
Voilà pourquoi Mali Fesa a passé toute une nuit les reins encerclés par cette ceinture piquante. Chaque mouvement de son corps, presque chaque souffle, lui causaient une souffrance. Il comprit à quel degré ces épines peuvent mordre. Aujourd'hui, il voit que les guérisseurs les rendent aussi inoffensives que des brins d'herbe, et bientôt...
Kalola s'interrompit et cracha pour accentuer l'importance de ses paroles :
- Bientôt, il saura si les Esprits Ancestraux l'acceptent.
- Tu veux parler de l'épreuve du cobra ? lui dis-je.
- Oui, répondit Kalola. Je viens d'apprendre que mes hommes ont trouvé un cobra dans la forêt. Mali Fesa devra l'attraper avec sa main nue. Si le cobra le mord et que rien n'arrive, Mali Fesa aura la grande foi dans notre médecine que tout Homme-Serpent devra posséder.
- Mais s'il est mordu, tu chercheras à le sauver avec le "mkalia" ?
- Non !
Je ne m'attendais pas à cette réponse. Kalola poursuivit :
- Si le cobra le mord, les Esprits Ancestraux dans le "lukago" sauveront Mali Fesa ou le laisseront mourir.
J'eus un frisson. je n'aimais pas voir mon représentant risquer sa vie. Bien qu'il le fit pour arriver à ses fins et entrer dans la Confrérie des Serpents, je me sentirais responsable de sa mort, si elle survenait.
Je dis lentement :
- Est-ce que parfois les Hommes-Serpents meurent dans ces épreuves ?
- Oui, répondit Kalola. Et il me regarda d'un air circonspect, puis ajouta : Parfois, mais très rarement, les Esprits Ancestraux désapprouvent si fort le candidat qu'ils le laissent périr.
- Et si Mali Fesa meurt, que m'arrivera-t-il ?
- L'âme de B'wana suivra celle de Mali Fesa. Vous êtes jumeaux parmi les Serpents, et les jumeaux n'ont qu'une âme à eux deux.
Il est évident que Kalola n'avait pas encore songé à cette éventualité. Il parut préoccupé, et regardait devant lui, sans voir.
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Une après-midi, il vint sous ma tente et me confia la baguette en disant :
- Voici la baguette des pluies. Nos champs sont secs et je vais bientôt faire pleuvoir. Viens avec moi et je te montrerai comment je m'y prends.
Je le suivis jusqu'à la porte de sa hutte, la curiosité me fermait la bouche. Un des gamins, qui fourmillent dans ces parages, posa à terre un bol rempli d'eau, et Kalola y versa de la médecine sacrée. Ensuite, il apporta un grand pilon garni de clochettes avec lequel il frappa le sol pendant quelques minutes, tandis qu'on sacrifiait d'un rapide coup au coeur le mouton amené par un des fils de l'Empereur. On le vida, et les intestins, mêlés à des herbes, furent jetés sur le feu. Une énorme colonne de fumée noire en sortit et monta haut dans le ciel, tandis que Kalola, ayant trempé sa baguette dans l'eau du bol, la secouait aux quatre points cardinaux, en murmurant :
- Ancêtres, donnez-nous de la pluie.
Il me fit signe d'approcher :
- Allons, Ndilema, trempe ta baguette dans l'eau, fais ce que je viens de faire et répète ce que j'ai dit.
J'obéis, et quand j'eus terminé, Kalola alla vers la porte et suspendit le bâton au mur, la queue en bas.
- À présent, je vais dormir pour la pluie, dit-il, et il faut que tu en fasses autant. Va te coucher; si tu tiens tes jambes raides, il pleuvra beaucoup, mais si tu les plies, il n'y aura qu'une petite ondée.
- Combien en veux-tu ? lui demandai-je en manière de plaisanterie.
- Autant que possible, me répondit-il très sérieusement.
Je rentrai, fis un somme, et fus réveillé deux heures plus tard par une formidable averse qui dura très avant dans la nuit.
