Citations sur Prose du Transsibérien et autres poèmes du monde entier (10)
Prose du Transsobérien
Ma pauvre amie est si esseulée
Elle est toute nue, n'a pas de corps - elle est trop pauvre.
Elle n'est qu'une fleur candide, fluette,
La fleur du poète, un pauvre lys d'argent,
Tout froid, tout seul et déjà si fané
Que les larmes me viennent si je pense à son coeur.
« Vivez, ah! Vivez donc, et qu’importe la suite !
N’ayez pas de remords .
Vous n’êtes pas juge . »
« Rien n’est admissible ; sauf la vie , à condition de la réinventer chaque
jour » …..
J'ai fumé la cigarette du voyage. Elle m'a piqué les yeux et fait battre le coeur plus vite. Elle a laissé sur mes réveils un goût de tabac froid. J'ai toussé, j'ai perdu ma voix. J'ai deux grosses valises sous les yeux. Je suis un voyageur brumeux qui n'y voit plus très clair et qui croit encore nécessaire de s'en aller plus loin.
[Jean-Michel Maulpoix]
Tous ceux de ma génération sont ainsi
Jeunes gens
Qui ont subi des ricochets étranges
On ne joue plus avec des meubles
On ne joue plus avec des vieilleries
On casse toujours et partout la vaisselle
On s'embarque
On chasse les baleines
On tue les morses
On a toujours peur de la mouche tsé-tsé
Car nous n'aimons pas dormir
("Le Panama ou les aventures de mes sept oncles")
Des livres
Il y a des livres qui parlent du Canal de Panama
Je ne sais pas ce que disent les catalogues des bibliothèques
Et je n'écoute pas les journaux financiers
Quoique les bulletins de la Bourse soient notre prière quotidienne
(Le Panama ou les Aventures de mes sept oncles)
Rien n'y fait, j'entends les cloches sonores
Le gros bourdon de Notre-Dame
La cloche aigrelette du Louvre qui sonna la Barthélemy
Les carillons rouillés de Bruges-la-Morte
Les sonneries électriques de la bibliothèque de New York
Les campanes de Venise
Et les cloches de Moscou, l'horloge de la Porte-Rouge qui me comptait les heures quand j'étais dans un bureau
Et mes souvenirs
Le train tonne sur les plaques tournantes
Le train roule
Un gramophone grasseye une marche tzigane
Et le monde, comme l'horloge du quartier juif de Prague, tourne éperdument à rebours.
Je tourne dans la cage des méridiens comme un écureuil dans la sienne.
[Le Panama ou le Aventures de mes sept oncles]
Moi, le mauvais poète qui ne voulais aller nulle part, je pouvais aller partout
Je suis couché dans un plaid
Bariolé
Comme ma vie
Et ma vie ne me tient pas plus chaud que ce châle
Ecossais
Et l'Europe tout entière aperçue au coupe-vent d'un express à toute vapeur
N'est pas plus riche que ma vie
Ma pauvre vie
Ce châle
Effiloché sur des coffres remplis d'or
Avec lesquels je roule
Que je rêve
Que je fume
Et la seule flamme de l'univers
Est une pauvre pensée...