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3,72

sur 78 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un village français qui se vide de ses commerces et de ses habitants. Trois adolescents qui trompent leur ennui en se passionnant pour un jeu dangereusement addictif. C'est vrai que dans ce petit bourg, il ne se passe jamais rien, enfin, jusqu'au jour où une petite fille de huit ans disparait.

Los Angeles Californie, un empire du divertissement rêve d'installer un parc à thème en Europe, pourquoi pas sur les terre d'un petit village français. Pendant que les négociations commencent, un écrivain américain transpire sang et eau pour donner une suite à un jeu de rôle à succès, un travail éreintant qui le mène au bord de la folie.

La France, le Monde et les années 80, rien que ça. Roman à l'architecture travaillée qui passe d'un petit patelin au milieu de nulle part aux beaux quartiers de Los Angeles, d'une réalité triste à un jeu de rôle morbide. Roman humaniste où l'on croise un garde champêtre bienveillant, une institutrice impliquée, quelques bouseux violents et des hommes de pouvoirs cyniques et corrompus. Roman historique couvrant deux décennies, de la guerre d'Algérie aux années fric Mitterrand.

« Les rumeurs allaient bon train. Les habitants de la baie le croyaient fou, les maitres d'école simple d'esprit. Ses camarades de classe étaient persuadés qu'il venait de la planète Mars, les médecins estimaient qu'il était juste souffrant, victime d'un dérèglement nerveux dont une poignée de cachets viendrait à bout. Ses parents, eux, pensaient qu'il souffrait un peu de tous ces maux. »

Roman à tiroirs dans lequel le lecteur nostalgique et ravi essaie de mettre des noms sur les hommes et les oeuvres qui servent de référence au romancier virtuose qui, lui, a semble-t-il beaucoup aimé « Twin Peaks » et lu Philippe K Dick et Jim Thompson (il y a pire comme références…). Enorme roman touffu et roboratif qui se lit d'une traite.

La richesse de la langue et la qualité de la composition enchante le lecteur. « Empire des Chimères » est un roman historique qui aurait pu s'appeler « 1984 » l'année où se situe l'action…Ah oui zut… le titre est déjà pris …mais c'était un roman d'anticipation, non ?
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Je ressors un peu essoufflée de ce gros roman en 2 livres, 8 parties et 156 chapitres, presque tous courts, auxquels il faut ajouter un intermède (entre les livres 1 et 2). Je l'ai lu lentement, en prenant des notes dans les deux premières parties avant de laisser tomber : ces précisions me ramenaient sans cesse en arrière pour vérifier qui était qui, si tel événement avait bien eu lieu de cette manière ou si j'avais confondu ou mal compris...

Dès l'avertissement, avec une suite d'antithèses, Antoine Chainas annonce pourtant la couleur : « toute ressemblance avec des faits réels et irréels, toute similitude avec des personnes existantes et inexistantes, ne saurait être que fortuite et volontaire ». Ne pas être trop cartésien, donc… En exergue du Livre I, une citation en anglais de E. Cardon Walker datant de 1982 précise le contexte : cet homme (réel) est le créateur de plusieurs parcs Disney dans le monde. En exergue du livre II, une phrase de Ronald Reagan en forme d'avertissement fait référence à un Empire des chimères, et en exergue de chaque partie, une citation assez longue de Sidney Taylor Lawney, tirée d'un livre intitulé le Coeur de nos villes, pose les bases d'une cité (?) idéale. On en suppose l'auteur architecte, urbaniste ou sociologue avant de comprendre qu'il s'agit d'un personnage fictif, maître à penser de certains des protagonistes. Un narrateur à la troisième personne raconte, au présent, les faits qui se déroulent majoritairement dans la première moitié des années 80, avec des retours en arrière d'inégale longueur concernant la guerre d'Algérie telle que l'a vécue Jérôme, un des personnages principaux, ou encore la genèse d'Empire des chimères et les aventures de ses concepteurs. Cependant, la même scène peut-être racontée deux fois, par les yeux de deux personnages différents. Il arrive aussi que certaines scènes soient présentées au futur ou au conditionnel sans qu'on sache toujours si elles auront lieu ou si elles auraient pu avoir lieu. À trois ou quatre reprises, ce narrateur laisse la place à un « nous » collectif dont je me garderai bien de dévoiler l'identité.

