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4,15

sur 1592 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'ai été subjugué et ébloui par cette lecture, je découvre Sorj Chalandon à cette occasion, quelle écriture, quel style !
Pour parler du livre, c'est une lecture qui se situe au niveau de la passion et des émotions, des tripes et du coeur, une quête d'identité en même temps que l'adhésion à une cause de façon inconditionnelle.
Antoine, français et luthier de métier aime déjà l'Irlande, son destin et ses certitudes vont basculer lors d'un passage à Belfast et sa rencontre avec Jim et Cathy, le début d'une amitié en même temps qu'une révélation.
Ce qui est remarquable c'est cette atmosphère que l'auteur installe très vite, le parti pris narratif qui consiste à nous faire entrer dans l'histoire à travers le regard et les émotions d'Antoine. C'est brillant de logique et de simplicité, car si le narrateur est très vite accepté et pris en sympathie, il n'est pas né irlandais, ce qui lui sera rappelé de temps en temps.
Il faut parler du contexte des années 70/90, les catholiques irlandais sont opprimés et humiliés par les royalistes et l'armée britannique, la résistance à "l'occupant" prend plusieurs formes, des codes vestimentaires, des règles tacites, des attitudes et aussi la lutte armée clandestine et violente.
Ce récit n'est pas une incursion au coeur de l'IRA bien qu'il en sera toujours question, en suivant Antoine qui dans les premiers temps vient en Irlande deux fois par an, nous serons toujours à la lisière du mystère, nous suivrons sa lente et irrésistible immersion dans un monde fait de non dits et d'appartenance tacite aux rites du peuple et des frères de coeur qu'il s'est choisis. Puis Antoine rencontre Tyrone Meehan, une figure de la lutte contre l'oppresseur, la rencontre qui va transformer sa vie.
Les événements relatés dans ce livre sont historiquement vrais, ce qui à mon sens renforce l'aspect dramatique du récit même s'il est romancé, il s'agit d'une immersion en eaux troubles, un contexte fascinant et remarquablement raconté avec une profondeur évidente, un livre marquant.
Il s'agit aussi d'une réflexion sur l'amitié comme je ne l'ai jamais vu traitée, connait-on toujours ses amis ?
J'ai eu la bonne idée de ne pas lire le résumé, ce qui m'aura rendu la lecture encore plus incertaine même si le titre ne laisse que peu de doute, il s'agit de l'un de mes gros coups de coeur en 2021.
J'ai maintenant hâte de lire "Retour à Killybegs", le complément indispensable de "Mon traître".
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Mon traître.
Quel coup de génie dans ce titre ! Précisément dans ce possessif "mon".
Car si le traître a trahi (c'est normal, c'est son rôle !), il n'a pas trahi n'importe qui, n'importe comment.
Non content de trahir un pays (l'Irlande), un groupe (l'IRA), une cause (celle des indépendantistes) il m'a trahi, moi, nous dit le narrateur.
Mon traitre.
Deux petits mots qui en disent long.
C'est un cri de douleur, d'incompréhension, d'incrédulité, de refus.
Ce traître n'est pas un anonyme, un traître parmi les nombreux traîtres de l'Histoire.
Ce traître était mon ami.
Ce traître est mon traître.
Voilà un petit aperçu de ce que nous dit ce titre. Rien que le titre. Alors, imaginez tout ce que nous dit le roman !
Un roman magnifique que l'auteur a écrit avec ses tripes.
L'Irlande, ses paysages, sa beauté sauvage.
L'Irlande de l'IRA et de ses combattants.
L'Irlande des pubs et des amitiés fortes.
L'Irlande des quartiers pauvres de Belfast.
L'Irlande et la fierté de ses habitants.
Antoine, luthier parisien s'est pris de passion pour cette Irlande-là et pour ces Irlandais. Il a été adopté par ces hommes et ces femmes terriblement attachants. Il les comprend. Il les approuve. Il embrasse leur cause. Il se sent irlandais.
L'Irlande devient toute sa vie, ses amis irlandais deviennent sa famille.
Alors quand Antoine apprend que l'un d'eux, celui dont il est le plus proche, celui qui lui a tout appris sur l'Irlande, celui qu'il admire et aime par-dessus tout, celui qui l'appelle "fils" est en fait un traitre depuis vingt-cinq ans, son monde s'écroule.
Antoine est perdu, Antoine ne comprend plus rien.
"Je ne respirais pas. J'avais la bouche en liège. le ventre en caverne. Ma tête battait. La neige avait cessé. La rue ne murmurait plus rien. J'étais assis, mains entre les cuisses. J'avais froid. Jamais, je n'ai eu aussi froid. La lumière éteinte. J'étais mon ombre, dos voûté, tête basse, bouche ouverte. Je sentais mon coeur. J'étais sans souffle."
Dans un roman magnifiquement écrit, Sorj Chalandon nous offre une réflexion très riche sur la loyauté, la fraternité, l'engagement, l'amitié, la sincérité et finalement, sur la nature humaine.
C'est beau, c'est rude, souvent poétique et toujours percutant.
Je ne suis jamais allée en Irlande et cette lecture m'a donné terriblement envie d'y aller. Je connais peu l'histoire de ce pays, et Sorj Chalondon m'a donné envie de m'y plonger.
Rares sont les romans qui vous donnent de telles envies. Rares sont les romans qui ont une telle force.
En attendant de partir pour l'Irlande, je vais rester encore un moment en compagnie de Sorj Chalandon et aller avec lui du côté de Killybegs.
J'ai hâte de retrouver Antoine, Tyrone et les autres.
J'ai hâte de découvrir ce que le traître va nous raconter.
J'ai hâte de retrouver l'Irlande !
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Un livre est la pièce d'un théâtre intime.

