Les machines à désir infernales du Dr. Hoffman

En m'approchant de la maison j'entendis, par-dessus le sang qui battait mes tempes, des éclaboussures de musique, des notes comme des poissons dans un bassin.

Des souvenirs du passé, enveloppés de draps, nous attendaient au pied du lit pour nous saluer et nous provoquer, et même s'il s'agissait souvent des souvenirs de quelqu'un d'autre, ils nous souhaitaient toujours le bonjour avec une familiarité troublante quand nous ouvrions nos yeux enchantés.

Je dois démêler la pelote de ma vie et trouver dans cet écheveau le fil original et unique de mon moi, le moi qui était un jeune homme, qui est devenu un héros et qui a vieilli.

Je n'ai rien contre le réalisme. Mais il y a réalisme et réalisme. Ce que je veux dire, c'est que les questions que je me pose ont selon moi tout à voir avec la réalité.

AMBASSADOR: (…) Time and space are the very guts of nature and so, naturally, they undulate in the manner of intestines.
MINISTER: I see you make a habit of analogies.
MBASSADOR: An analogy is a signpost.
MINISTER: You have taken away all the signposts.
AMBASSADOR: But we have populated the city with analogies.

L’AMBASSADEUR : (…) Le temps et l’espace sont les entrailles de la nature, et donc, naturellement, ils ondulent à la manière des intestins.
LE MINISTRE : Je vois que vous avez la manie des analogies.
L’AMBASSADEUR : Une analogie est comme un panneau indicateur.
LE MINISTRE : Vous avez enlevé tous les panneaux.
L’AMBASSADEUR : Mais nous avons peuplé la ville d'analogies.

« Ces cinq dernières années, ces émetteurs, alimentés par l'énergie simple, c'est-à-dire l'éroto-énergie, ont fait rayonner sur la ville l'infrastructure fondamentale :

1. des phénomènes synthétiquement authentiques ;

2. et des combinaisons changeantes de phénomènes synthétiquement authentiques ;

et ils ont aussi transmis :

3. un rayonnement capable d'intensifier un symbole jusqu'à ce qu'il devienne un objet d'après la loi de l'évolution efficace, ou si vous préférez un terme plus explicite, du devenir complexe.

À travers la libération de l'inconscient, nous visons bien entendu la libération de l'homme. Et c'est l'homme tout nu qui ressortira des perceptions de tout un chacun. »

Puisqu'ils nous avaient trouvés sur la Colline Sacrée, ils nous prenaient pour des êtres sacrés, malgré notre apparence peu ragoûtante. S'ils avaient décidé du contraire, ils nous auraient piétinés à mort.

Des hordes de chevaux sauvages venaient souvent saccager leurs plantations de blé et leurs exploitation de cactus, fondaient sur le village comme une rivière de sabots en crue et montaient toutes les femmes centaures qu'ils trouvaient. Parce qu'ils pensaient que l'Étalon Sacré relogeait les âmes des morts dans les chevaux sauvages, les centaures prenaient ces saccages pour des visitations des Esprits. S'ensuivaient des semaines de jeûne et de mortification, au cours desquelles ils récitaient les Écritures équines qui célébraient la création du premier principe, l'essence mystique du cheval, l'Étalon Sacré, né d'une fusion du feu et de l'air dans les couches supérieures de l'atmosphère.

Quelques tables couraient ici et là en glapissant servilement ; c'étaient des hyènes, bêtes flagorneuses, et sur leur dos au pelage bringé étaient fixés des plateaux d'argent contenant verres, carafes de vin, bols débordant d'amandes salées et assiettes pleines d'olives farcies. D'autres hyènes étaient allongées dans les coins, leurs langues interminables pendant telles des bandes de flanelle rouge humide, avec en équilibre entre leurs oreilles percées un pot de fleurs carnivores ou un un vase de porcelaine japonaise contenant un assortiment de mains tranchées du meilleur goût. Sur le plancher sombre et ciré étaient étalées de saisissantes peaux de jaguar, qui remuaient en grognant sous nos pieds ; leur souffle chaud nous réchauffait les chevilles quand nous y posions le pied.

Ce qui le rendait particulièrement extraordinaire ? Il avait, chevillée au corps, la conviction d'être le seul personnage d'importance de ce monde. Empereur des mégalomanes stériles, il avait soumis sa personnalité à une discipline de stylisation des plus rigoureuses, de sorte que, lorsqu'il prenait des poses caricaturales de mauvais acteur, aussi ridicules fussent-elles, elles suscitaient tout de même l'admiration par l'intensité de leur abstraction antinaturaliste. Il était presque dénué de tout élément de réalisme, et pourtant il était bien réel. Il ne pouvait rien dire qui ne fût grandiose. Il prétendait vivre uniquement pour nier le monde.

« Seul le voyage est réel, pas la destination. Je n'ai pas de boussole pour me guider. Je règle ma course sur les vicissitudes de la fortune et ne perçois les chemins qu'au hasard de mes désirs à la flamme inextinguible. »