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3,72

sur 78 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Plonger dans ces 672 pages, c'est accepter de ne pas tout maitriser, de ne pas tout comprendre, de se laisser aller pour savourer ce roman, kaléidoscope vertigineux par les multiples facettes qu'il laisse entrevoir, un peu comme dans un film de David Lynch.

Du coup, les esprits cartésiens resteront sans doute sur le côté de la route. Moi, j'ai été littéralement hypnotisée par cette intrigue addictive qui mêle en mode poupée russe une tragédie locale ( la disparition d'une fillette, l'enquête pour la retrouver et son impact sur une petite communauté rurale française ) aux tractations politiques pour l'installation d'un parc d'attraction ici-même. Poupée russe qui devient complètement folle lorsqu'arrivent d'étranges chapitres sur le jeu de rôle Empire des Chimères ( le point de départ dudit parc d'attraction ) , nous immergeant littéralement dans une partie que jouent des ados du village de la disparue, mais aussi dans la conception même de ce jeu qui a rendu fou ces créateurs.

Tout devient fiction, tout devient réel. Antoine Chainas s'amuse à tordre le réel par petites touches fantastiques ( une boîte mystérieuse au contenu magique, une corneille blanche, un champignon invasif, de la moisissure, un scarabée pique-prune en voie d'extinction, une étrange créature homme-chien etc ).
Ces torsions s'accélèrent au fil d'un récit parfaitement maitrisé. Toutes les ramifications finissent par se rejoindre de façon très cohérente.

Mais cela ne s'arrête pas là. On tient là un roman étiqueté «  polar » qui renouvelle complètement le genre. le lecteur est considéré comme un être intelligent à qui il faut fournir du matériau pour faire carburer son cerveau. Là , tu as le bulbe en ébullition pour essayer de relier toutes les pièces du puzzle et ne pas te perdre dans ce labyrinthe. Surtout tu réfléchis. Car ce roman est profondément ancré dans son monde, celui des années 1980, époque charnière du désenchantement de la gauche française rattrapée par les réalités de la mondialisation et de l'ère du divertissement mondialisé, de Los Angeles jusqu'à un patelin rural français paumé.

Les personnages du roman ( une dizaine environ que l'on suit vraiment ) sont eux aussi en ébullition. Tous sont psychologiquement très fouillés, jamais linéaires, notamment le garde-champêtre Jérôme qui mène l'enquête sur la disparition de la petite Edith, rongé par son passé algérien, apaisé par la présence de sa femme lourdement handicapée.

Le tout est porté par une écriture d'une grande élégance, précise, travaillée, utilisant des mots très recherchés.

Original, brillant, déroutant, un régal !
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« Une fois que l'on est converti à l'usage intensif des livres, on ne peut plus se laisser tenter par l'ivresse cathodique. »


Je remercie sincèrement l'équipe de Babelio et les éditions GALLIMARD - série noire, pour m'avoir permis de découvrir, avec beaucoup de plaisir et une immense curiosité, « Empire des Chimères » et son auteur Antoine Chainas, lors de l'opération MC « Mauvais genre » d'octobre dernier.



Complexe et vertigineux.


Avec la meilleure des volontés, je serai bien en peine de résumer ce bouquin...
« Empire des Chimères » est assez compliqué et risque d'en rebuter plus d'un, cependant c'est un récit comme on en voit peu, magistral et maîtrisé, dense et intense.


« Fruit d'un travail de cinq ans, écrit par moments dans un état second » ; c'est l'auteur lui-même qui le dit, et cela ne me surprend guère au sortir de ce roman noir classé polar, mais surtout inclassable en réalité, véritablement atypique et peut-être même parfois abscons pour qui ne prendra pas la peine de s'immerger pleinement dans cette histoire relativement alambiquée.

