Djinn avait été un bon génie et un démon, il était à présent un spectre. Glacial et indétectable.
Désormais il était paré pour le petit djihad, celui des chairs, des bombes et de la terreur.
Le 11-Septembre avait fait entrer le monde dans le XXIe siècle et dans l’ère du terrorisme, Djinn ambitionnait une déflagration du même acabit, à laquelle on ferait référence plus tard pour rappeler qu’elle avait été un tournant décisif dans cette guerre de religion.
Il n’y avait aucun hasard, et Djinn devrait désormais mener une lutte sans merci contre les mécréants qui salissaient le nom sacré d’Allah, il devait se muer en un soldat impitoyable, mener le djihad.
– Je ne tue pas un homme, moi, ajouta Djinn en mettant le contact. Je les tue tous.
De son enfance, il retenait l’amour de sa mère et des odeurs d’olive, de citron, de miel, de fleur d’oranger, de pain qui cuit dans le four dehors, des chèvres lorsqu’il était tout petit ; puis, une fois à Beyrouth, il y avait eu celle, plus âcre, de la poudre.
Marc Tallec se contenta de mâcher en la fixant. Il était beaucoup plus grand que Ludivine et elle se sentit soudain toute petite, ce qui n’était pas dans ses habitudes. Il y avait quelque chose d’intimidant dans l’intensité du regard de cet homme, dans sa stature.
Ceux que nous considérons comme radicaux peuvent l’être dans toutes les religions. Nous sommes en démocratie, libres d’avoir nos convictions, tant que nous ne poussons pas à la haine et à la violence.
Pour tout cela, sa mère avait fini par le surnommer Djinn. Esprit de l’air et du sable, âme du feu, tour à tour bon génie ou démon. Djinn était tout cela.
La DGSI dépêchait-elle vraiment un agent directement sur le terrain dès qu’un fiché S disparaissait ? Suivre l’enquête à distance, exiger un rapport détaillé, pourquoi pas, mais Ludivine sentait qu’il y avait autre chose qu’on ne lui disait pas. Les services secrets, lefanatisme religieux et ses zones d’ombre, il n’y avait rien là pour la rassurer.
Cette affaire sentait de plus en plus mauvais.