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Alexandrie, Antioche, Athènes, Sparte, Rome...
C'est en défenseur de la culture classique, de cette histoire de l'Antiquité qui a baigné son peuple, en défenseur de la langue aussi, que Cavafis conçoit la poésie. Ni romantiques, ni truffés de métaphores, d'assonances, ni lyriques, encore moins élégiaques, ses poèmes se veulent factuels et dans la grande tradition de la Grèce antique, à valeur philosophique.
Voyons-le d'abord comme un redresseur de piliers effondrés de notre passé mais aussi comme un témoin des grands mouvements de l'histoire : l'antiquité n'est pas monolithique. La Grèce classique, le siècle d'Alexandre, l'Égypte ptolémaïque et Rome enfin... ont brassé des peuplades, des langues, des religions et des cultures étendues sur trois continents que lui, Grec de la communauté alexandrine du début XXe, tente de raviver.
Manuel d'histoire en quelque sorte, sa poésie est aussi un plaidoyer pour ancrer ses racines et partager la profondeur de la langue et l'étendue de la culture grecques. Une volonté d'épiphanie en quelque sorte.
Mais c'est enfin quand il évoque sa modeste vie personnelle, ses rencontres amoureuses cachées, que Cavafis parvient à nous émouvoir. C'est ce même geste d'épiphanie qui cette fois s'attarde à son vécu, à sa vie de bohème, à ses souvenirs, ses espoirs déçus ou ses désirs réprimés par la société. Évoquant la splendeur de la Grèce oubliée ou de la jeunesse en allée, Cavafis parvient à nous émouvoir avec ce même style descriptif, précis, factuel. L'émotion est toujours tacite, en surplus, laissée à la bonne volonté du lecteur qui, n'en doutons pas, se trouve pris au jeu.

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J'ai découvert Constantin Cavafis lorsque j'étais à la fac. J'avais entendu parler de lui comme ça, j'ai acheté ce recueil de poèmes ; il est resté 15 ans dans ma bibliothèque et je ne m'y suis pas intéressé plus que ça.
Quel dommage ! ! !
J'ai fait une découverte splendide en lisant ses poèmes. Outre le côté grec très présent (les mythes particulièrement), j'ai surtout était ébloui par la beauté des mots, les sentiments et sensations évoqués et la liberté de ton ! Il a écrit il y a plus de 100 ans et il aborde l'amour homosexuel sans aucun problème.
C'est une très belle découverte et beaucoup d'émotions.

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Cavafy, quand il se dégage des mollesses fin-de-siècle de certains de ses poèmes d'amour, atteint le sommet de son inspiration dans la plus grande impersonnalité. Il délaisse alors les garçons alexandrins ou les élégies faciles sur le temps qui passe et la vieillesse qui vient, pour laisser parler d'autres personnes, d'autres voix, venues de tous les temps de la Grèce. Quand Ulysse, Anne Comnène et d'autres prennent la parole à travers le poète medium, un autre lyrisme se fait entendre, au-delà des limites de la personne.
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Il y a ceux dont les noms sont dans notre mémoire,
Alexandre Jannée, petit- fils de Simon Macchabée, y retrouve sa famille;
Il y a celui que l'on a croisé un jour, il y a bien longtemps, dans les ruines de Mystra, Théophile Paléologue,
le mathématicien lettré, parent du dernier empereur de la ville ;
il y a ceux qui sont presque des familiers, Apollonius de Thyane que l'on priait avec Sévère Alexandre ;
et puis,
il y a tous ceux que l'on ne croise que chez Cavafy,
Jean Cantacuzène, Anne Commène,
Et aussi Oropherne -
lui on s'en souvient,
on le voyait dans les éclairs
au-dessus des ruines du château d'Olipherne,
aider Judith à brandir la tête d'Holopherne.
Je demande l'indulgence pour cette facilité que je m'accorde, juste gâterie après la très raide montée jusqu'aux ruines d'Olipherne.
Ces noms, quelquefois imaginés,
à chaque lecture ils reviennent à nous,
comme des voisins,
dont on connait le visage, le nom,
et rien d'autre,
parce que l'on laisse le mystère - ou l'indifférence…
dissimuler les ruines des vies gâchées,
tandis que nous imaginons ce qui nous attend,
le pesant ennui d'hier;
mais peut-être retrouverons-nous, assis au café
à la table voisine,
le désir qui était le nôtre
dans cet après-midi d'été,
c'était, oui, c'était il y a longtemps,
ce souvenir qu'a gardé notre corps d'avoir été tant aimé,
en ces temps où déjà les poèmes de Constantin
accompagnaient nos mélancolies.