C'est qu'il faut un minimum de concentration pour s'y retrouver, mais pas seulement. Il faut également - et absolument - accepter de se laisser transporter dans un univers sibyllin aux allures de labyrinthe sémantique, malgré le risque de se perdre totalement... Enfin, il faut oublier toute logique cartésienne au profit d'une certaine opacité et de l'hermétisme inhérent.

Varié, bigarré, aux multiples facettes, tout en restant cohérent : une réussite.
Également bourré de références littéraires ou cinématographiques dont le lecteur rendu spleenétique s'amusera probablement à retrouver l'origine.
Bref, il faut s'accrocher ! Et si on y parvient c'est un pur bonheur ;-)


« - le temps n'a pas d'espace et l'espace n'a pas de temps. Nous pouvons être aujourd'hui et hier, ici et là-bas en même temps. »


Un conte contemporain en mode gigogne, dont on devine bien évidemment que chaque infimes détails, chaque bribes de vie, finira par plonger inexorablement vers le même fleuve, certes long mais loin d'être tranquille...


Tragique, onirique et poétique.


Un « polar noir » donc - mâtiné de fantastique - mais résolument novateur, unique. Une revisite du genre terriblement originale.
Riche d'un vocabulaire particulièrement pointu (avoir un dictionnaire à portée de main est vivement recommandé), le récit, narré au présent et de fait très rythmé, vous déstabilise et vous chavire jusqu'a la frontière entre onirie et folie, entre fiction augmentée et troublante réalité... Chainas s'en est donné à coeur joie, à n'en pas douter.

Les personnages principaux (le garde-champêtre, au douloureux passé, et qui trouve malgré cela la paix de l'âme grâce à l'amour de sa femme paraplégique ; l'ancienne institutrice, vieille fille solitaire ; l'adolescent « perturbé » et obnubilé par d'étranges visions ; l'agent immobilier qui jalouse son frère ; ...etc...), tous extrêmement fouillés et vivants, voltigent loin des clichés, ce qui les rend d'autant plus captivants et attachants - pour la plupart du moins...


« Pour accueillir la surprise, il faut quitter l'attente. »


Avec ce roman kaléidoscope de Chainas, je pense à une phrase en particulier - du réalisateur Patrice Leconte lors d'un documentaire sur le regretté Jean Rochefort, que j'ai revu récemment - et qui exprime selon moi l'essence même de ce livre :

« La passion, qu'elle soit professionnelle, humaine, amoureuse,... doit être rouge vif. »
> Empire des Chimères est purement et simplement rouge vif =)


« Même si je ne sens rien, j'ai chaud pour toi. Laisse se répandre la langueur. »
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Lawney est le premier groupe de divertissement au monde. Ses studios produisent un film d'animation chaque année à l'approche des fêtes. La mécanique est rodée : la famille va voir le film, achète les produits dérivés et se rend au parc d'attraction. L'amusement est une industrie très rentable. Au début des années 80, la mondialisation s'accélère et le groupe projette de créer un parc en Europe. L'Espagne a un avantage, son climat, mais la France semble être un terreau propice à l'imagination. le gouvernement socialiste de l'époque n'est pas indifférent à cette manne financière et semble prêt à faire de nombreuses concessions pour accueillir les investisseurs. Lawney souhaite bâtir une ville dans le prolongement du parc, un urbanisme semblable à un décor de film et où tout est tourné vers la consommation. Mais la découverte d'un pique-prune, un insecte protégé, sur le lieu prévu pour l'implantation peut faire capoter le projet…

Lensil, une commune rurale, se situe au coeur de la zone d'aménagement retenue, ce que ses habitants ignorent. Il faut dire que le village est bouleversé depuis plusieurs jours par un drame. Une petite fille a disparu. L'enquête dirigée par les gendarmes ne donne rien. Les parents sont désemparés.