Sorj Chalandon nous présente un récit plein de bruit et de fureur. Il parle de chair et de sang, de patriotisme, de la cause indépendantiste nord-irlandaise et du peuple irlandais à travers l'amour naissant d'un étranger pour ce pays.
Au milieu du récit/témoignage l'auteur se glisse parmi les personnages pour rendre un roman étonnant, plein de sensibilité sur la barbarie de l'histoire et sur des lieux de mémoire.

On retrouve dans la prose de Sorj Chalandon la subtile mélancolie qui marque son oeuvre mais surtout une intensité qui crève le coeur. Des tourbillons d'émotions qui débordent, s'emportent, nous emportent. Les descriptions et les actions mixées dans un flux unique, font de ce texte tout autant un roman qu'une mise en scène visuelle.

La trahison est la clé de voûte de l'histoire ainsi que le destin d'une amitié foudroyée. Il faut se remettre dans le contexte de sang et des larmes versés par les catholiques d'Irlande du Nord pendant les "troubles" et jusqu'au processus de paix en 1998 pour vraiment saisir l'atmosphère.

L'auteur suggère toutefois des interrogations sur la légitimité de certains actes condamnables. Comment peut-on lutter contre ce qui s'imprime à jamais dans nos mémoires et dans nos coeurs ?

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Je n'avais qu'une connaissance parcellaire sur le conflit d'Irlande du Nord. Ce livre m'a donné l'occasion (comme je le fais fréquemment lors d'une lecture addictive ) de m'y intéresser plus à fond par des recherches personnelles.
Comme souvent, Sorj Chalandon se saisit de faits réels qu'il travestit, dans le cas présent, fort douloureux pour lui, c'est son amitié avec Denis Donaldson qu'il met en scène de façon originale. le traite devient Tyrone Meehan et le narrateur Antoine, Tony, un luthier( de belles descriptions sur ce métier artistique). C'est un roman puissant, magistral, qui dit la force de la fraternité , la confiance qui se fracasse
soudain , la douleur de la trahison, la tragédie de la guerre, encore plus quand il s'agit d'une guerre civile. J'ai été transportée en Irlande, j'ai partagée ces drames, la souffrance absolue de ce peuple, j'ai humé l'atmosphère tourbeuse, j'ai écouté la souffrance et la joie portée par la musique.
Un grand livre.
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« Troubles »en Irlande du Nord, terrible histoire d'amitiés et de deuils.

Un jeune homme un peu naïf, un luthier français, a séjourné à Belfast et noué une amitié profonde avec des Irlandais qui l'ont accueilli comme un des leurs. L'Irlande devient une obsession. Antoine emporte en lui ce pays déchiré, où des chars patrouillent dans les rues, où un enfant est tué en allant acheter du lait, où des prisonniers meurent en faisant la grève de la faim. Une sale guerre…

Le téléphone sonne et il apprend que son ami est mort dans une explosion. Il est secoué, des larmes, un cercueil à porter sur son épaule, un cimetière des héros, un deuil…

Et puis un jour, un mot à la radio, un entrefilet dans un journal et il apprend que son autre ami était un traître. C'est un véritable K.O., il est complètement sonné. Est-ce la mort d'une amitié, celle d'un héros déchu, d'un menteur ? Doit-on tourner le dos? Peut-on pleurer et faire son deuil d'un ami et d'un pays?

