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Citations sur Moravagine (74)

Moravagine chevauchait à sa hauteur, moi, je venais par-derrière. Nous descendions tous les trois le Colorado par petites étapes. Rien ne pressait. Lathuille bavardait.
A l'entendre, il avait tout vu, tout lu, tout connu. Il avait fait tous les métiers, traîné dans le monde entier et avait des amis partout. Il avait vécu dans toutes les villes et traversé plusieurs pays vierges, accompagnant un explorateur ou servant de guide à des missions scientifiques. Il connaissait les maisons par leur numéro, les montagnes par leur altitude, les enfants par leur date de naissance, les bateaux par leur nom, les femmes par leurs amants, les hommes par leurs défauts, les animaux par leurs qualités, les plantes par leurs vertus, les étoiles par leur influence. Il était aussi superstitieux qu'un sauvage, malin comme un singe, à la page comme un boulevardier, affranchi et dessalé.
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A bord du Caledonia qui nous emporte de Liverpool à New-York, Moravagine et moi ne sortons pas de l'appartement privé que nous occupons, et quand nous sortons, c'est à l'heure du thé, pour nous mêler aux enfants.
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La vue des policiers m'avait fait battre le coeur ; mais quand nous débouchâmes sur la place devant la gare, nous fûmes immédiatement dégrisés. Saint-Pétersbourg était tout noir. Pas une lampe à arc, pas un réverbère. Partout des barrages d'agents. Nous fûmes refoulés dans la Ligowskaïa où des troupes formaient des faisceaux. Il y avait des patrouilles de cosaques dans les rues. Un silence impressionnant planait sur la ville.
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Les femmes ont le goût du malheur. Elles ne sont heureuses que quand elles peuvent se plaindre, quand elles ont raison, quand elles ont cent fois raison d'avoir raison de se plaindre, quand elles peuvent s'avilir avec volupté, avec frénésie, passionnément, dramatiquement. Et, comme elles sont cabotines dans l'âme, il leur faut une galerie, un public, même imaginaire, avant de s'offrir en holocauste. Une femme ne se donne jamais, elle s'offre toujours en sacrifice.
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(Mais) le peuple, qu'un instinct très sûr avertissait et qui nous éventait partout dans les coulisses d'un millier de drames obscurs, le peuple nous craignait comme la peste noire et nous avaient baptisés les Enfants du Diable.
Et le peuple avait raison! Nous avions toujours été des parias, des bannis, des condamnés à mort, il y avait longtemps que nous n'avions plus aucun lien avec la société, ni avec aucune famille humaine, mais aujourd'hui nous descendions volontairement faire un stage en enfer. A quel mobile pouvions-nous obéir en préparant notre attentat contre le tsar et quel pouvait bien être notre état d'esprit?
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Moravagine éprouvait une grande volupté à plonger enfin dans le gouffre le plus anonyme de la misère humaine. Rien ne le rebutait, rien ne lui répugnait, ni la promiscuité épuisante des pauvres gens qui nous recevaient, ni la saleté croupissante des ouvriers et des paysans, ni, dans les villes, les mets nauséabonds que de misérables Juifs nous présentaient à table, ni le sans-gêne envahissant en usage dans les milieux révolutionnaires.
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Moscou est belle comme une sainte napolitaine. Un ciel céruléen reflète, mire, biseaute les mille et mille tours clochers, campaniles qui se dressent, s'étirent, se cabrent ou, retombant lourdement, s'évasent, se bulbent comme des stalactites polychromes dans un bouillonnement, un vermicellement de lumière. Pavées en rondes bosses, les rues sont pleines du tintamarre des cent mille fiacres qui déferlent jour et nuit ; étroites, rectilignes ou cerclées, elles s'insinuent entre les façades rouges, bleues, safranées, ocrées des maisons pour s'élargir soudainement devant un dôme d'or que des bandes de corneilles criardes fouettent comme une toupie.
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Voici ce que Moravagine m'a raconté sur son origine et son enfance durant les longues conversations qui précédèrent son évasion.
- Je suis le dernier rejeton de la puissante famille des G...y, le seul descendant authentique du dernier roi de Hongrie. Le 16 août 1866, mon père fut trouvé assassiné dans sa baignoire ; ma mère, prise de convulsions, accoucha avant terme et mourut, et moi, je vins au monde de trois mois en avance sur l'horloge du château qui sonnait justement midi.
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Le docteur Stein était arrivé à l'apogée de la célébrité. C'était un homme grand et fort, toujours habillé de neuf. Beau parleur, discoureur infatigable, il portait une barbe épanouie soigneusement entretenue qui élargissait encore sa puissante carrure. Il se nourrissait exclusivement de lait caillé, de riz étuvé et de tranches de bananes beurrées. Très porté sur les femmes, ses façons onctueuses cachaient un tempérament brutal que trahissaient ses pieds plats, ses ongles en spatule, son oeil fixe et son sourire figé. Il avait beaucoup de poils sur le dos des doigts.
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Des pays, il y en a beaucoup, des livres, en voici un ; des hommes, j'en connais tant et plus et je ne me lasse pas d'en connaître : mais jamais je n'en ai rencontré un aussi costaud et aussi proche de mon coeur que ce pauvre garçon qui m'a adressé la lettre suivante, l'autre printemps. (J'étais au Brésil, dans une fazenda, à Santa Veridiana, et quand je l'ai lue, cette lettre, tout s'assombrit autour de moi, le ciel bleu des tropiques, la terre rouge de l'Amérique du Sud, et la vie que je menais dans cette libre nature, en compagnie de mon cheval Canari et de mon chien Sandy, me parut tout à coup inconséquente et mesquine, et je me hâtai de rentrer en Europe. Un homme venait de mourir, entre quatre murs, à l'aube, un collier de fer autour du cou, un garrot, la langue pendante... comme sur une estampe de Goya...)
"2h du matin"
Cellule des condamnés à mort, Montjuic, le 11 mai 1924, cellule 7

"Mon Cher Blaise Cendrars,
Je savais qu'en m'adressant à vous, vous feriez l'impossible pour obtenir ma grâce auprès du roi d'Espagne, la grâce d'être exécuté immédiatement.
C'est fait, vous avez obtenu cette chose difficile, je serai exécuté à l'aube, merci, merci de tout coeur.
(...)"
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