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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Re-naissance…

Connaissez-vous Namazu ? La légende japonaise dit qu'il s'agit d'un monstre, d'un poisson-chat géant qui vivrait dans les profondeurs de la Terre. le Japon, qui repose sur son échine, redoute ses réveils : d'un mouvement brusque ou d'un simple frétillement de sa queue, Namazu peut ébranler l'archipel. La légende dit que les séismes naissent de ses colères.

Namazu a du se mettre dans une colère noire ce printemps-là, bondissant, anéantissant la ville de Tokyo, un séisme, le séisme de l'hanami, d'une magnitude jamais atteinte, 9,5 sur l'échelle de Richter. Engloutissant parmi les décombres, avalant en son antre, Line, jeune hôtesse de l'air française qui se trouvait en escale dans cette ville si belle au printemps avec ses cerisiers en fleurs. Elle va passer huit jours et huit nuits sous les décombres, dans un tout petit réduit et devra sa survie à la présence d'une autre femme, Saki. Toutes deux ne vont pas cesser de parler, de raconter leur vie, en se tenant les mains, dans le noir total, et de taper à tour de rôle sur la tôle pour se faire entendre des sauveteurs éventuels. Endurant la faim, la soif, l'engourdissement, l'angoisse. Jusqu'au silence.

« Elle avait allumé la lampe du téléphone, le faisceau avait balayé l'obscurité, révélant l'endroit où elles se trouvaient : un renfoncement, clos, constitué de parois fragmentées, imbriquées, grossièrement les unes dans les autres. Devant elles, de longues fissures, de la poussière, du sable, des murs si près de leurs visages qu'il aurait mieux valu ne pas les avoir vus, ne pas y penser, pour pouvoir continuer à respirer. Elle étaient prises au piège dans un enchevêtrement de béton où brillaient des éclats de verre ».

Line sera une miraculée. Retrouvée saine et sauve, du moins en apparence, très affaiblie mais sans blessure grave, le retour à Paris auprès de son compagnon, Thomas, ne sera cependant pas si simple. En réalité traumatisée, les vraies fissures se situant ailleurs que sur son corps, ne se souvenant pas vraiment de ce qui s'est passé, mais revivant par flashs intermittents la tragédie, cet accident a ouvert en elles de profondes lézardes creusant leurs sillons en des zones invisibles, des fissures pour certaines remontant à l'adolescence.
« Les grandes catastrophes recélaient presque toujours des histoires de survies extraordinaires. Mais après ? Qu'y avait-il après le miracle ? ».

En elle, c'est un champ dévasté à l'image de la ville de Tokyo. Pour pouvoir se reconstruire, elle décide de fuir, un peu à l'image de ces évaporés du Japon les johatsu qui, par honte suite à un licenciement, à une rupture, à un échec, décident de fuir, de s'en aller, en ne prévenant personne.
Sa destination, hypnotique, sera la petite île française où a grandi Saki, sa compagne d'infortune avec laquelle elle a partagé cette longue nuit sous terre, dont elle n'a aucune nouvelle depuis qu'elle a été sauvée. Elle retrouve sa maison d'enfance qu'elle lui avait tant décrite et elle fait la connaissance de l'occupante actuelle de la maison, une vieille femme prénommée Rose.
Sur cette île atlantique battue par les vents, à l'air chargée d'embruns, commence alors sa reconstruction progressive. Combattant ses fantômes, laissant l'ancienne Line au fin fond des décombres, nous allons assister à sa lente et délicate renaissance. Cette nouvelle Line née d'un séisme, « mouvement de bascule qui avait modifié la configuration initiale de son monde ». Une histoire, au coeur du chaos, qui a ouvert un chemin de lumière, envers et malgré tout, un ondoiement tenace et sauvage de la liane, du lierre et de l'eau sous la robe de Line.