Même si on voyage parfois à Los Angeles, l'action se déroule essentiellement à Lensil, village situé dans une région déjà sinistrée à cette époque. Trois ados se passionnent pour un jeu de rôle particulièrement addictif : ils possèdent une copie pirate de la deuxième version jamais commercialisée, Empire des chimères II. La disparition d'une fillette bouleverse l'ensemble du village. La gendarmerie intervient et n'apprécie pas trop l'enquête que Jérôme, le garde-champêtre, mène parallèlement à la leur. Autre sujet d'inquiétude, une moisissure, un champignon (achronalis anomalia) envahit les canalisations et les maisons ; le nom du parasite fait, me semble-t-il, allusion à une anomalie temporelle. Le lecteur comprendra que la moisissure contamine les deux univers : le « réel » et « l'imaginaire », sans que l'on sache trop lequel est lequel tant il est difficile parfois d'en tracer la frontière... Un consortium américain aimerait créer un parc de loisirs en Europe et, pour ce faire, contacte Henri Davodeau, originaire du village de Lensil où son frère Denis tient toujours l'agence immobilière familiale. Ce parc de loisirs s'inspirerait de la première version d'Empire des Chimères qui a connu un succès planétaire. C'est essentiellement à partir de ces divers éléments qu'Antoine Chainas élaborera son intrigue complexe et passionnante dont l'élément récurrent est une mystérieuse boîte noire avec, représenté sur le couvercle, un oiseau sur le dos.