Je lis Cavafy dans la traduction de Marguerite Yourcenar, et je lis Cavafis dans la traduction de Dominique Grandmont (Les deux livres dans la collection Poésie/Gallimard)
Je cite ici des mots des poèmes suivants : La ville, Monotonie, La Table voisine, Rappelle-toi mon corps.

effleurements livresques, épanchements maltés http://holophernes.over-blog.com © Mermed
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Conseillé par un collègue grec il y a plusieurs années, il était temps que je me plonge dans ce recueil de poèmes de Cavafis. Il semblerait qu'il soit l'un des poètes grecs les plus connus. N'en déplaise à ses admirateurs, je n'ai pas été très émue à travers cette lecture. La poésie n'est déjà pas ma tasse de thé, j'aurais dû encore plus me méfier de la poésie traduite. Seul Décembre 1903 m'a réellement touchée ; c'est bien maigre au regard de la quantité de poèmes rassemblés ici.

Challenge XXème siècle
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Onde sensuelle, toi qui me donnes des ailes

On doit à Marguerite Yourcenar, en 1958, l'un des premiers recueils de poèmes écrits par Constantin Cavafis, publié à la Nouvelle Revue Française. le poète et traducteur Dominique Grandmont en fait une nouvelle sélection en 1999 avec En attendant les barbares et autres poèmes, y incluant certains textes inédits car considérés par l'auteur grec d'origine égyptienne comme non publiables. L'existence même de ce poète est comme un roman, qui débute à la fin du XIXe siècle à Alexandrie, et qui épouse les affres temporels de cette région. Ses parents, originaires de Constantinople, sont de riches commerçants, et il n'a que sept ans quand son père meurt. Sa mère décide de s'exiler en Angleterre, et ils retournent en Égypte quand Cavafis est un adolescent. L'ensemble de son existence sera partagée entre son pays natal et la Grèce alors naissante. Tout en poursuivant une carrière au Service de l'irrigation, il acquiert petit à petit une certaine notoriété en tant que poète, croisant sur sa route Edward Morgan Forster, avec qui il a entretenu une longue correspondance.
Le début

Les disparus, nos défunts, ceux que nous avons perdus nous reviennent parfois en rêve ou en souvenirs. Alors se rappellent à notre mémoire ces instants que l'on croyait avoir oubliés et qui pourtant ont participé à construire les êtres que nous sommes aujourd'hui devenus. Il en est de même de nos désirs inassouvis, ces passions intenses qui nous ont consumés, et qui sont désormais enfermés dans des superbes tombeaux. Tous ces moments sont en effet maintenant allumés derrière nous, comme des cierges. Il ne faut pas se retourner, ne pas regarder ce qui est passé et qui pourrait nous faire faillir, mais avancer droit devant, avec de nouvelles flammes à faire jaillir, alimentés par la vie qui s'offre à nous. Certain vieillard se souvient encore de sa jeunesse passé, et rumine sur ce qu'il est devenu, regrettant de ne pas avoir su en profiter. Mais le temps a passé, trop vite, et il se dit qu'il aurait mieux fait de ne pas écouter la voix de la sagesse, qui l'a empêché de saisir ces opportunités.