J'ai particulièrement aimé l'écriture de ce livre, délicatement poétique. J'ai aimé sa façon de narrer l'île et ses paysages sans cesse mouvants à l'horizon infini, au ciel si vaste. C'est un tel contraste avec le réduit dans lequel nous vivons l'enfermement de Line. Nous avons d'autant plus l'impression de respirer avec elle. Autant j'ai lu presque en avalant ma salive son enfermement, autant j'ai eu la sensation de mieux respirer une fois la jeune femme sur l'île. du noir d'un côté, une luminosité sans fin de l'autre. Tels les yeux de Rose, des yeux vairons. Notons également des descriptions très belles de Tokyo avant et après le séisme.

« On raconta que, lors du séisme, une pluie de pétales avait recouvert Tokyo. Les secousses avaient eu lieu pendant la pleine floraison des cerisiers. Lorsque la terre trembla, que les sols se fragmentèrent, se déchirèrent comme des nappes de papier, les fleurs furent arrachées et soulevées par le vent, retombant n milliers de corolles roses et blanches sur la ville, se mêlant à la poussière et aux gravats ».

J'ai été moins sensible, paradoxalement, aux petits poèmes clôturant certains des chapitres, sortes de haïku, qui n'apportent pas grand-chose, je trouve, car l'écriture de Caroline Caugant se suffit à elle-même et n'a pas besoin de ses ajouts quelques peu surfaits. Certains des personnages secondaires ne sont pas très approfondis non plus notamment le compagnon de Line, Thomas. Mais ces petits bémols mis à part, j'ai pris vraiment plaisir à lire ce livre.


Oui, une belle surprise que ce livre de Caroline Caugant reçu en masse critique privilégiée. Je l'avais commencé avec un peu de scepticisme, pressentant, à tort, une histoire emplie de poncifs sur les notions parfois galvaudées de résilience et de reconstruction, une forme de liste à la Prévert des conséquences multiples des grands traumatismes. Une approche simpliste du syndrome post-traumatique. La peur aussi de voir dans le personnage de Line l'archétype de la victime devant se reconstruire à la psychologie brossée en gros traits brouillon. Ce fut en réalité une lecture agréable, délicate, gracieuse, poétique.

Les scènes d'enfermement, pour moi qui suis claustrophobe, furent éprouvantes à imaginer mais il me semble justement n'avoir jamais lu de roman dans lequel une personne se trouve ainsi piégée des heures et des jours durant dans un réduit minuscule, dans le noir absolu. J'avais été marquée en revanche par un film assez proche dans la thématique de l'enfermement et du piège, le film réalisé par Danny Boyle, 127 heures, qui relate l'histoire vraie d'un alpiniste d'une vingtaine d'années victime d'un accident en avril 2003 dans le grand Canyon, un gros monceau de pierre lui ayant roulé sur le bras dans une des gorges du canyon, bras dont il devra se séparer s'il veut pouvoir repartir et vivre. Et notre homme de se couper le bras avec son couteau suisse…
Comme souligné précédemment, par ailleurs le contraste entre cet enfermement dans une cage de béton et la reconstruction sur l'île, procédé pourtant classique tant l'opposition est évidente, m'a apporté beaucoup de plaisir. Les récits maritimes ont vraiment cette faculté d'apaiser de par leur paysage à la fois immuable et changeant. Suivant le continuel mouvement des marées, les nuages, la lumière, le vent, la densité de l'air se modifient sans cesse. « Quelque chose – une couleur, une voile, la force du vent ou la forme d'un nuage – venait toujours s'immiscer dans le décor pour le bouleverser ». Pour moi il n'y a pas meilleur endroit pour se reconstruire et renaitre, repartir de zéro.


Au final, Insula a été une belle surprise, un bien agréable moment de lecture, au fur et à mesure des pages tournées avec une crainte initiale qui a été peu à peu balayée. le ton est juste, l'écriture délicate, les petites touches sur la mythologie japonaise très plaisantes. Il faut le lire davantage comme un conte que comme un roman réaliste, le conte du soi fragmenté puis réinventé…
Aussi je remercie chaleureusement pour leur confiance Babélio et les éditions du Seuil.



