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Citations sur Le Quatrième Mur (433)

Et puis il a tiré. Deux coups. Un troisième, juste après. Cette fois sans trembler, sans que je sente rien venir. Son corps était raide de guerre. Mes larmes n'y ont rien fait. Ni la beauté d'Aurore, ni la fragilité de Louise, ni mon effroi. Il a tiré sur la ville, sur le souffle du vent. Il a tiré sur les lueurs d'espoir, sur la tristesse des hommes. Il a tiré sur moi, sur nous tous. Il a tiré sur l'or du soir qui tombe, le bouquet de houx vert et les bruyères en fleur.
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La fille a relevé la tête. Le garçon a ouvert d'autres yeux. L'instant fut magnifique. Deux acteurs se mesuraient. Ni chrétien, ni sunnite, ni Libanais, ni Palestinienne. Deux personnages de théâtre. Antigone et Créon. Elle le narguait. Il la défiait. Elle irait jusqu'à mourir. Il irait jusqu'à la tuer. Il sont restés immobiles une minute, corps penché en avant, tendus l'un vers l'autre, se prenant par les yeux sans un mot.
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J'ai trop souffert pour être malheureux, me disait-il souvent.
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Il a contemplé mon regard désolé. Il a ri. Il a dit que j'avais un papillon dans la tête et un cœur de trop.
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Lorsque nous sommes arrivés à l’appartement, j’ai demandé la permission de redescendre. Les invités seraient là à 20 heures. J’avais juste besoin de faire un tour de quartier. De marcher seul. S’il te plaît, Aurore. S’il te plaît, Louise. Le temps de me perdre un peu vers Saint-Lazare, dans les rues sans klaxons et sans regards. S’il vous plaît, tous. Une heure à moi. Pour me débarrasser de ces habits, de cette odeur. Je veux longer des immeubles sans traces, je veux croiser des passants sans armes. Je veux entendre le bruit de mes pas sur les trottoirs mouillés. Je veux regarder les platanes. Je veux le calme des réverbères. Je veux les vitrines, les magasins qui ferment, le grondement du métro souterrain dans mon ventre. Je veux entrer dans un bar. Le souffle du percolateur à café, du marc libéré à coups secs sur le rebord de la poubelle. Je veux voir les verres sur le bord du comptoir. Je veux les affiches des théâtres dans la rue. Je veux croiser des filles, des garçons. Je veux pouvoir revenir chez moi. Aurore m’a embrassé. Elle comprenait. Ça lui semblait douloureux à entendre, mais elle comprenait. Elle a réfléchi. Et puis elle m’a proposé de laisser Louise chez la voisine et d’accompagner ma solitude. J’ai refusé en lui prenant les mains. Elle a haussé les sourcils, ouvert la bouche. D’accord. Elle entendait. A plus tard, alors ? Mon amour, mon blessé, mon revenant. A plus tard, mon mari pour toujours. A plus tard, le père de notre fille fragile, qui a tellement, mais tellement envie d’un petit frère. A plus tard, futur père que j’aime. A tout de suite, à très vite. D’accord ?
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Après Anouilh revisité par les chrétiens, Anouilh était transfiguré par les chiites. Créon, vieillard fatigué par la guerre, qui ne veut que la paix pour son peuple. Créon qui tente jusqu’au bout de sauver sa nièce. Créon qui fait le sale travail pour que force reste à la loi. Créon devient un chef phalangiste d’un côté de la ligne, un calife éclairé de l’autre. J’avais une drôle de musique en tête. Quelque chose entre le piège et la trahison.
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C’était effrayant. C’était bouleversant. Un instant, je me suis dit que j’avais plus vécu en cinq jours que durant ma vie entière. Et qu’aucun baiser de Louise ne vaudrait jamais la petite Palestinienne, retrouvant les mots d’un poète en levant le poing. J’ai secoué la tête. Vraiment. Secoué pour chasser ce qu’elle contenait. J’ai eu honte. Je pouvais rentrer demain, laisser tomber, revenir en paix, vite. Un sourire de Louise et une caresse d’Aurore étaient les choses au monde qui me faisaient vivant. Et je me le répétais. Et je n’en n’étais plus très sûr. Alors j’ai eu peur, vraiment, pour la première fois depuis mon arrivée. Ni peur des hommes qui tuaient, ni peur de ceux qui mourraient. Peur de moi.
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Pendant le trajet, je te demande le silence, a dit Marwan.Il m’a expliqué que nous serions à découvert pendant huit minutes. En danger de mort. Que nous passerions dans l’œilleton de tous les snipers de la ville. D’abord, des chiites et des nassériens qui occupaient la tour Mirr. Un immeuble en construction de quarante étages que la guerre avait abandonné aux combattants. Ensuite, les fusils nous suivraient tout le long du Sérail et de la place des Canons. On ne sait jamais ce que va faire un doigt sur la détente. En arrivant au carrefour de Sodeco, nous risquions d’être pris pour cible par les tireurs chrétiens. Ceux embusqués dans la tour Rizk, qui surplombe Achrafieh, et ceux qui protègent la maison jaune. Marwan a posé la main sur mon épaule.
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J’ai tendu mon passeport au Libanais. Confiance absolue. Et pas le choix non plus. Sam m’avait décrit son chauffeur comme un prince. La soixantaine, bel homme, grand, mince, le visage anguleux, cheveux gris, moustache et cicatrice ancienne, du coin de la bouche à la tempe droite. C’est elle que j’ai vue en premier. Puis sa main tendue. Son sourire. Et cet accent roulé, qui ourle les phrases en modulant la dernière voyelle. Il y a des hommes comme ça. Au premier regard, au premier contact de peau, quelque chose est scellé. Cela n’a pas encore de nom, pas de raison, pas d’existence. C’est l’instinct qui murmure de marcher dans ses pas.
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A ceux qui me disaient que les gars d’Ordre Nouveau étaient des barbares, je répondais que c’était la guerre. Ils attaquaient, nous répondions. Pour un œil les deux yeux, pour une dent toute la gueule. Leurs armes n’étaient pas plus inhumaines que les nôtres, leur tactique pas plus monstrueuse. Nous étions frères de violence. Alors non. Ne pas crier à la férocité. Surtout pas. Racisme, antisémitisme, mépris de l’autre. Leurs idées étaient des menaces à combattre. Comme leur haine du présent, leur dégoût de l’égalité, leur aversion de la différence. Tout cela est de la sauvagerie pure. Mais leur façon de défendre leurs idées était égale à la nôtre. Lorsque je suis tombé, sur l’herbe du jardin, j’ai pensé à ça. J’avais perdu. Mon tour arrivait. Je m’en voulais de n’avoir pu les vaincre. Ils allaient faire festin de ma douleur, et c’était la marche des choses. J’étais entré en violence pour défendre l’humanité. Ils la violentaient avec les mêmes armes. Il était trop tard pour reculer. J’acceptais que l’on ne comprenne rien à tout cela. J’entendais ceux qui rejetaient la brutalité rouge comme la brutalité brune. Mais je ne pouvais admettre qu’un porteur de coups dénonce le coup reçu en retour.
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