- As-tu dormi les genoux pliés ? me demanda Kalola le lendemain.
- Non, fis-je, j'avais les jambes étendues.
- Ah, voilà l'explication, s'écria Kalola, radieux. Tu es né faiseur de pluie !
La réputation de mon pouvoir s'étendit dans les environs, mais je ne m'y laissai pas prendre. Le calendrier sur mon bureau marquait le début de décembre qui est le moment des fortes pluies. Je soupçonnais Kalola, cet expert en questions atmosphériques, d'avoir fort bien su que la pluie était en chemin.
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- Ceci, m'expliqua le vieil homme en me montrant la poudre noire, est le "lukago". Il rend les Hommes-Serpents plus forts que les poisons des reptiles.
Je regardai cette drogue avec un intérêt palpitant. Était-ce elle qui rend ces gens invulnérables aux morsures des serpents ? Ces peuplades simples et primitives avaient-elles développé une science qui, pratiquement, confère l'immunité par une inoculation primitive mais effective ?
Lorsque Kalola m'eût énuméré tout ce qui entre dans la composition de ce remède magique, j'hésitai sérieusement à exposer mes globules blancs à l'assaut de ce bizarre mélange de microbes et de produits.
L'Empereur seul a le droit de fabriquer le "lukago", qu'il vend ensuite à ses subordonnés, les Hommes-Serpents. Ce "lukago" consiste principalement en un mélange de plusieurs drogues, y compris le "mkalia", le stimulant du coeur. Ensuite, on y ajoute différentes poudres formées de choses étranges dont je vais en énumérer quelques unes.
En premier lieu, les têtes et les queues desséchées de vipères heurtantes, de cobras et de vipères à cornes. On les emploie avec la conviction qu'un mal est guéri par un même mal. En somme, c'est une grossière application de la sérothérapie et qui semble agir dans le "lukango" car l'immunité est acquise par les petites doses de venin introduites sous la peau. Tous les Hommes-Serpents qui pratiquent sont inoculés de la sorte, toutes les quelques semaines, la première année, puis ensuite au moins une fois l'an. Lorsque le serpent à lunettes mordit Nyoka sous mes yeux sans que l'homme eut à en souffrir, j'eus la preuve de l'immunité que l'on acquiert ainsi.
Ensuite, viennent les tendons des pattes de vautour, car le vautour a des serres puissantes et ne laisse rien échapper, puis la cervelle d'un hibou, car tous les oiseaux de nuit sont sous l'empire des maîtres de la magie noire et l'Homme-Serpent recevra ainsi la sagesse des sorciers.
On y mêle encore d'autres ingrédients : la cervelle et les pattes de la hyène, sous prétexte que cet animal est très adroit, ses jambes l'entraînant toujours loin du danger et sa cervelle l'empêchant d'y revenir. On y ajoute le nez et les yeux d'un chien sauvage parce qu'il suit sa proie à l'aide de sa vue et de son odorat, et ne lâche jamais la piste. Puis on prend au lion ses yeux, son larynx, la chair de son front, sa langue et son estomac avec les boules de poils qu'il contient. Le larynx à cause du grondement qui en sort et qui terrifie ses ennemis, le front pour ses plis qui effrayent aussi, les boules de poil sont jugées très importantes, ce sont des charmes magiques qui donnent au lion force et courage, et finalement, parmi ce que l'on peut nommer, se trouve la cervelle d'un homme atteint de démence, car on croit que les fous sont possédés par l'esprit des morts.
Je n'avais pas très envie de voir employer ce mélange sur moi : à vrai dire, j'avais peur, et cette peur augmenta quand Kalola m'expliqua que la matière puante contenue dans la deuxième gourde était un morceau de graisse de lion destiné à transformer la poudre de "lukago" en pâte.
- Combien d'incisions devrai-je recevoir ? demandai-je à Kalola.
