AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Le conteur, la nuit et le panier (6)

Je fus très vite conscient d’un phénomène étrange : mes lectures n’avaient pas épuisé toute ma bibliothèque. Certains livres étaient restés pour moi endormis : je n’avais pas rencontré leur auteur, souvent des créateurs qu’on ne saurait négliger. Une conversation, un article de journal, un bout de phrase qui flotte dans une indication les rappellent à votre bon souvenir comme le ferait un éclat de jasmin. On se précipite dans ses rayonnages, on les trouve, on s’y plonge, et… ce qui ne s’était pas passé avant se produit ! De ce point de vue, les bibliothèques relèvent de la caverne d’Ali Baba, du labyrinthe inépuisable et du grand cimetière. On y entasse par gourmandise, l’entassement creuse des angles morts ; les lectures trop avides qui deviennent des réflexes traversent de longs couloirs inertes ; dès lors, on peut s’y perdre, mal peser des merveilles, aller aux verroteries… Néanmoins, même endormi, même oublié, même resté invisible, un livre important intègre votre univers sensible, il vous nourrit et nourrit les moments de l’Écrire durant lesquels votre être en son entier acquiert une densité d’étoile.
Commenter  J’apprécie          153
L'écriture s'étant installée chez moi telle une sale manie, j'étais devenu sensible à la question de la langue employée. Ma mère négresse était plutôt de langue créole, c'était son naturel. Mon père s'était construit une "manière de mulâtre à beaux-airs" à grand renfort de langue française; il exhibait la chose en récitant de mémoire appliquée les impressionnantes merveilles d'un signalé monsieur Jean de La Fontaine. J'étais sans doute bien plus à l'écoute émotionnelle de ma mère, car, dans ma tête où s'entrechoquaient les deux langues, le créole s'accrochait au vif et au sensible. (p. 46)
Commenter  J’apprécie          120
Le rapport privilégié que l'on entretient avec un ouvrage n'est souvent irréductible à aucune expérience autre. Le livre peut être important, insignifiant, même regrettable...Qu'importe: il vous a apporté quelque chose, un mot, une phrase, une leçon, un personnage, une maille de sensibilité, un rien qui nuance votre vie...(p. 43)
Commenter  J’apprécie          120
Ces livres subitement réveillés avaient, au fil des ans, dessiné dans ma bibliothèque une "géographie cordiale". (...)
Cette âme de toute bibliothèque fidèlement éprouvée, je l'ai appelée : sentimenthèque. On n'écrit pas avec toute une bibliothèque, juste avec ce qui a pu atteindre nos chairs. (p. 43)
Commenter  J’apprécie          40
A l'instar de toutes les traditions, celle du conte était bien encadrée. Elle disposait de ses codes, ses normes, ses interdits, ses règles. On m'expliqua très vite que le conteur créole ne pouvait conter que la nuit, et que s'il le faisait de jour il se retrouverait là-même transformé en panier. (p. 52)
Commenter  J’apprécie          20
Bien entendu, ces ouvrages où je vivais au rêve ne me parlaient jamais de moi. Ils n'évoquaient ni les paysages que je connaissais, ni ma langue maternelle, ni les choses qui composaient mon existence. Pour disposer d'ouvrages qui refléteraient ma réalité antillaise, je me mis à rôder du côté de la Bibliothèque Schoelcher, un édifice improbable, pagode de fer et de dorures, posté au centre de la ville, en face d'une savane d'origine militaire, juste à côté de ce palais de gouverneur qu'utilisent encore nos préfets de passage. Sa base livresque provenait du don des ouvrages personnels de l'admirable Victor Schoelcher. Je me vois encore monter les quelques marches , traverser une sorte de nef entre les falaises de livres reliés sentant le cuir confit, le papier mort, le ravet sec, la naphtaline. Je me vois approcher du vieux conservateur qui somnolait l'après-midi dans les poussières de son bureau. Touché par ma démarche de négrillon bizarre, cet être humain (...) m'accorda l'accès à une vieille armoire grillagée où s'éternisaient dans un coin d'oubli des livres concernant les Antilles. Livres de flibustiers en dérade dans les îles; livres de prêtres savants qui établissaient chronique de leurs séjours aux Amériques; livres de colonialistes heureux de posséder des îles; enfin, livres de poètes énamourés alentour des doudous, des fleurs et des joliesses du paysage.... d'une manière générale, les vainqueurs tenaient la plume, et quand ce n'était pas eux c'était leur seul imaginaire qui introduisait l'évocation de ce pays et qui disait le monde. Mais j'avais une telle soif de ma propre " réalité" que ces lectures me procuraient, à beau dire à beau faire, un plaisir sans manman. (p. 4
Commenter  J’apprécie          20




    Lecteurs (41) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

    Françoise Sagan : "Le miroir ***"

    brisé
    fendu
    égaré
    perdu

    20 questions
    3664 lecteurs ont répondu
    Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

    {* *}