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Tétralogie de mémoires tome 1 sur 4
EAN : 9782070364671
448 pages
Gallimard (26/10/1973)
4.06/5   143 notes
Résumé :
Première édition : 1945
À quoi tient, dans "L'Homme foudroyé", cet air de fête, cette jubilation de l'écriture dont rendent mal compte un titre aux couleurs tragiques et tant d'épisodes marqués par la guerre, l'échec ou la mort. Qu'est-ce qui pousse Blaise Cendrars à écrire à son ami Jacques-Henry Lévesque que c'est là ce qu'il a fait de meilleur à ce jour, et à Raymone, sa compagne, que c'est "le meilleur livre du monde". C'est dans le traitement du temps qu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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Livre de poche, chiné. Annoté au crayon de bois : nom et dates de Cendrars (1887-1961) ainsi que celles de certains de ses ouvrages ; mots rares soulignés, leur définition sommaire reportée en page de garde, le « foudroyé » du titre suivi de la mention « voir p 235 »… Ce livre a vécu, quelqu'un se l'était approprié et j'ai l'impression qu'il ou elle m'y accueille amicalement.

Ce livre, ce sont des mémoires en paquets divers. Ni petit ni anecdotique pour le premier : souvenirs du front, avant la blessure de 1915 qui a coûté son bras droit à Blaise Cendrars. Quarante-cinq pages qui disent la violence et la peur, le non-sens et la peur, la bêtise et la peur. La peur qui conduit à la violence, au non-sens, à la folie absurde. Ces pages rivalisent avec celles de Remarque, de Giono, de Gabriel Chevallier.

Deuxième paquet : Marseille où Cendrars débarque après avoir filmé les éléphants en Afrique et avant de repartir au Brésil. Marseille qui l'intrigue et le séduit. Marseille en 1927, quinze ans avant de devenir la « Planète sans visa » que je viens de découvrir.
Marseille, et La Redonne, le bonheur à La Redonne*, un bonheur contagieux tant Cendrars le savoure avec jubilation. Il y a loué une grande baraque qui domine l'anse, la mer, avec vue jusqu'à Marseille et Cassis. Il pensait pouvoir y écrire, a tapé trois lignes sur sa machine, et la feuille en est restée là, engagée dans le rouleau, pendant les semaines d'enchantement de ce séjour consacré aux balades avec la chienne Volga, à l'observation de la mer et du ciel, aux interminables parties de pétanque avec les huit pêcheurs du port, aux ventrées de bouillabaisses et de fruits de mer cuisinés par madame Roux dans son auberge.

Et sans transition, on arrive aux « Rhapsodies gitanes ». Un titre générique dont je ne vois pas forcément la justesse en ce qui concerne la première histoire : la rencontre de Cendrars, vingt ans, avec Gustave Lerouge qui en a vingt de plus, et leur amitié, sporadique, chaotique, truculente. Il est vrai qu'ils font connaissance dans un fin fond de terrain vague, garni de wagons désaffectés où échouent des miséreux, des SDF qui ne s'appelaient que va-nu-pieds à l'époque. Personnage complexe, timide et orgueilleux, poète et violent, ce Lerouge (ou le Rouge, selon sa signature changeante). Cendrars en fait une description sans complaisance, et même féroce, mais admirative de son talent au point d'inclure, sans le lui dire, certains de ses vers dans l'un de ses propres ouvrages.

Les gitans, on va les rencontrer dans la deuxième rhapsodie. Cendrars entraine Gustave Lerouge dans une sorte de reportage au sein de la famille Sawo dont le fils a été au front avec Cendrars. Démobilisé, Cendrars avait vécu plusieurs mois dans cette famille, partageant sa vie, ses activités, et le lit d'une des filles. Son sens de l'observation avait trouvé à s'employer !

« La grand'route » est l'intitulé de la troisième rhapsodie. La N 10 qui emmène Cendrars dans tous ses voyages et jusqu'au-delà de l'océan. Lieux en pagaille, rencontres savoureuses ou émouvantes. Cendrars s'en donne à coeur joie dans l'accumulation de noms, d'évocations, de descriptions. Il m'égare parfois. Et il accumule les digressions dont certaines quelque peu surprenantes, et même urticantes…

Mais la route, après tours et détours, revient aux Gitans, et au copain Sawo qui a quitté son clan après avoir tenu son rôle dans une vendetta sanglante. Il la raconte à Cendrars, ce qui permet à l'auteur de rapporter ces phrases de son ami, une critique avec laquelle il est impossible de rivaliser : « Tu sais, j'ai lu tous tes bouquins. Je ne les comprends pas tous, souvent je ne puis pas te suivre, mais au moins ça grouille, ça vit, ça voyage là-dedans. Je comprends que ce doit être épatant puisque ça me fait envie (…) ».