- Beaucoup, ici, là et là, répondit-il en désignant de son bâton mes jambes, mes bras, mon cou, mon dos et mon front. Au total, environ deux cents. En sorte que même si les incisions étaient petites, j'absorberais une bonne quantité de "lukago".
Kalola s'aperçut de mes hésitations, il m'affirma que ces "tatouages" n'avaient jamais rendu personne réellement malade...
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Le matin, au moment du départ, Kalola avait ordonné une réunion d'Hommes-Serpents avec des danses de cérémonie en témoignage de reconaissance pour le "kingo". L'après-midi, les roulements de tambour appelèrent les invités, et toute une foule s'assembla pour assister à la fête. Aussitôt la nuit tombée, on alluma de grands feux sur la place du village, devant la hutte des célibataires. Lorsque les tambours des grandes occasions commncèrent leur battement troublant, Kalola fit entrer Kifinda dans la hutte et me fit signe de les suivre.
- Cette danse, me dit-il, est la danse de "Yamolinga" (le bucéphale rouge), elle montre au peuple le pouvoir des Serpents qui ont vaincu la souffrance et oblige les Esprits Ancestraux à leur obéir.
Kalola sortit deux sortes de poudre des plis de sa robe noire. Il fit renifler l'une d'elles à Kifinda, une substance blanchâtre, dont il lui frotta aussi la langue, et lui donna l'autre à avaler.
- La poudre qu'il vient de prendre est du "kingo", m'expliqua Kalola. Regarde-le.
Et je vis les yeux de Kifinda devenir fixes et vides.
- Marche ! lui dit Kalola, et Kifinda s'avança vers nous.
- Arrête ! cria l'Empereur, et le jeune garçon resta sur place. Il était visible qu'il se trouvait sous l'influence d'une drogue qui lui avait enlevé toute direction de lui-même, et l'avait transformé en robot qui n'agit que sur commande.
- Son cerveau est mort, dit Kalola, et son corps ne sent pas la douleur. Tu as remarqué la poudre que Kifinda a reniflée et que j'ai frotté sur sa langue ? C'est le "yaradumio" qui tue toute souffrance. Attends, et tu verras.
Kalola prit un long cordon attaché à sa ceinture et dit à Kifinda de se l'enfoncer dans le nez. Lorsqu'il eut obéi, Kalola lui fit ouvrir la bouche, et tira à lui, du fond du larynx, l'extrémité de la corde, jusqu'à ce qu'il tint Kifinda par les deux bouts, l'un lui sortant du nez et l'autre de la bouche.
- Allons, viens, Kifinda, viens danser la Danse des Serpents, la danse du "Yamolinga" qui montre notre grandeur. Allons, viens !
Et Kalola courut vers la sortie.
Le vieil homme traîna presque Kifinda sur le terrain de la danse, et le fit tourner en rond. Des veiines gonflées sillonnaient le front du jeune homme et ses yeux lui sortaient de la tête avec une fixité d'ivrogne. Au bout de quelques instants, Kalola ramena le danseur dans la hutte, lui fit priser d'autre poudre de "yaradumio" et en oignit soigneusement sa langue. Ensuite, du seuil de sa hutte, il appela Nyoka qui plaça l'escabeau du vieil homme au centre du terrain des danseurs. Kifinda tituba de la hutte à l'escabeau, s'agenouilla tout auprès, approcha sa tête et tira la langue sur le siège du tabouret. Kalola se pencha, et se servant du manche d'une hache en guise de marteau, il enfonça une épine à travers la langue de Kifinda.
- Lève-toi et danse ! cria Kalola. Lève-toi et danse !
J'avais la chair de poule à voir ainsi Kifinda se relever avec effort, au son des tambours, dont le roulement résonnait avec des craquements de tonnerre. Il trébucha aveuglément, courant en cercle, avec l'escabeau cloué à la langue, qui lui sortait presque de la tête.
- Wa-wa, cria une voix qui s'élevait de la foule hypnotisée. Ces Hommes-Serpents ont de puissantes médecines !
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