Dans le voisinage, trois adolescents de la commune se retrouvent le week-end pour jouer à un jeu de rôle : l'Empire des chimères. le jeu a été développé à partir des personnages mi-bêtes, mi-hommes, des films Lawney. C'est un succès commercial hors normes. Une nouvelle version d'Empire des chimères a été développée mais le groupe la a renoncé à la sortir. Des exemplaires piratés circulent pourtant sous le manteau. le jeu est particulièrement addictif. Les participants s'immergent totalement dans un univers imaginaire. La réalité rejoint la fiction qui à son tour rejoint la réalité. Les différents niveaux de réalité se mélangent, interagissent, l'espace et le temps s'effacent. le présent se dédouble une multitude de possibles.

« L'Empire des chimères » est une oeuvre à part dans cette rentrée littéraire. Ce roman m'a surpris par son originalité et sa complexité. Après en avoir tourné la dernière page, j'ai repris certains passages pour en saisir le sens global. L'auteur incorpore des éléments de la fantasy qui m'ont fait penser à Stephen King. Le récit mêle plusieurs niveaux de récit pour superposer différentes dimensions qui coexistent indissociables et dépendantes les unes des autres. De nombreux sujets sont abordés : l'industrie du divertissement, l'émergence de la mondialisation, la vie dans un village de la "France périphérique". Une oeuvre ambitieuse qui détonne dans la production française.

Je remercie Babelio et les éditions Gallimard pour leur confiance.
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Décidément, en ce moment, je passe d'un texte pas facile (Idiotie de Pierre Guyotat) à un autre, dans un genre complètement différent, puisqu'il s'agit d'un roman noir : Empire des chimères d'Antoine Chainas. Bon, ça, c'est un sacré polar, rudement bien écrit, épais (658 pages) et l'intrigue est... comment dire… pour le moins complexe ! Et il faut l'avouer, je n'ai pas tout compris, loin de là ! Mais est-ce bien grave ? Difficile, au fond, de classer une oeuvre aussi dense, touffue, labyrinthique dans sa construction et qui s'en va, parfois, traîner du côté du fantastique. Une espèce de texte vertigineux et tentaculaire qui touche à un tas de sujets et que je vais donc avoir un mal fou à vous présenter (si j'y arrive!) Ne m'en veuillez pas si je tâtonne un peu.
L'action se déroule dans un petit village français situé au beau milieu de nulle part : Lensil.
Quelques figures vont très vite émerger de cet espace glauque et plutôt sordide : une instit' à la retraite, un plombier au chômage, une coiffeuse qui a perdu son chat, un directeur d'agence immobilière, un boucher, trois gamins qui s'adonnent à un jeu de rôle intitulé Empire des chimères, un garde champêtre qui fait office de gendarme dans ce petit village paumé. Bref, c'est tout un tas de personnages qui nous sont présentés. (Pas d'inquiétude, on finit par les mémoriser relativement facilement - et pourtant je ne suis pas très douée pour ça d'habitude...)
Or, un jour, une gamine, Édith, disparaît tandis qu'elle jouait à cache-cache avec ses copines… Meurtre ? Enlèvement ? Mystère ! La petite est introuvable...
L'action se situe dans les années quatre-vingt, époque où Mitterrand milite pour « une France plus juste, plus fraternelle ». En attendant des jours meilleurs, on entend plutôt parler de crise économique, de choc pétrolier, de mondialisation, de société de consommation.
La ville de Lensil, en passe de mourir, faute d'habitants, n'est pas près d'attirer âme qui vive avec une affaire comme celle-ci. C'est l'hiver, il fait froid, gris, et en plus, un champignon invasif a eu la mauvaise idée de s'épanouir dans de nombreuses maisons. Bref, c'est un vrai cauchemar que ce lieu.
« Les rares oiseaux qu'on y entend sont des corbeaux, la terre que l'on foule une stagnation opaque et les gens qui peuplent les environs les gardiens d'une prison invisible, sans plus de consistance qu'un nuage de poix.»
Bienvenue à LENSIL !
Allez, fuyons et partons pour les States car une autre partie de l'action a lieu là-bas, précisément là où a été conçu le fameux jeu auquel s'adonnent les gosses. En effet, on prépare non sans mal une nouvelle version qui, paraît-il, est encore plus terrible que la première. Certains disent d'ailleurs que des copies pirates circulent déjà sous le manteau...
Il faut savoir aussi qu'outre-Atlantique une grosse firme américaine de divertissement a des projets qui pourraient bien transformer les terres pourries de Lensil en or, en y implantant… un parc à thème précisément inspiré de ce jeu effrayant…
En attendant, les enfants jouent et jouent encore : ils sont Louis le lombric, Andy le loup arctique, Eddy la corneille blanche… et la réalité se mêle à leur fiction (à moins que ce ne soit l'inverse), tout s'imbrique, s'enchevêtre, se télescope et devient dangereusement poreux. C'est un jeu intense, subversif, immersif, plus qu'addictif et particulièrement violent. le but de ces gamins accros ? « Retrouver Eddy, une corneille albinos qui a disparu d'une ville appelée Simplicité. » Et les joueurs doivent se rendre sur les Épouvantables Terres pour la retrouver, des terres gardées par un certain Oskar…
Mais qui cherchent-ils, ces mômes, Eddy ou une certaine Edith que personne ne retrouve et que ses parents pleurent ? Et pourquoi ce charnier de chats ? Et que vient faire ce pique-brune, « la terreur des bétonneurs » ? Et c'est quoi cette boîte noire dont le couvercle « s'orne d'une corneille blanche les pattes en l'air » ? Et cette créature mi-homme mi-bête qui rôde dans la forêt, qui est-elle, d'où vient-elle ?
Allez, lancez-vous dans l'aventure, parce que c'en est une de lire un tel roman. Laissez-vous aller, lâchez votre esprit cartésien. Vous serez peut-être un peu perdu mais certainement pas déçu !
GO !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Je ne sais toujours pas vraiment ce que je viens de lire. Mais j'ai adoré ça.