J'ai mis du temps à me laisser prendre et à m'immerger dans ce foisonnant roman, très intéressant par bien des aspects. Il est à peu près impossible de le classer dans un genre défini. Il touche au fantastique : on n'éprouve pas plus de certitude que les protagonistes, on ne sait jamais si le passage réaliste qu'on est en train de lire ne va pas glisser vers un ailleurs improbable et effrayant, mais un ailleurs qui serait toujours ici et maintenant. Il prend parfois l'allure d'un roman policier, parfois l'intrigue se double d'une critique sociale (dans la mire de l'auteur : le consumérisme, la perte d'une certaine forme d'innocence ou de naïveté, l'uniformisation de la culture, entre autres), parfois la vie du village et les moeurs de ses habitants viennent au premier plan. Chainas lui-même parle de « difformité littéraire » et qualifie son roman de « rural noir quantique vintage » dans une intéressante entrevue issue d'un échange de courriels avec le blog Nyctalopes. Ce qui est sûr, c'est qu'il s'agit là d'une oeuvre aboutie et parfaitement originale, aussi déroutante qu'attachante. J'en émerge un peu épuisée, mais enchantée !
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Lensil, village sis sur une grande plaine agricole vit une année 1983 aussi morne que le paysage qui l'entoure. Les terrains ne se vendent pas, les jeunes rêvent de quitter les lieux pour rejoindre définitivement la grande ville située à une heure de là, des moisissures envahissent les maisons et, pour ajouter une touche de drame à tout cela, la petite Edith disparaît durant une partie de cache-cache. Loin de là, de l'autre côté de l'océan, Lawney Industry, le géant mondial du divertissement, envisage de créer un parc d'attractions européen. Une opportunité pour Henri Davodeau, chef de cabinet du ministre du Commerce extérieur et originaire de Lensil où son frère Denis gère l'agence immobilière familiale, de faire d'une pierre deux coups : faire venir Lawney et ses capitaux dans une France qui aborde difficilement le tournant de la rigueur, et s'enrichir au passage en spéculant sur les terrains agricoles invendables du patelin.
Jusqu'ici, on a tous les ingrédients d'un attirant, certes, mais classique roman noir mâtiné de politique fiction. Mais Antoine Chainas y ajoute une teinte supplémentaire par le biais du jeu qui donne son titre au roman. Empire des Chimères est un jeu de rôle créé par une filiale de Lawney qui a connu un succès mondial. Il devait y avoir un second volet, mais le meurtre de l'un des concepteurs par son collègue devenu fou a poussé l'entreprise à l'abandonner. Cependant, une version pirate circule. Et, justement, trois adolescents de Lensil jouent cette partie inédite et terriblement prenante. Prenante à tel point que l'on en vient à se demander si le jeu fait écho aux événements qui se nouent à Lensil ou s'il s'agit de l'inverse.
On avait été un peu déçu par le précédent roman d'Antoine Chainas, Pur, trop lisse, trop attendu, loin du malaise que pouvait instiller chez le lecteur des livres de la trempe d'Une histoire d'amour radioactive. On retrouve dans Empire des Chimères ce Chainas inquiétant, prenant parfois un malin plaisir à mettre ses personnages dans l'embarras, jouant à faire se superposer les genres – polar, politique fiction, fantastique – avant de les laisser s'imprégner les uns des autres avec certainement, plus encore que dans ses précédents romans, l'ambition de porter un roman singulier et de placer le lecteur dans une position inconfortable qui le pousse à toujours se demander où il va et s'il a bien envie d'y aller. La réponse, pour moi en tout cas, est oui. On se laisse finalement entraîner dans ce maelström de personnages brisés, trop ambitieux, en quête de rédemption ou totalement désinhibés, d'époques et de mondes qui se chevauchent et se mêlent, dans les esprits de ces personnages, mais aussi dans les lieux. Derrière les grands traits tirés dont on ne sait jamais vraiment où ils mènent, Chainas sème indices et, au détour d'une phrase, quelques phénomènes inquiétants, des moments qui restent en suspens et viennent alourdir une atmosphère déjà pesante. Il s'appuie pour cela sur des personnages riches, adolescente rebelle, garde-champêtre opiniâtre, lycéen aux frontières de la folie, parents dévastés… et une entreprise de divertissement visionnaire qui pressent le monde interconnecté d'aujourd'hui et propose déjà une autre réalité, un monde parallèle dans lequel il est aisé de s'oublier au risque d'y disparaître.
Cela donne un roman noir politique, forcément, mais qui évite de faire la leçon, d'une grande intensité et qui constitue aussi, à sa manière, une drôle d'expérience immersive. Si l'on passe sur quelques menus détails agaçants comme cette manière de parler si peu naturelle du trio d'ados accros à Empire des Chimères, il faut bien admettre que l'on a là un roman ambitieux qui fait son office à la fois de divertissement et d'aiguillon. Et c'est avec plaisir que l'on retrouve ce Chainas-là.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Difficile d'arriver à suivre le fil d'Ariane de ce roman labyrinthique et de tenter de comprendre où souhaite nous emmener l'auteur...
A mieux y réfléchir, je pense qu'avoir joué aux jeux de rôles et avoir ressenti le souffle tiède du démon de l'addiction sur sa nuque ainsi que celui plus perfide encore du transfert vers un personnage doit, ou peut, aider...
Cela dit, la lecture de ce roman assez long (658 pages) et plutôt complexe demande un réel petit effort car l'auteur nous fait passer sans arrêt d'un niveau à l'autre (celui de la vraie vie, celui du stade intermédiaire et celui du jeu proprement dit) à chaque fois que l'on rentre ou que l'on ressort du jeu (la fameuse seconde version d'Empire des Chimères).
On parcourt ainsi sans complexe le temps et l'espace : la France rurale des années 80 et les États Unis, puis les mêmes deux décennies plus tôt, et cela en alternance.
Je note au passage de très belles descriptions très poétiques de choses ou de paysages ainsi que de remarquables expressions d'impressions ou de sentiments.
Il y a aussi cette très bonne idée : le coffret parallélépipédique de bois noir comportant une corneille blanche représentée volant sur le dos... Selon les moments, elle parait lourde comme le plomb ou légère comme une plume... L'ouvrir, c'est comprimer tous les possibles en une seule réalité, mais c'est aussi avorter tous les espoirs... Alors, que faire ?
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Lecture qui me laisse un avis partagé.

