Sans les journalistes, personne ne le saurait, parce que ça se passe souvent très loin et qu'ici, on a l'impression que tout va bien. Si mes collègues et moi ne faisons pas notre métier, ce sera comme si on oubliait tous les gens qui souffrent - à cause de la guerre, par exemple. Comme s'ils n'existaient pas. Et je veux qu'ils existent et puissent s'exprimer, parce qu'ils en ont le droit et qu'ils le méritent autant que moi - ou que toi.
La vérité est toujours plus simple que le mensonge, même si elle exige plus de courage.
La paix, la guerre. En définitive, il s'agissait toujours de faire un choix. Celui de l'optimisme. Celui de croire qu'un jour, tout finirait par s'arranger. Que la vie triomphe toujours de la peur et de la destruction.
On asphyxie le monde pour ne pas avoir à repeindre sa table de jardin une fois tous les deux ans.
Marie est entrée dans la salle où se déroulait l’épreuve de philo avec un grand sourire aux lèvres. Quand elle a lu les sujets, elle a tout de suite opté pour le deuxième : « Éprouver l’injustice, est-ce nécessaire pour savoir ce qui est juste ? » Elle l’a choisi en pensant à sa mère, qui consacrait sa vie à la justice et à la vérité.
« L’album photo est un modèle banal, avec une couverture plastifiée rendue rigide par une feuille de carton collé. Le froid du congélateur a dû agir sur la colle car, le carton se détache pendant que Marie manipule le livre. Trois photos glissent sur le matelas. Trois photos à la réalité brutale, terrifiante. Sur la première un groupe d’hommes, dans la lueur des phares poussent des enfants à l’arrière du camion du bout de leurs fusil-mitrailleur.
Bien que la photo soit prise de nuit , Marie reconnaît aussitôt la piste en terre, le cases. Elles figurent sur les seules photos qu’Irène a rapportées de Sierra Leone, le pays de son père. Sur la deuxième image, un blanc dont les cheveux clairs masquent le visage essuie la lame ensanglantée d’un couteau sur le pantalon d’un homme à terre. Marie voudrait fermer les yeux . Pourtant, elle ne peut détourner son regard du visage de l’homme au sole. Un visage qu’elle ne connaît que figé dans un sourire éternel, et qu’elle découvre à présent tordu de souffrance. A l’agonie »
Il doit y avoir un truc. Une sorte de chatbot, ces algorithmes destinés à simuler une conversation humaine. Il y a même un test pour les déceler, le test de Turing - du nom du mathématicien qui a plus ou moins inventé l'ordinateur en réussissant à déchiffrer des communications cryptées pendant la Seconde Guerre mondiale. Marie a vu un film consacré à sa vie et, comme cela lui arrive souvent, elle s'est passionnée pour le sujet. Elle a lu tout ce qu'elle a pu trouver sur la vie dAlan Turing et a été choquée d'apprendre qu'il s'était donné la mort à quarante-deux ans, après avoir été condamné pour son homosexualité - un crime en Angleterre, à l'époque.
Par un large trou dans la tôle encore brûlante du soleil de la journée, Irène distingue le disque aveuglant de la lune presque pleine. Elle éclaire d’une lueur crue le sol poussiéreux du village et les rares grands arbres. Autrefois, ici, il y avait des forêts luxuriantes. Les conflits armés et l’exploitation des richesses minières ont massacré la région. La région et, bien entendu, ses habitants.
Si je souffre tant, c'est parce que nous nous sommes beaucoup aimées, et l'amour est la seule chose qui ne s'éteint pas.
Il y a une guerre, oui. Il faut quelqu'un pour en parler parce que, sinon, la guerre continuera longtemps.