Analyse

L'écriture de Constantin Cavafis déborde de sensualité, et cela transparaît dans nombre de textes de En attendant les barbares et autres poèmes. Ainsi les personnages qui peuplent ces poèmes croisent-ils des « corps qu'Éros lui-même […] sembl[e] avoir créé[s] », et les textes sont parsemés de « corps […] éperdu[s] », de « lèvres empourprées » ou de « membres voluptueux ». Chacune de ces poésies raconte une histoire, très courte, qui tient sur quelques lignes, et où Cavafis parvient à rassembler la substance d'un moment fugace, la soudaineté d'un souvenir qui revient à la mémoire, et parfois l'essence même d'une vie. Ainsi en est-il de ce vieil homme attablé dans un café, qui se souvient de ses jeunes années, ou de ce garçon qui se promet de cesser sa vie de débauche pour en un instant y replonger. La mémoire, quelquefois la nostalgie, sont des éléments essentiels de ces tranches de vie où passent les émotions, et où la corporalité et l'immanence du désir sont prégnants.

Rendons à Constantin Cavafis le mérite qu'il a pu avoir de publier au début du XXe siècle, certes pour beaucoup en auto-édition et dans des revues, de nombreux poèmes où son orientation sexuelle ne fait aucun doute. Dans En attendant les barbares et autres poèmes, des garçons attendent de jeunes hommes, des amants se souviennent d'étreintes fugaces dans des « tavernes louches », des lupanars ou d'autres endroits interlopes. Ces êtres ont peur de « se trahir », que « la vie qu'il[s] mène[nt] [n']aboutisse au plus désastreux des scandales ». Anticonventionnel plus ou moins assumé, l'auteur met en avant « la beauté singulière » d'un visage, « une beauté qui s'écarte sensiblement des normes », « avec ses membres de rêve, faits pour des lits que la morale courante qualifie de honteux ». Cette fascination pour les corps d'éphèbes, qu'il compare souvent à des statues, fait référence au courant esthétique néoclassique, qui ont mis en avant les canons de la Grèce antique.

À cette fascination pour l'art hellénistique répondent, dans En attendant les barbares et autres poèmes, plusieurs textes qui traitent de cette époque. Ainsi, souvent, Constantin Cavafis se met-il dans la peau de personnages ayant existé, parfois puissants, tels ces illustres figures de la Maison Comnène, ou inconnus. Il les imagine tantôt à des moments charnières de leur existence, tels ces habitants d'Antioche au moment de l'incendie du temple d'Apollon, à Daphné, en 362, tantôt au seuil de leur vie, voire imagine leurs pensées post-mortem tel Iassès, ce personnage inventé qui parle d'outre-tombe. Les déesses et dieux grecs, les personnages mythologiques, où figurent en bonne place, bien entendu, Achille ou Patrocle, se mélangent dans ces odes pleines de lyrisme et de subtilité. Ce n'est pas un hasard si Cavafis s'est trouvé des affinités électives avec E. M. Forster, ou si Marguerite Yourcenar, helléniste chevronnée, s'est retrouvée dans les mots de ce poète trop méconnu en France.
Lien : https://panodyssey.com/fr/ar..
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La traduction qui a beaucoup fait pour la célébrité en France de Cavafis est celle de Marguerite Yourcenar en 1958, mais Dominique Grandmont en a donné en 1999 une nouvelle version plus fidèle, en particulier quant à la forme des textes. Mentionnons, parmi une kyrielle de textes plus touchants les uns que les autres, Au même endroit, J'ai tant contemplé… ou Je me prends à rêver…, et surtout celui qui nous semble le plus parfait : Loin Je voudrais raconter ce souvenir…/ Mais le voici effacé désormais..
La sincérité fait la beauté d'une oeuvre d'art. Cavafis écrit ce poème en 1914, quand il a 51 ans. A l'époque, c'est un âge où l'on se sent très loin des années de jeunesse. La beauté du corps et son déclin marquent l'auteur. L'émotion de la sensation est avivée par la précision du texte. Homme ou femme, chacun se voit concerné par cette nostalgie bouleversante. Qui n'a pas vécu ces moments intenses et fugaces où soudain la rencontre amoureuse entre en conjonction avec le lieu et la saison, créant une fulguration de beauté dont le souvenir reste douloureusement intact durant toute une vie ?
Si Cavafis raconte la liberté juvénile qui naît aux alentours de vingt / vingt-cinq ans, il ne réclame pas le retour impossible de ce bonheur que lui-même prolongea périlleusement après la trentaine. Simplement, il consacre son art à l'évoquer et il nous atteint, d'une façon toute nouvelle, au plus profond de notre intimité.
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