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Le namazu est une sorte de poisson-chat géant de la mythologie japonaise qui vit dans la vase des entrailles de la terre et sur le dos duquel se trouvent toutes les îles du Japon. Il arrive que le namazu échappe à la surveillance du dieu, Takemikazuchi se mette à bouger dans tous les sens et soit à l'origine de violents séismes.
Depuis sa naissance, Line a toujours voulu voler. Elle a d'abord fait de la danse mais un accident de moto a mis fin à ses aspirations. Alors elle est devenue hôtesse de l'air et a parcouru le monde jusqu'au jour où, lors d'une escale à Tokyo, l'énorme monstre l'engloutisse dans les profondeurs de la terre.
Line est une survivante à cette catastrophe. Mais, clouée au sol, elle va devenir un fantôme qui va errer dans les rues de Paris, dans ses souvenirs, à la recherche de Saki, la jeune femme qui a partagé les heures interminables qu'elle a passé dans ce gouffre obscur avant d'être libérée.
La quête de Line va s'arrêter dans une petite île, ou Insula en latin.
Elle va retrouver les traces de Saki, la jeune femme qui a passé son enfance dans cette île et qui va lui parler des jôhatsus, ces "évaporés", personnes qui vont disparaître soudainement de la vie, des déserteurs, des fugueurs, comme les appelle le père de Saki, qui, lui-même deviendra un jôhatsu...
Caroline Caugant nous offre un récit plein de délicatesse et de poésie, empreint d'une douleur sourde, intime. Lecture très agréable, rapide, grâce à laquelle on apprend quelques touches de la mythologie japonaise très liée aux risques presque quotidiens que sont les séismes dans les îles du Japon.
Merci à Babelio et aux éditions du Seuil de m'avoir permis cette agréable rencontre.
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Line est hôtesse de l'air. Au printemps 2024, Tokyo, où elle se trouve en escale, vit le Big One, ce tremblement de terre que tout le monde attend et redoute. Ensevelie sous les décombres, elle survivra dix jours sous terre avant d'être découverte et sauvée. Insula raconte son retour et l'impact de cet événement sur son existence parisienne.

D'une composition plutôt réussie, dans un entrelacs de courts chapitres dont certains se terminent assez maladroitement ai-je trouvé - ce sera un de mes rares bémols - par quelques vers façon vrai faux haïku, jaillissent d'autres personnages, d'autres temporalités que les secousses auront fait remonter à la surface. D'autres lieux venus absorber, tamiser, apaiser. La progression au fil de ces chapitres permettra d'accompagner Line dans les semaines et les mois qui suivront la catastrophe. A Paris d'abord avec son compagnon. Ailleurs ensuite dans une quête nous valant un joli récit de rencontres, de retrouvailles et de retour au calme.

Il fallait un aplomb et un sens de la subtilité bien affirmés pour écrire Insula. Partir sur une veine à peine dystopique déjoue le piège d'un récit potentiellement dégoulinant d'autobiographique puisque l'événement déclencheur n'a effectivement pas (encore ?) eu lieu quand on lit le roman. Reste que tout péril n'est pas écarté. Il faut encore faire avec un personnage qui a beaucoup d'une caricature : une petite fille qui voulait être danseuse jusqu'à ce que la vie la fasse hôtesse de l'air. Des airs de rebelle parisienne dans un cadre aseptisé, une vie de princesse fêlée. Il faut aussi composer avec la façon dont seront évoqués ces jours sous terre. C'est la substance même du roman, ce qui le nourrit, ce dont il procède. Et pourtant, il ne s'agit pas de faire du spectaculaire, du gore ou du trop factuel car tout le reste du propos serait alors impossible à tenir.