Une langue pleine de mots. Comment dire autrement la richesse et l'abondance de l'écriture de Cendrars ? Voguant aussi bien du côté de l'argot de son époque, que vers un vocabulaire rare - comme l'a souligné souvent, au sens propre, le précédent lecteur de mon exemplaire. Une écriture foisonnante, libre dans la forme et dans le fond. Cendrars nomme ses amis, leurs caractères, leurs travers avec humour, et parfois leurs défaites, avec lucidité : André Gaillard, Gustave Lerouge, Fernand Léger, Bernard Grasset, Rémy de Gourmont, son environnement littéraire et artistique. Son écriture est aussi incisive quand il évoque Sawo, Maman Roux, Paquita, et tous les malheureux qu'il a rencontrés et regardé vivre. Mais son admiration pour ceux qui vivent ou survivent dans des conditions indignes, est absolue et sa compréhension de la misère est sans réserve
« La guerre c'est la misère du peuple. Depuis, j'en suis... »

* Très joli film sur Youtube (8 minutes) dont la première partie rappelle ce séjour de 1927 à La Redonne.
https://www.youtube.com/watch?v=m6JcsDDLU-w

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« Ça grouille, ça vit, ça voyage là-dedans » dit à Cendrars l'un de ses amis, à propos de ses livres. Et c'est vrai. Dès les premières lignes de l'Homme foudroyé, on est frappé par la vitalité de ce texte branché directement sur le courant de la vie : on y boit comme des trous, on y mange comme quatre, on y aime sans retenue et surtout on voyage à chaque page.
Car vivre, selon Blaise Cendrars, c'est d'abord « tailler la route » (ce qui en fait le précurseur direct des Cassady, Kerouac et autres dévoreurs d'espace de la Beat Generation.)
Mais s'il lui arrive à l'occasion de pousser une pointe jusqu'au Brésil, c'est surtout à la découverte de la France que notre voyageur entraîne son lecteur, au volant de ses multiples bolides, même si le pays dont il est ici question n'a rien à voir avec celui de Monsieur Perrichon : la France qu'affectionne Cendrars est en effet un pays étrange, nocturne, parfois dangereux (à l'image de cette banlieue parisienne où les différends se règlent à coups de surin) - un pays exotique, en somme, et peuplé d'êtres meurtris, abîmés par la vie, souvent guettés par la mort. Ce n'est d'ailleurs pas par hasard que ce livre de « souvenirs » (les guillemets sont de rigueur), commence par une scène d'épouvante vécue par l'auteur dans les tranchées :
« La guerre m'a profondément marqué. Ça, oui. La guerre, c'est la misère du peuple. » confie-t-il au détour d'une phrase, manière de souligner le caractère post-traumatique de ces mémoires.
Et cela vaut aussi pour le monde que raconte Cendrars, ces « années folles » coincées entre deux massacres, au cours desquelles toute distraction est bonne à prendre, même si les rires sont un peu étranglés.
Écrit d'une plume leste et souvent torrentielle, L'Homme foudroyé est un livre-gigogne, où chaque histoire débouche sur d'autres histoires, lesquelles donnent à leur tour naissance à de nouvelles anecdotes, sans grand souci de chronologie ni de géographie.
Pour être franc, les pérégrinations du grand Blaise ne sont pas toujours faciles à suivre, et il m'est arrivé plus d'une fois de me perdre dans son sillage ; il n'empêche, j'ai eu un petit pincement au moment de refermer cet ouvrage, premier tome d'une tétralogie dont il me tarde de poursuivre la lecture.
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Dans son style inimitable, Cendrars revient sur sa vie des années 1900 à 1945 par des correspondances d'idées faussement spontanées. Car tout est lié dans une vie sous la forme d'une spirale peut-être, qui absorberait le temps.
Cendrars agace, sous ses airs de gars viril à qui on ne la fait pas, une sorte de Lino Ventura qui tient les rênes en main. Mais, c'est un raconteur hors norme quand il nous emmène dans cette France qui n'existe plus, cette France rurale de Provence ou celle de la grande et petite ceinture parisienne avec ses terrains vagues joyeux et semi-clandestins. Tout une partie du roman est consacrée aux gitans qu'il a fréquenté, aimé et dont il a appris les coutumes et traditions. Sous prétexte d'amener Fernand Léger rencontrer ce monde interlope, c'est le lecteur qu'il tient par la main.
On y apprend aussi davantage sur ce Gustave Lerouge dont tout curieux de Cendrars a entendu parler.
Alors oui, il agace le bonhomme qui collectionne le champ lexical péjoratif de la femme (mégère, garce, pie voleuse..) mais il reste unique dans son style écrivain - routard, tellement hors des sentiers battus des années 40.