Empire des chimères est l'un des romans les plus étranges que j'ai pu lire depuis une décennie. Un roman à la fois fortement ancré dans la réalité et pourtant fantasmagorique. Improbable, inclassable. Et addictif pour le lecteur curieux, à l'esprit ouvert sur le (les) monde(s).

Voilà une expérience littéraire hors cadre, à la fois totalement immersive et constamment déroutante. 650 pages touffues mais à la lecture grandement facilitée par des chapitres courts, un des nombreux paradoxes de cet ouvrage.

Ouvrage, voilà bien un mot qui sied à cet édifice littéraire, qu'on pourrait souvent penser bringuebalant, mais qui s'avère d'un étonnant équilibre. Toujours instable, faussement chancelant, sans jamais s'écrouler.

Il y a de la magie dans ce livre. Par (une partie de) son sujet, par l'envoûtement du lecteur, par cette capacité de l'auteur à construire un récit improbable.

Vous résumer l'histoire ? C'est impossible. Je vais essayer de vous en donner quelques clés.

L'époque : les années 80. Pour ceux qui sont suffisamment avancé en âge comme moi, il y a un coté revival (j'utilise un mot anglais, assez provocateur quand on connaît le propos du récit).

L'environnement : le fin fond de la France, celle coincée entre l'immobilisme latent et la « modernité » qui toque à sa porte. Mais pas que, puisque l'intrigue passe également par les USA et voyage même parfois dans le temps par l'Algérie.

L'histoire : ahahah ! Dans l'excellente interview du non moins excellent blog Nyctalopes, Antoine Chainas dit avec esprit et humour qu'il a écrit un « rural noir quantique vintage ». Mine de rien, c'est tout à fait ça. Il y est donc question de la vie dans ce monde de campagne, mais aussi de jeu de rôle, de mondialisation, de cupidité, d'architecture, de violence, d'amour, de changement (et de tellement d'autres choses)…

Plus je vous en parle, plus je me dis que je risque de vous faire peur… Pourtant ce roman est FORMIDABLE.