Oui, il faut un sens certain de la mesure et de la nuance.
La place qu'occupe le Japon, la quête d'identité, le retour sur soi m'ont bien sûr rappelé La patience des traces mais j'ai trouvé ici un dispositif bien moins démonstratif que celui mis en place par Jeanne Benameur. Certes, les personnages ont en commun de relever d'une forme d'archétype mais Insula se fait beaucoup plus épuré dans le traitement de la quête. Seuls deux ou trois personnages et une île suffisent à travailler la matière du souvenir, à faire affleurer les récits qui doivent, une fois qu'ils auront joué leur rôle d'éclaireur, retourner à leur place enfouie.

Je n'ai trouvé assénée aucune théorie psychologisante sur le trauma, aucune propension à faire de la bonne santé mentale l'étalon d'une nécessaire performance. Pas plus que je n'ai lu le recours abusif à une symbolique écrasante. La dimension mythique des récits est bien présente, les fonctions symboliques et les résonnances du mot « île » aussi mais comme soutiens et non comme exhibition d'un savoir pédant. C'est un livre qui sait faire discret ses fondements référentiels.

Alors, si on accepte des personnages relevant davantage du conte que du réalisme, Insula peut être salué comme un habile travail d'écriture dont la justesse m'a surprise, une réussite sur le plan littéraire. Je remercie Babelio et les éditions du Seuil pour cette jolie découverte.
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Voler encore et toujours.

Printemps 2024. Line, hôtesse de l'air, est au mauvais moment au mauvais endroit. Elle se trouve à Tokyo lorsque le Big One se déclenche. Avalée par la terre, celle-ci fini par la recracher huit jours plus tard. Traumatisée, Line va entamer un long et douloureux chemin vers sa renaissance.

Au moment où j'écris ces lignes un séisme de magnitude 7,5 sur l'échelle de Richter vient de secouer le Japon. Fort heureusement les dégâts ne sont que matériels et l'alerte tsunami a été levée (Edit du 2/01: Il y a eu des victimes malheureusement). La réalité n'a heureusement pas rejoint la fiction.

Caroline Caugant place son récit dans une légère anticipation où cette fois-ci le Big One, un séisme de magnitude 9,5, détruit Tokyo au printemps 2024 et fait de nombreuses victimes. Line est l'une d'entre elles. Huit jours vont s'écouler avant la délivrance. Huit jours d'horreur. Huit jours dans le noir, le silence, rayée du monde extérieur.

Physiquement en vie, Line est intérieurement morte. Traumatisée, amnésique puis hantée par les réminiscences de plus en plus fréquentes de l'enfer. L'héroïne disparaît peu à peu du monde. Comment revivre quand la mort nous a effleurée ?

Line s'accroche à une main amie. Celle de Saki. Prisonnière comme elle de ce linceul de verre et de beton, elle est celle qui a permis à Line de revenir à la vie. Line se rend ainsi sur l'île de l'Atlantique où a vécu Saki, pour comprendre, pour renaître.

Cette histoire se lit très agréablement grâce à la plume sensible et poétique de Caroline Caugant. le récit est aussi délicat que le sujet est difficile. le lecteur ressent une immense empathie pour ces deux femmes liées malgré elles par l'indicible.

En somme, ce roman montre un beau chemin de renaissance.

Je remercie les éditions Seuil et Babelio pour l'envoi de ce roman.

MASSE CRITIQUE PRIVILÉGIÉE

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Tout d'abord, merci aux éditions du Seuil et à Nathan de Babelio, pour ce livre, dont je ne connaissais pas l'autrice. Une découverte mitigée, j'ai du mal à savoir si j'aime ou non. C'est certain, j'ai préféré la deuxième partie.

