Une terre de passage où ne restent que les gens qui 'ont d'autre solution que de rester , ceux qui n'ont aucun endroit où aller. Une terre de perdants .
L'écrivain fait la moitié d'un livre, l'autre moitié, c'est toi qui l'a fait.
Il passa le restant de la matinée à lire dans un coin de la bibliothèque, à côté d’une baie vitrée qui donnait sur une cour tapissée de gravillon. Peu après midi, il rendit le livre à la bibliothécaire.
— Vous en pensez quoi ? demanda-t-elle.
— C’est le second livre qui m’a le plus plu dans ma vie, mentit-il.
La bibliothécaire sourit.
— Et quel est le premier ?
— Les Misérables, répondit Melchor. Vous l’avez lu?
— Non, dit la bibliothécaire. Mais j’en ai beaucoup entendu parler.
Melchor lui demanda ce qu’elle en avait entendu dire et la bibliothécaire lui raconta une anecdote. Apparemment, Victor Hugo était exilé en Belgique quand on publia Les Misérables et, impatient de savoir comment son roman avait été accueilli, il écrivit à l’éditeur une lettre qui consistait en un seul signe : le point d’interrogation ; l’éditeur répondit à Hugo par retour de courrier et avec un message qui consistait aussi en un seul signe : le point d’exclamation. Le roman avait eu un succès retentissant.
Les pauvres sont plus forts que les riches. Les riches sont mal habitués, et ils ont beaucoup à perdre ;ça les rend mous,vulnérables.
Comme la semaine précédente, la bibliothèque venait d'ouvrir ; comme la semaine précédente, il n'y avait qu'eux deux.
— Pasternak était poète, dit Olga. Tu aimes la poésie ?
— Pas tellement, reconnut Melchor qui avait lu peu de poésie. Les poètes, pour moi, ce sont des romanciers paresseux.
Olga eut l'air songeur.
— Peut-être, dit-elle. Mais pour moi, presque tous les romanciers sont des poètes qui écrivent trop.
La vérité, c’est qu’on vit assez bien ici, continua le caporal. On gagne même un peu plus. Evidemment, on n’est pas moins pauvres pour autant, surtout dans ma situation, avec deux filles à la fac. C’est là que tu te rends compte de ce que ça veut dire, être flic dans ce pays. A quel point on nous traite mal, comment on nous piétine. Ah ça, oui, quand ça chauffe, ils ont besoin de nous pour qu’on assure leur protection, et nous on va risquer notre peau pour eux. En attendant, on est considérés comme de la vermine, on est payés une misère, on nous humilie, et si c’était possible on nous cacherait quelque part, parce qu’on fait honte. Bon sang, ça me dégoûte. Quand je pense à tout ça, je n’ai plus envie d’être flic, tu vois. Bref, en tout cas, ici, en Terra Alta, tu vivras mieux qu’à Barcelone, surtout si tu vis seul.