Laissez-vous tenter, vous n'aurez que rarement le loisir de lire un roman à la fois d'une telle densité et pourtant réellement ludique. de vivre une telle expérimentation en immersion, entre tension, intéressantes réflexions sur la société et poussées oniriques.

Voilà bien un roman mutant et viral (les mots ont un vrai sens quand on lit le livre). A aucun moment, on anticipe où va nous conduire cette aventure, bien à la manière d'un jeu de rôle. Avec un Antoine Chainas en maître de cérémonie qui étonne, détonne et divertit.

Parce que ce roman non linéaire est clairement ambitieux, bien qu'il ne perd jamais de vue l'aspect divertissant et les émotions. C'est l'une de ses grandes forces.

L'autre force est la plume de l'auteur, travaillée, ciselée, personnelle.

Ressenti très personnel, dans son approche, je trouve Empire des chimères parfois à l'opposé de Pur, son précédent roman. Pourtant ils ont des points communs, mais avec EDC (ça fait marque déposée) j'ai senti que l'écrivain mettait plus en retrait ses idées et messages par rapport à l'histoire et aux personnages (mais elles sont toujours bien présentes). En clair, ce nouveau livre est davantage en prise avec les émotions, plus proches de ses personnages, plus en adéquation avec ce que j'aime lire. Des protagonistes qui ne trouvent pas leur place ou qui forcent leur destin vers des chimères.

Empire des chimères est une sorte de radiographie de la France profonde des années 80, une dure image de la société de consommation. Il peut aussi se lire avec un oeil un brin nostalgique (et pourtant l'auteur ne dit jamais que c'était mieux avant, un paradoxe de plus).

Livre monde, livre microcosme, voyage dans l'espace et le temps, très noir et parfois lumineux, foisonnant et ludique, qui touche et qui fait réfléchir, Empire des chimères est un livre aussi invraisemblable qu'authentique. Fantastique, dans tous les sens du terme, par un Antoine Chainas inspiré.

Peu d'auteurs sont capables de sortir un tel roman, ou alors en pire.
Lien : https://gruznamur.com/2018/1..
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Waouh ! Un gros roman noir parfaitement réussi, qui prend le temps de présenter ses personnages, leur vie et leur psychologie, qui leur donne de l'épaisseur. Qui prend le temps de dérouler une intrigue bien ficelée, avec une juste dose de tension sans être trop oppressant ni horrifique, une dose de fantastique, et une bonne dose de sentiments humains. Un drame succède à l'autre dans une mécanique implacable.
Dans chimère il y a monstre, et beaucoup de l'étrangeté de ce livre repose sur l'irruption de personnages zoomorphes issus des dessins animés et du jeu de rôle.
Dans chimère il y a aussi illusions. Illusion de la richesse et du changement de vie par la spéculation. Il y a une critique du tournant consumériste de la société dans les années 80, l'ère du fric, au détriment du merveilleux. Car dans le village perdu de Lensil (« le trou du cul de l'Europe »), entouré de champs de betterave, les problèmes viennent du projet d'implantation d'un grand parc d'attraction par un géant du divertissement américain (dont le nom se termine par ey, dont le siège est basé à Los Angeles, où ils ont déjà construit un parc d'attraction, ça ne vous évoque rien ?).