« 1855, Edo. 1923, Tokyo. 1995, Kobe. 2011, Fukushima. Il y a les mots des survivants, qui racontent la même histoire : le grondement extraordinaire de la terre, la manière dont celle-ci hurle avant d'avaler les hommes. Certains parlent d'un cri de colère, d'une rage immense laminant les sols, d'autres évoquent une souffrance, déchirante, celle d'un monstre à l'agonie. »

Printemps 2024. En dehors de ses plannings de vol, Line, hôtesse de l'air, était de réserve six fois par an : pendant quatre jours, elle devait se tenir prête à remplacer tout membre d'équipage défaillant. Elle ne savait jamais si elle volerait, ni vers quelle destination. Un matin, elle fut déclenchée sur Tokyo. A son arrivée, elle décida de visiter la ville, elle avait entendu parler d'une coutume populaire au temple Senso-ji et décida de voir ce que l'avenir lui réservait.

« Tokyo au printemps
La saison de l'hanami
La beauté éphémère des fleurs des cerisiers

Sous la voûte du ciel
La grande lanterne rouge
A l'entrée du temple Senso-ji

Puis les cris
Les pulsations de la terre
La pluie de verre et d'acier »

Line venait de quitter le temple, lorsque les téléphones étaient devenus fous autour d'elle et s'étaient mis à sonner « Jishin desu ! Jishin desu ! ». Un mugissement était venu du dessous, comme si une créature se faufilait sous leurs pieds en raclant la voûte du sol. le cri d'une bête, d'un dieu trahi qui gueulait sa fureur. Puis les immeubles s'étaient mis à bouger, à se tordre, aussi facilement que des roseaux pris dans des bourrasques. Les façades s'étaient déchirées comme du carton. Les morceaux de verre avaient volé. Les rues s'enfonçaient, se hérissaient sous une pression monumentale. Et le hurlement de la terre couvrait cette folie. Un tremblement de terre sans précédent eut lieu. Line se retrouvera sous terre, dans un boyau étroit durant huit jours, en compagnie de Saki. Elles se raconteront leur vie, pour passer le temps, en espérant qu'on les retrouverait et qu'elles s'en sortiraient vivantes. « Tap tap tap »

A son retour Line, souffre de stress aigu, de détresse émotionnelle, d'un sentiment de confusion, le moindre bruit la fait sursauter, des vagues de panique la laisse sans force, les images la hante. La compagnie, juge qu'elle est maintenant inapte et elle sera suspendue des plannings de vol. Elle refuse d'être accompagnée par un psychologue. Elle pense pouvoir se remettre seule, il lui faut du temps et panser ses blessures.

Un jour, elle disparait sans un mot et part se réfugier à Insula, une petite île, où elle peut replonger dans ses souvenirs, sa jeunesse. Elle retrouvera les traces de Saki, qui a vécu sur cette île, jusqu'à ses quatorze ans, J'ai bien aimé la partie qui concerne cette dernière, elle nous dévoilera ce qui la perturbe : le départ du Japon, l'exil sur l'île française, le déracinement, ses peines, sa vie sur cette île assez particulière, loin de tout, surtout en tant que hafu, une métisse qui ne sera jamais vraiment acceptée. Saki était une enfant d'ici et d'ailleurs, écartelée entre deux îles, deux océans, deux continents.

J'ai moins aimé les retours sur le passé de Line, la fin me laisse un peu dubitative, j'aurais aimé en savoir un peu plus.

J'ai aimé cette phrase : « L'espoir n'a pas de fin », prononcée par la mère de Saki, je trouve qu'elle est tellement vraie.

Bonne lecture et bonne fin d'année à tous.
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Le séisme qui change toute la vie

En racontant comment Line, victime d'un tremblement de terre au Japon, tente de redonner un sens à sa vie, Caroline Caugant explore la psyché humaine après un traumatisme majeur. Un roman aussi éclairant que bouleversant.