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Publié en 1945! par Denoël, ce "roman" n'en est pas vraiment un. Il s'agit plutôt des carnets autobiographiques d'un baroudeur suisse qui a combattu volontairement pour la France en 1914-1918. C'est d'ailleurs dans les tranchées que débute le récit. Avec une bonhommie feinte, Cendrars raconte une série d'anecdotes savoureuses sur le quotidien des poilus.
Puis, sans transition, on se retrouve à Marseille, une ville dont le génial manchot adore le faux désordre et la ruse de ses habitants.
Mais la partie que j'ai le plus appréciée, c'est celle où le narrateur se met au vert dans une calanque un peu perdue, histoire de finir son roman... Avec beaucoup de tendresse, il décrit alors par le menu toute la faune humaine qui vivote grâce à la pêche, au tourisme et à la cueillette des herbes aromatiques et autres plantes bienfaisantes. A nouveau, Cendrars fait preuve d'une grand sincérité envers le lecteur dans le mesure où il se montre (presque) tel qui est, avec ses doutes, ses errements, ses angoisses à peine voilées... le tout, au milieu d'une nature sauvage et faussement amicale qui oblige justement chacun à se voir tel qu'il est. Au point qu'un dandy de passage finit par se jeter du haut de la falaise.
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Une oeuvre assez déroutante. Blaise Cendrars relate de manière décousue les principales étapes de sa vie, où chaque page est l'occasion d'une digression dont on ne sait plus si elle devient la trame principale du chapitre, ou si l'on va revenir au point initial. le style lui-même est un mélange de gouaille, de poésie et de belle littérature, souvent érudite.

C'est également l'occasion de découvrir la vie haute et couleur d'une banlieue parisienne qui se déploie entre les deux guerres, sombre et lumineuse à la fois, où des personnages improbables se croisent, s'affrontent et s'aiment. C'est aussi une évocation de Marseille, loin des pagnolades, mais sans en être totalement étrangère, où l'auteur vit une belle aventure avec une femme en noir qu'il nous relate avec talent.

Enfin, un très long passage en surplomb de la calanque de la Redonne, près de Carry le Rouet, où se déploie un univers bariolé, ensoleillé et parfois emprunt de mystère.

Le tout étant ouvert par le souvenir le plus marquant de sa vie et probablement qui en a constitué sa matrice, l'épreuve des tranchées, la perte de son bras droit et l'image imprimée à jamais d'un poilu projeté dans les airs, foudroyé par un obus et dont ne restera plus qu'un pantalon sanguinolent.
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Citations et extraits (55) Voir plus Ajouter une citation
« Mon cher Edouard Peisson - ... j'ai pris feu, dans ma solitude, car écrire c'est se consumer...
« L'écriture est un incendie qui embrase un grand remue-méninge d'idées et qui fait flamboyer des associations d'images avant de les réduire en braises crépitantes et en cendres retombantes. Mais si la flamme déclenche l'alerte, la spontanéité du feu reste mystérieuse. Car écrire c'est brûler vif, mais c'est aussi renaître de ses cendres.
« Ou ne crois-tu pas, tout simplement, que les marins comme les poètes sont beaucoup trop sensibles à la magie d'un clair de lune et à la destinée qui semble nous venir des étoiles, sur mer, sur terre, ou entre les pages d'un livre quand nous baissons enfin les yeux et nous détournerons du ciel, toi, le marin, moi, le poète, que tu écris et que j'écris, en proie à une idée fixe ou victimes d'une déformation professionnelle ? (21 août 1943)