Je ne peux que vous encourager à lire assez rapidement ses 700 pages, pour ne pas perdre de mémoire les nombreux indices que l'auteur sème depuis le tout début de son récit jusqu'au dénouement. Dénouement qui déstabilise nos esprits cartésiens. Et ça, j'adore !
Car l'intrigue est un ruban de Möbius. Ce ruban fermé, qui, lorsqu'on le parcourt sur une face, fait que l'on arrive progressivement au même endroit sur l'autre face, sans aucune rupture. Délicieuse et vertigineuse abolition de la frontière entre la réalité et le jeu de rôle, entre le passé et le présent, entre Lensil et Los Angeles. Ou pour le dire comme l'un des personnages, « le temps n'a pas d'espace et l'espace n'a pas de temps. Nous pouvons être aujourd'hui et hier, ici et là-bas en même temps. »
Enfin et surtout : Antoine Chainas écrit vraiment très bien. Une écriture ciselée, très juste, précise, riche, envoutante. Il y a des scènes très fortes, comme lorsque Jérôme voit se superposer des souvenirs de la guerre d'Algérie et de la chasse.
Bref. C'est admirablement pensé, construit, écrit. Un coup de coeur absolu !
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” Les territoires en friche, à la lisière du progrès, s'éloignent à l'est. Les lendemains de pluie, lorsque l'atmosphère est expurgée des particules de mica en suspension, une nostalgie précoce peut naître de l'immensité, devenue lumineuse et dominatrice. Les lacs aussi denses que le ciel demeurent plombés par une eau trop lourde. Il émane des rares villages alentours, moins de quatre mille habitants au total, un triomphe de l'oubli, une esthétique de l'effacement scandé par l'imminence d'une catastrophe, dont le processus semble interrompu pour un temps indéterminé. Les aubes grises succèdent aux crépuscules sans but. On a passé un pacte d'usure avec les murs, on s'y ennuie. L'enracinement paraît si profond qu'il empêche de se consumer dans les rituels féroces des temps modernes. “ 



1983. Dans un coin bucolique de France assez paumé, une jeune fille est portée disparue. Personne ne semble avoir remarqué quoique ce soit, pourtant ils se connaissent tous et ont tendance à savoir tout sur tout le monde.


” Sa disparition est si totale, si brusque et inexplicable que l'on en vient déjà à se demander si elle a jamais existé, si son nom a simplement été prononcé. “ 



D'ailleurs, des rumeurs commencent à circuler et certaines personnes s'apprêtent déjà à saisir l'opportunité pour tenter de s'enrichir au passage.


” Au moment du dessert, on s'attarde sur une rumeur insistante : une multinationale du divertissement envisagerait d'ouvrir un parc à thème en France. ”

Pendant que certains s'investissent dans l'enquête pour tenter de retrouver la demoiselle, certains adolescents passionnés par un jeu de rôle : l'empire des chimères, commencent à s'interroger. La frontière entre la fiction et la réalité semble se confondre et ne faire plus qu'un. 



” Aucun lieu, si anodin soit-il, ne protège contre le risque d'un malheur. “ 


D'étranges phénomènes se produisent et sèment le doute chez les adolescents comme chez les adultes. 


“ L'être humain est fait d'une obscurité insondable, dont il n'émerge qu'un bref instant. Un délai toutefois suffisant pour prendre les armes. À certains l'on confiera la cruauté et la férocité. À d'autres, la douceur et l'empathie. le plus souvent, les hommes lutteront avec un panachage de tout cela.
Mais chacun d'eux retournera au néant avant d'avoir achevé sa guerre. "



Un climat anormal s'installe et parasite de manière suspecte la communauté.


” La réalité qui rejoint la fiction qui, à son tour rejoint une autre réalité. “ 


Ce que j'en dis : 

J'ai pour habitude de ne jamais lire ou très rarement les quatrièmes de couverture pour garder un maximum de surprises alors je ne vous en dirai pas plus afin qu'à votre tour, vous profitiez un maximum de ce merveilleux roman noir.

Dés les premières pages, l'histoire est captivante et il en sera ainsi pendant les 650 pages qui suivront.

Tout comme dans le jeu de rôle qui se retrouve au coeur de ce récit, l'auteur plante le décors, installe ses personnages, sème une intrigue et récolte les premiers indices qui vont nous conduire au coeur d'une histoire sociale où le pouvoir de l'argent et de la nature sont indiscutablement liés. 
Et quand le fantastique flirte avec la réalité, tout semble possible même si, la folie n'est jamais loin.