Comment se remettre d'un tel traumatisme? Line, hôtesse de l'air, se promène dans un quartier populaire de Tokyo au moment où se déclenche le Big One, ce tremblement de terre tant redouté. le séisme ravageur l'engloutit littéralement et durant des jours, on n'a aucune nouvelle d'elle. Mais le miracle va avoir lieu. Elle est déterrée vivante au milieu du chaos, ayant pu boire l'eau qui ruisselait autour d'elle.
Après deux soins, elle peut regagner Paris et retrouver Thomas, l'homme croisé lors d'un vol pour Montréal et qui partageait sa vie depuis six mois. Mais la Line qui lui revient n'est plus la même: «Le corps de Line avait gardé, intact, caché quelque part dans une zone inaccessible ce que le choc avait effacé de sa mémoire. Puis un jour, les souvenirs de Tokyo sont remontés avec une telle clarté, une telle intensité, qu'ils l'ont submergée. Alors elle a fui. Elle est partie là où l'appelait sa mémoire.»
Thomas va alors tout faire pour l'aider, mais sans y parvenir. La vie en société, les déplacements, les incertitudes du quotidien sont autant de piqûres de rappel d'un traumatisme persistant. Alors prendre un métro qui s'enfonce sous terre ou voir la nuit tomber hors de chez soi deviennent des épreuves. Si Thomas se dit que reprendre son travail au sol peut servir à retrouver de la stabilité, Line ne va pas pouvoir assumer. Elle n'a alors qu'une envie, fuir.
C'est ce qu'elle va finir par faire, direction une île sur l'Atlantique où elle va pouvoir se confronter à ses fantômes. Un père absent, un premier copain victime d'un accident de la route, le rêve d'une carrière de danseuse qui se brise, mais surtout Saki, son double, celle qui a partagé sa «longue nuit sous terre», celle qui a survécu à ses côtés. «Line le savait maintenant, elle était revenue de Tokyo uniquement parce qu'elles étaient deux. Deux âmes affrontant la folie qui guettait, refusant de s'incliner, se tenant la main, et dialoguant pour ne pas sombrer. Ensemble elles pourraient se souvenir. Et guérir.»
Aux côtés de Rose, une insulaire qui va lui proposer de faire quelques heures de ménage dans sa maison, elle va avancer vers la lumière.
En retraçant ce difficile parcours, Caroline Caugant n'élude rien de ce combat à l'issue incertaine, mais à l'image des courts poèmes, comme des haïkus, qui viennent clore certains chapitres, elle montre la force des mots, l'importance du lien, la nécessité de pouvoir s'appuyer sur des histoires pour se construire et se reconstruire.
Comme dans son précédent roman, Les heures solaires, la romancière s'appuie sur un voyage pour permettre à son intrigue de se dénouer et à son personnage principal de se transformer. Billie gagnait le Sud de la France, Line la côte Atlantique. Mais à chaque fois, cette quête se fait dans la douleur. À la hauteur du traumatisme subi.
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu'ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.


Lien : https://collectiondelivres.w..
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"L'insula, ou cortex insulaire, constitue un des deux lobes du cerveau situés en position interne, et fait partie du cortex cérébral.Idéalement située pour recevoir un certain nombre d'informations relatives à l'état du corps, elle intervient à plusieurs niveaux en particulier le contrôle de certaines émotions, peur, colère, joie, tristesse et la conscience du soi"
futura-sciences.com

Line est une jeune femme heureuse. Heureuse en amour auprès de Thomas, heureuse dans sa vie professionnelle, elle est hôtesse de l'air longs courriers. Aujourd'hui elle est décrochée et part à Tokyo ... Sa vie va basculer , elle va être retrouvée vivante dans les décombres du tremblement de terre . 8 jours, 8 jours coincée dans un réduit dans le noir sans boire ni manger. heureusement l'eau de pluie s'est infiltrée.. Vivante oui mais qu'est devenue la Line de Thomas?

Caroline Caugant s'attache à nous décrire les affres par lesquels Line voit les jours s'écouler . le passé resurgit Line a 6 ans, 8 ans ... Line sursaute à chaque instant, se noie dans des réminiscences mais il manque toujours un maillon, sa mémoire est infidèle .. Il lui faudra partir , s'isoler pour enfin se retrouver.