1639 - [Le Livre de poche n° 535/6, p. 13]
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Et alors, j'ai pris feu dans ma solitude car écrire c'est se consumer...
L'écriture est un incendie qui embrase un grand remue-ménage d'idées et qui fait flamboyer des associations d'images avant de les réduire en braises crépitantes et en cendres retombantes. Mais si la flamme déclenche l'alerte, la spontanéité du feu reste mystérieuse. Car écrire c'est brûler vif, mais c'est aussi renaître de ses cendres.
(Lettre à Edouard Peisson, Aix-en-Provence le 21 août 1943)
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J’avais adopté l’endroit. Ce train à la Jules Verne m’avait conquis et il est bon, quand on vient dans la solitude pour travailler à un livre, de se fixer à proximité d’une voie ferrée et de voir par sa fenêtre passer les trains Ce trafic marque le temps et crée un lien entre la marche silencieuse de la pensée et l’activité bruyante du monde. On communie. On se sent moins seul. Et l’on comprend que l’on écrit pour les hommes.
(P 103)

Un écrivain ne doit jamais s'installer devant un panorama, aussi grandiose soit-il. J'avais oublié la règle. Comme Saint Jérôme, un écrivain doit travailler dans sa cellule. Tourner le dos. On a une page blanche à noircir. Écrire est une vue de l'esprit. C'est un travail ingrat qui mène à la solitude. On apprend cela à ses dépens et aujourd'hui, je le remarque. Aujourd'hui, je n'ai que faire d'un paysage, j'en ai trop vu ! « Le monde est ma représentation. » L'humanité vit dans la fiction. C'est pourquoi un conquérant veut toujours transformer le visage du monde à son image. Aujourd'hui, je voile les miroirs. Tout le restant est littérature. On n'écrit que « soi ». C'est peut-être immoral. Je vis penché sur moi-même. « Je suis l'Autre. »

(P 105)
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Il y avait déjà des années que la Révolution battait son plein au Mexique baladant ses légions d’Indiens pouilleux à cheval, les pieds nus dans les étriers, le grand chapeau de paille glorieux et déguenillé fièrement campé sur la tête ou pendu dans le dos, la carabine au poing ; baladant ses longs trains de troupes, les locomotives beuglantes, les wagons-lits pleins de généraux muets, d’états-majors jaloux, de politiciens rivaux, d’avocats, d’orateurs passionnés, de libéraux convaincus, de mercenaires, les plates-formes surchargées d’hommes, des soldats équipés par l’étranger, la carabine au poing ; baladant ses cohortes de caciques réactionnaires et de grands propriétaires fonciers, les escadrons des Chemises Dorées et des braves et farouches péons, des sangs-mêlés, la carabine au poing ; bouleversant tout sur son passage du nord au sud du pays ; tuant, massacrant, pendant, fusillant, pillant dans les bourgs et les églises ; implantant des idées nouvelles entre les deux Océans ; débaptisant les campos et les sierras ; convertissant la bourgeoisie des villes à l’indianisme et les Indiens des sitios les plus reculés à l’esprit nouveau.
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André (Gaillard) me raconta qu’il avait surtout fréquenté les surréalistes à Paris, mais devinant que si j’aimais la poésie pure je n’aimais pas ces jeunes gens que je traitais d’affreux fils de famille à l’esprit bourgeois, donc arrivistes jusque dans leurs plus folles manifestations, André n’insista pas et m’entraîna visiter les boîtes de nuit et les fumeries de Marseille. Or, la drogue, c’est tabou. On ne joue pas avec On s’y adonne et elle vous prend. Moi, j’ai horreur de ça. J’ai vécu en Chine sans avoir jamais eu la curiosité de porter une pipe à ma bouche. Ce n’est pas de la vertu. Je n’aime pas la pharmacopée. J’aime ma lucidité. C’est mon étoile. Je n’ai que faire des vertiges de l’opium qui à une seule exception près, celle de De Quincey, n’est pas ami de la poésie. C’est un sale poison. J’ai assisté à trop de déchéances autour de moi, à des agonies lentes et lamentables, à la mort, toujours ignoble, des intoxiqués pour avoir conservé le moindre doute à ce sujet. La drogue, c’est bon pour les Jaunes. Pas pour un Chrétien.
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