A travers une plume lyrique, Antoine Chainas nous offre un roman aussi divertissant qu'enrichissant et aborde de nombreux thèmes en phase avec l'actualité de notre époque.

Qu'il s'agisse de disparition, d'enjeux économiques, de protection de la nature, de l'influence d'un jeu sur les adolescents, ou de la simple survie d'un village, cette histoire qui se déroule dans les années 80, nous prouve une fois encore que le paysage reste inchangé malgré les années passées. 

" La beauté de la France profonde a décidément un cachet bien cruel. ”



Un roman inclassable, riche et puissant porté par une langue qui l'est tout autant.
Un grand roman noir qui ravira les lecteurs exigeants tout comme je le suis devenue.

Un véritable coup de foudre. 

Lien : https://dealerdelignes.wordp..
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Je découvre enfin Antoine Chainas et quelle découverte ! Empire des chimères est un grand roman !

Lorsqu'un livre est conseillé par l'immense libraire/écrivain Benoît Minville je sais que je vais lire un roman inoubliable et cela s'est encore confirmé avec Empire des chimères !

Ce roman est très ambitieux, riche, original, un roman passionnant et passionné : je n'ai jamais lu un tel livre !

Il y a tellement de personnages, d'intrigues, de genres qui se mêlent et s'entremêlent dans ce livre ! le lecteur pourrait être perdu mais le talent d'Antoine Chainas est là : c'est un conteur né, un conteur qui sait nous guider dans un labyrinthe d'histoires, qui garde le fil tout du long et met en place une incroyable construction narrative.

Avec des chapitres courts et efficaces, Antoine Chainas nous entraîne dans un roman fascinant où se croisent le local et le mondial, où se mêlent les genres littéraires, la réalité et la fiction et il nous emmène dans de multiples cadres spatio-temporels. Un roman d'une ampleur colossale et qui a su véritablement m'impressionner !

En définitive, un grand roman ! Je vais me précipiter sur les autres livres d'Antoine Chainas !
Lien : https://leatouchbook.blogspo..
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Passionnante histoire, bien sombre voire parfois sordide autour de l'addiction aux jeux de rôle, de l'empire Disney. Livre lu en quelques jours malgré l'épaisseur (700 pages).
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J'aime qu'on me surprenne, j'aime l'originalité, la différence, tout ce qui me fait rêver et voyager à tous nouveaux ! Et avec ce polar hors du commun, nous sommes « secoués » par un style inimitable et très littéraire que j'adore, par l'entrée dans un texte étrange, dans lequel la rationalité n'a plus vraiment de prise. J'ai adoré ce roman de 658 pages (heureusement sinon c'aurait été longuet !). On ne se lasse de rien, dès les premières pages tout est mis en place avec intelligence et le suspense nous emmène vers une histoire fascinante.
J'apprécie également les différents univers qui se rejoignent en apothéose, le mélange de réel et d'irréel qui me fait vibrer !
Evidemment, si l'on est 100% cartésien et que l'on aime une histoire avec un début, un milieu et une fin, dans la continuité, sans surprise… il est urgent de passer son chemin. En revanche, si l'on aime s'immiscer dans un (des) univers étrange(s), il s'agit d'une perle. En outre, en tant que professeure de littérature, le style est essentiel pour moi et je me suis régalée de la première à la dernière ligne.
Tous les éléments sont là pour nous captiver : un petit village sans histoire qui se transforme en scène de crime lors de l'enlèvement d'une fillette, Edith ; des jeunes qui se rejoignent régulièrement pour s'adonner à leur plaisir : jouer à un jeu immersif « Empire des Chimères », dans lequel, étrangement des champignons se développent, en même temps que des champignons commencent à se développer dans le monde réel… Ainsi les délimitations réel / imaginaire commencent doucement à s'effriter pour notre plus grand bonheur…
Un texte fort, original, poignant, que je recommande vivement à ceux /celles qui aiment les textes différents !
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