Un sujet difficile que Caroline Caugant prend à bras le corps. L'écriture est à l'image des tourments de Line, certains passages semblent sortir de nulle part mais sont au final à leur juste place. Une lecture marquante.
Un grand merci aux éditions su Seuil via Netgalley pour ce partage
#Insula #NetGalleyFrance !
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Elle s'envole…plus comme la danseuse d'autrefois mais elle est libre et ouverte au monde avec son métier d'hôtesse de l'air. La terre ferme, ce sont les escales. Son ancre, c'est Thomas. Et puis, un jour, il y a Tokyo. Un bruissement, des immeubles qui ondulent et la terre qui se déchire et la gobe comme un vulgaire parasite, englouti par Namazu, le légendaire poisson-chat.

Le gouffre, le black-out, Line n'est plus…

Tap tap tap

Un son, un souffle de vie dans les entrailles de la terre.

Tap tap tap

Un éclat de lumière dont il faut se protéger et une libération éphémère.

L'âme est restée accrochée à la noirceur du monde. Survivre est-ce vraiment vivre encore? Qui nous donne le droit d'être là et pas les autres? S'évaporer doucement pour disparaître tout à fait. Puiser dans son âme et dans la fugue un moyen de se rappeler et de guérir.

Insula est le roman de la dualité. L'avant-l'après, deux femmes, deux cultures, deux villes, deux îles se mêlent dans cette histoire particulièrement bouleversante. le traumatisme et la résilience s'habillent de poésie et de légendes et nous embarquent dans un voyage où les sens et les émotions sont exacerbés. Quelle est donc cette merveilleuse île de l'océan Atlantique qui panse toutes les blessures? Merci à Babelio pour cette belle découverte.
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Voici mon retour de lecture sur Insula de Caroline Caugant.
Printemps 2024. Line, hôtesse de l'air, se trouve à Tokyo au moment où le Japon célèbre les cerisiers en fleurs. Cette nuit-là survient le Big One, séisme majeur que tous redoutaient. La terre avale la jeune femme. Puis la recrache des jours plus tard.
Miraculée, elle rentre à Paris, vacillante. de ce qu'elle a vécu, elle ne garde aucun souvenir. Commence alors le délicat travail de la reconstruction et de la mémoire. Comment revenir d'un tel voyage ?
Flashs et réminiscences la mèneront vers une île de l'Atlantique, soumise aux assauts du vent et de l'océan, à la recherche de ce qui la hante.
Insula est un roman que j'ai eu la chance de lire en avant-première.
J'ai tout de suite compris que la lecture serait un peu étrange pour moi car ce roman se déroule au Japon, au Printemps 2024, quasiment en même temps que j'y serais. Et oui, avec mon mari nous y retournons mi mars.
Et j'avoue, lire un roman qui parle d'un fort séisme s'y déroulant et de ses ondes de choc n'est pas pour me rendre sereine lol
Pire, nous avons appris hier matin que des séismes ont sévit au Japon, ça promet.
Insula raconte donc l'histoire de Line, une hôtesse de l'air heureuse dans sa vie. Jusqu'au jour où elle affronte un séisme qui bouleverse son quotidien.
Elle est sous la terre jusqu'à ce que celle ci la recrache. Elle est considéré comme une survivante et retrouve sa vie, en France.
Mais évidemment rien ne sera pareil pour elle.
Pourquoi est t'elle en vie ?
Pourquoi a t'elle survécu et pas les autres ?
Qui est cette voix dans sa tête ?
Qui était avec elle sous terre ?
De nombreuses questions se posent, les réponses sont difficiles à venir.
Line se met en tête de partir de nouveau à l'autre bout de la planète, sur une île loin de tout, pour comprendre certaines choses et être enfin en paix.
Line est un personnage à lequel je ne me suis pas du tout attaché. Elle vit quelque chose de traumatisant, qui m'a touché car je n'aimerais pas me trouver à sa place.
Mais malgré tout, la personne en elle même ne m'a pas réellement plu. Je l'ai trouvé hautaine, un peu déconnectée de tout. Je comprends qu'elle soit perdue, qu'elle n'arrive pas à dire les choses à son compagnon mais je trouve sa personnalité pas assez creusée. C'est plat, c'est dommage.
Il y a des allers retours où nous découvrons le passé de Line, il y a aussi des passages avec un autre personnage.
Je me suis un peu perdue car là encore ce n'est pas assez creusé.
Quand à la fin, elle m'a laissé dubitative. Je trouve qu'il manque des éléments.
Je suis restée sur ma faim, et j'ai eu l'impression que le roman n'était pas tout à fait terminé.
Mon avis sur Insula est assez mitigé.
Je ne sais pas trop quoi en penser alors que je l'ai terminé il y a quelques jours.
Je ne regrette pas ma lecture sans que ce ne soit un coup de coeur.
Ma note : trois étoiles et demie.
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Récit d'un séisme et des ondes de choc qu'il répercute, "Insula" révèle les failles des êtres et leur dualité, tout en dépeignant une existence animée par le désir violent de renaître.