Un roman troublant, un roman de détresse et de combativité, d'amitié et de trahison. Sorj Chalandon a vraiment le don pas juste de décrire, mais de faire ressentir. Et dans ces émotions, difficile de trancher entre le bien et le mal…
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Les rues de Belfast résonnent encore de la poudre qui explose, des pieds qui battent le pavé, de ces corps qui saignent, de ces yeux d'où tombent des cascades de larmes... Ces yeux qui pleurent cette Eire qu'imagine Antoine, cette vieille femme aux cheveux blancs et au fort caractère qui lutte pour son identité, ces yeux qui rient au son du gaélique et qui se tordent de colère devant ces anglais qui défilent, conquérants contre ce peuple opprimé.

C'était hier, au détour du calendrier. Ce conflit s'étirera pendant plus de vingt ans, jusqu'à l'aube des années 2000.

Antoine est luthier et parisien. Sa femme l'a quitté. La monotonie jalonne sa vie jusqu'à ce qu'il ne découvre une photo de James Connolly qui fut d'une des figures de la résistance irlandaise contre les anglais pendant la fin du 19e siècle. Nous sommes en 1974. Ce portrait en noir et blanc, collé dans le fond d'un étui à violon, va donner à sens à son existence beaucoup trop terne. Une conversation avec un client, une impulsion et le voilà en Irlande, à la rencontre de cette vieille femme à la chevelure blanche.

Elle est partout autour de lui, autour de ces enfants qui jouent, autour de ces enfants qu'on enterre, sur ce mur que l'on marque de graffitis, dans sourire de Cathy et Jim O'Leary qui l'accueillent les bras ouverts, lui le luthier de Paris.

Et c'est en Irlande que le luthier devient homme. « Fils ». Ces mots s'impriment dans son coeur. « Regarde comment on fait ». Et dans les urinoirs d'un bar irlandais, Antoine devient Tony. Antoine est frappé à l'âme par Tyrone Meehan, ce leader irlandais emblématique et charismatique, incarnation vivante de la cause, et qui lui apprendra à uriner comme un homme. La vie est faite de petits moments insignifiants mais déterminants et celui-ci en est un. Une histoire d'hommes. La naissance d'une amitié.

Antoine-Tony rentre à Paris profondément bouleversé. L'Irlande lui a offert ce qui lui manquait, l'amour familial de ceux qui pleurent les leurs mais gardent le menton levé et ne baissent pas les yeux, l'amour d'une terre qui vous reçoit les bras ouverts et vous donne tout ce qu'elle a, même si elle n'a rien.

Le jeune homme se construit sous nos yeux, bouton fragile qui éclot peu à peu pour devenir un homme engagé dans une cause.

Mais le monde n'est jamais ni noir ni blanc. Il est fait de multiples nuances de gris. Et c'est ainsi que Tyrone, le Tyrone pilier du combat est en réalité un traître qui fournit des renseignements à l'Angleterre depuis près de 20 ans. Mais où s'arrête sa traîtrise ? Est-il seulement le traître de l'IRA ou est-il aussi le traître d'Antoine? Les valeurs humaines qu'il lui a transmises, noble héritage de cette vaillante Irlande, sont-elles réelles ou n'étaient-elles finalement qu'un rideau éphémère. Qui était ce Tyrone-Denis dont il doit faire le deuil ? Leur relation était-elle sincère ?

J'avais été touchée par Profession du père du même auteur. C'est un récit auquel je pense encore beaucoup. Il en va et en sera de même pour celui-ci. Sous des couverts de fiction, Sorj Chalandon mêle des touches autobiographiques, Antoine-Sorj, Tyrone-Denis Donaldson, et les mots sont d'autant plus forts.


Ce récit ne se contente pas de s'immerger dans l'histoire de l'Irlande il observe et analyse les rouages du coeur humain. Il est tellement facile de porter un jugement, de prendre position, de trancher dans le vif, alors qu'en fait, le monde n'est que dégradé, et rien n'est vraiment simple.
Lien : http://lelivrevie.blogspot.f..
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C'est le premier livre que je lis un livre de Sorj Chalandon et en consultant ce roman, je me suis dit que je me devais de le relire.
C'est rempli de poésie, des mots qui vous touchent en plein coeur.
Un ouvrage qui soulève votre âme, qui vous indigne, vous pourchasse ou la trahison n'existe pas…
Lors d'une guerre nous sommes faible, et qui sommes-nous pour juger.
Je ne peux pas prétendre que je serais meilleure qu'eux. Je ne sais pas, je ne connais pas autant de violence, de rancoeur et de désespoir.
Alors moi je pardonne, comme ses révolutionnaires, ses combattants…

Un auteur que je suis heureuse d'avoir découvert.

