Mais une question beaucoup moins universelle venait s'ajouter aux autres : à quelle époque était elle devenue cette vieille conne victime de la société de consommation qu'elle avait toujours condamnée?
Ses veines fourmillaient de sang neuf, le picotement orgasmique courait sous sa peau. La sensation du toucher revenait dans ses doigts engourdis par le froid. Il était vivant à nouveau. De chair et surtout de sang.
Tu m'enverras une alerte mail le jour où tu me trouveras un type pas trop con...
« - Il y a peu de chances qu’on tombe sur le comte Dracula aujourd’hui. »
Par flashes, les images des dernières scènes de crime traversèrent l’esprit de Baron.
Un corps déchiqueté comme par une bête enragée. (...) Mais pas de sang… Toutes ces horreurs mais pas une goutte de sang.
Baron avait toujours pensé que le sang était la chose la plus terrible que l’on pouvait voir. Mais il savait maintenant que contempler un cadavre exsangue était pire encore…
Elle enleva les mains de son nez et huma le parfum de la mort à pleines narines. Une fragrance abominable de merde et de pourriture. Au risque de contredire Baudelaire, elle ne trouvait aucune beauté, aucun romantisme à cette charogne infâme.
Dans le salon elle retrouva sa mère prostrée sur une chaise, une bouteille vide à la main, les globes oculaires vissés à l'écran de télévision qui diffusait des clips de rap (des Noirs vêtus de blanc) et de métal (des Blancs vêtus de noir).
Violaine se parait de noir sans savoir pourquoi elle le faisait. Pour elle, le gothique commençait à Emily the Strange et s'arrêtait à Ruby Gloom. Les origines et la philosophie du mouvement marginal qu'elle revendiquait avec tant d'ardeur ne l'intéressaient pas. Violaine se foutait de savoir que son look dont elle était si fière n'était qu'une pâle copie des extravagances de Robert Smith et de Siouxie dans les années quatre-vingt.
La même avait une peau en pain d'épice et des nattes de paille tressées. Ses genoux potelés, sous sa mignonne robe fuchsia, étaient écorchés et exhalaient un sulfureux mélange de sang et de Bétadine. Les contours de sa moue boudeuse étaient sculptés avec du chocolat fondu et elle sentait le chlore de la piscine. A croquer.
Foutre, larmes, sueur et sang... Tu avales tout ce qui coule, tu le digères, un cycle sans fin... Tu te plies à la mécanique du fluide.. L'organique gouverne ta vie.
L’instinct de se nourrir était si puissant qu'il n'y avait de place pour rien d'autre. Tu es une créature effroyablement primaire et simpliste ! Et tu resteras ainsi pour l’éternité...
Le monde était réduit à un suintement poisseux et sanglant.
Plus aucun espoir, pas de lumière possible au bout du tunnel, tu ne la supporterais pas. Que des regrets.
Le monde n'est qu'un suintement poisseux et sanglant.