Caroline Caugant est née à Paris en 1975. Après des études de littérature à la Sorbonne, elle travaille comme graphiste et se consacre en parallèle à l'écriture. "Insula" est son deuxième roman, après "Les Heures solaires".

Printemps 2024. Line, hôtesse de l'air, se trouve à Tokyo au moment où le Japon célèbre les cerisiers en fleurs. Cette nuit-là survient le Big One, séisme majeur que tous redoutaient. La terre avale la jeune femme. Puis la recrache des jours plus tard.

Miraculée, elle rentre à Paris, vacillante. de ce qu'elle a vécu, elle ne garde aucun souvenir. Commence alors le délicat travail de la reconstruction et de la mémoire. Comment revenir d'un tel voyage ?

Flashs et réminiscences la mèneront vers une île de l'Atlantique, soumise aux assauts du vent et de l'océan, à la recherche de ce qui la hante...

Je remercie les @EditionsduSeuil et @NetGalleyFrance de ma'voir permis de découvrir ce roman dépaysant très agréable à lire.

La structure narrative du récit est divisée en trois parties intitulées : Line, la miraculée ; l'ïle de Saki ; Revenir. L'intrigue de ce roman choral à trois voix nous est dévoilée selon le point de vue de Line, la rescapée, mais aussi au travers des yeux de son conjoint, Thomas, témoin du trauma psychologique subi par Line.

Dans la première partie, ces deux personnages nous racontent, à tour de rôle, la déliquescence de leur relation suite à cet évènement qui a bouleversé leur vie. le personnage de Saki, amie de Line, n'est évoqué qu'à partir de la deuxième partie, ce qui permet de préserver le suspense de manière efficace. Dans la troisième partie, le titre prend tout son sens et la vérité est enfin révélée.

J'ai beaucoup aimé la prose poétique de l'autrice qui m'a fait voyagé de Paris à Tokyo et de Tokyo à l'île mystérieuse de Gwadar grâce à de nombreux flashbacks. J'ai découvert la légende japonaise de Namazu, ce poisson-chat géant vivant dans les profondeurs de la Terre qui serait responsable des séismes. le Japon redoute ses réveils car il repose sur son échine et d'un mouvement brusque, Namazu peu ébranler tout l'archipel. Dans la légende, les séismes naissent de sa colère et je trouve cette légende pleine de poésie.

La plume sensible, délicate et le style fluide de l'autrice rendent la lecture très agréable. Son récit est léger, éthéré, et délicat, comme un pétale de cerisier. Ce monde flottant que représente le Japon, entre Terre et Mer, est le pays des disparus, des évaporés, comme le père de Saki, ou comme Saki, elle-même.

Line est toujours en vie, mais elle est comme vidée de l'intérieur : elle souffre de la culpabilité des survivants et n'arrive pas à se libérer des fantômes du passé. le dénouement, riche en émotions, est plein d'espoir car Line semble enfin sur la voie de le résilience.
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Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

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Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

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