Si l'on commence par la fin du roman, on clôture les dernières pages avec une furieuse envie de recommencer l'intégralité depuis le début. C'est intelligent et particulièrement bien amené.

La plume d'Antoine Chainas possède toujours ce quelque chose qui particulier qui rend ses romans uniques. Cette capacité à créer une atmosphère très particulière, quasi onirique, est pour moi un bonheur de lecture. J'avais déjà eu ce constant dans son tout dernier roman, et celui-ci s'est très rapidement confirmé.

Malheureusement, au fil de la lecture j'ai très souvent décroché. Dès qu'il était question de la partie affaires sur l'organisation et l'installation du parc à l'international. Même si ces séquences requièrent une certaine importance pour toute la compréhension du roman, elles venaient systématiquement casser mon immersion. Ce n'est seulement que dans les dernières pages que l'on comprends leur importance.
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Devant la complexité et le foisonnement d'un livre, le synthétiser s'avère un piège complexe, un Tetris mental singulier où le manque de place le dispute au découragement.

Deux solutions s'offrent alors : ne rien en dire ou bien, plus efficace, en dire peu, laissant planer un mystère... La quatrième de couverture du livre de Antoine Chainas adopte cette posture, au risque de laisser de côté des pans entiers de la narration.

Antoine Chainas est fidèle à la Série Noire, ou est-ce la Série Noire qui lui accorde sa confiance ? Toujours est-il que cet OLNI, objet littéraire non identifié, s'éloigne peu ou prou de l'univers balisé du polar brutal, social, où officiait jusqu'à présent Chainas.

Il s'aventure ici dans un registre fantastique, où plusieurs pans narratifs et temporels cohabitent parallèlement avant que les récits ne fléchissent pour finir par se rejoindre sans toutefois effectuer une jointure parfaite.

C'est peu dire que EMPIRE DES CHIMÈRES est un livre ambitieux, exigeant. S'appuyant sur une plume précise, il déroule, sur un bon quintal de pages effilées, un récit monstre et dérangeant. Dérangeant en ce qu'il peut bousculer nombres de nos repères confortables. Arborant un brin maladroitement une étiquette de polar, EMPIRE DES CHIMÈRES, s'il en respecte quelques codes, s'éloigne des balises habituelles du genre. Il s'évade. Imaginons UN SILENCE DES AGNEAUX mis en scène par un David Lynch en grande forme, et vous aurez une petite idée du bizarroïde du truc que vous tenez entre vos mains.

Autant vous prévenir, et vous l'aurez deviné, si vous êtes un(e) adepte convaincu(e) d'une rationalité bien comprise, EMPIRE DES CHIMÈRES vous déroutera certainement et vous sentirez passer la brise de l'escroquerie de la fin ouverte, définitivement non définitive.

Pour les autres... Si l'on passe outre les quelques maniérismes agaçants de l'auteur, qui semblent parfois vouloir absolument caser des mots à plusieurs syllabes dans ses phrases et provoquer l'achat impulsif d'un dictionnaire nouvellement mis à jour... Si on va au-delà, on ne peut être que bluffé devant l'ampleur du roman, la maîtrise formelle de Chainas et sa sincérité. Il ne masque jamais que les réponses apportées ne répondront pas à toutes les questions et que celles qui resteront posées sont les plus effrayantes.

Un livre clivant.

Prétentieux ou vertigineux, c'est selon... le seul sentiment que ne provoque pas EMPIRE DES CHIMÈRES, c'est l'indifférence.
Lien : https://micmacbibliotheque.b..
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