Extrait :

Parole de Tyrone à Antoine :

– Je ne te dois rien, petit Français. Je ne dois rien à personne. J'ai merdé, fils. J'ai fait ce que j'ai fait et cela m'appartient.

– ...Personne ne naît tout à fait salaud, petit Français. le salaud, c'est parfois un gars formidable qui renonce….


Bonne lecture !
Lien : https://angelscath.blogspot...
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Il fallait bien dans mon exploration irlandaise que je revienne à Sorj Chalandon et à Mon traitre !

Bien loin de la vision touristique et bucolique de l'Irlande, Antoine, jeune luthier parisien nous emmène à Belfast dans les années 1970 à 1990 où il fait la connaissance d' hommes et de femmes qui luttent avec leurs petits moyens, mais avec leur coeur et leur âme toute entière contre l'envahisseur anglais, unis par la même flamme de patriotisme et de catholicisme .

Antoine découvre ainsi un but à sa vie jusqu'ici monotone, et noue de solides amitiés , en particulier avec Tyrone Meehan, un des chefs de file du mouvement indépendantiste Sinn Féin, lien quasi filial avec cet homme dont le fils est emprisonné .

De nombreux voyages en Irlande et l'hébergement de certains résistants irlandais dans sa petite chambre parisienne donnent à Antoine une envergure et l'impression de participer lui aussi au mouvement .

C'est une Irlande dont la couleur dominante est le gris , celle des petites maisons , des rues de Belfast, des pavés des trottoirs, une teinte qui vire au noir quand sont évoquées les prisons, les tortures, les gréves de la faim et les morts de ces jeunes gens mais une Irlande tellement chaleureuse au coeur de ses partisans .

Jusqu'à la révélation de la trahison depuis vingt cinq ans de Tyrone Meehan, et l'incompréhension et les doutes d'Antoine : Tyrone a t'il aussi trahi cette forte amitié ?

Poignant, sublime .

Mon regret : ne pas avoir enchainé Mon Traitre et Retour à Killigsbey pour mieux rester imprégner par l'ambiance de ce drame .
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Une trahison fraternelle
L'Irlande du Nord. Aux sons du violon et des pintes de bière qui s'entrechoquent, l'amitié entre un Français et un héros indépendantiste. Héros, mais traître. Une superbe histoire de fraternité dont on ne ressort pas indemne.

25/08/2009
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Et bien en ouvrant ce livre je m'attendais pas du tout à cette trahison. le plus vilain mot entre deux être tant en amour qu'en amitié peut être encore plus en amitié. Une fois encore, Sorj Chalandon a le don de nous emporter au coeur du récit, nous faire vivre cette guerre mais aussi nous faire découvrir un pays avec ses moeurs, ses paysages, ses ambiances. Je ne connais pas l'Irlande, mais le fait de lire j'ai pu ressentir cette atmosphère particulière, cette attachement à un pays.
J'ai beaucoup aimé également l'atelier de luthier, avec toutes les odeurs de bois, de vernis, le fouillis et le respect des instruments. Un très bel hommage à ce métier.
Puis bien sûr l'IRA, je n'ai pas trop de souvenirs de cette époque, de cette guerre, peut être venait elle en France atténuée, déformée ou bien l'âge qui veut qu'on ne se soucie guère du lointain mais juste de ses copains et copines. Alors, oui j'ai pu combler cette lacune, et comprendre cette armée et une fois encore l'auteur nous conte la guerre comme s' il l'avait vécu, peut être d'ailleurs, puisqu'il était journaliste.
Et puis "mon traître", cette blessure, d'avoir été trahi, c'est dur, incompréhensible, comment faire confiance, à cet homme qui se disait ami, alors il tente de savoir de comprendre, mais il ne saura jamais car sans doute le traître ne sait pas lui-même. C'est ça, ne pas savoir, ce silence lourd, qu'il voudrait briser, et encore, comment croire à sa parole, même son regard ne dit rien, alors pourquoi ? voilà la question. Pourquoi ? Et encore là, la seule réponse sera le silence.
Un très beau roman sur l'amitié, sur ce moment d'histoire, pour l'Irlande, et le métier de luthier, j'ai bien aimé ce livre et je m'en vais lire l'autre titre sur Irlande, tellement il m'a emportée vers un pays attachant.

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