Très grand gel
sur tout du monde
sur les terres plates ou rondes
brunes ou jaunes ou vert tendre et croissant
très grand gel sur les arbres dodus ou sur les arbres à pics
sur les genêts, sur les nénuphars, les fraîches tulipes, au cœur des bosquets
très grand gel jusque dans la moelle des profondes forêts
très grand gel sur les chemins, les routes larges et droites
dans les corbeilles, sur les rues, dans la clairière
sur les toits, dans les herbes
sur les meules, entre les griffes des chats, dans la gueule du chien
très grand gel sur les fils à haute tension, dans la serviette, le catalogue
très grand gel qui a arrêté les ailes des oiseaux et celles des moulins
(…)
C’est que tout du passé monte
toutes les années passées viennent
en images et en sons d’un coup
toutes les armées des années montent
arrivent en un galop qui n’a de cesse de marteler la terre au plus fort
n’a de répit de s’amasser, s’amalgamer au plus compact
se tiennent là en rangs serrés, les armées des années
barrent le passage,
et nous ne pouvons plus mettre les pieds de nos yeux sur ce qui est là
tandis que nous n’entendons plus que le très grand rire de très grand gel .
RÉMI CHECCHETTO - PARTIR, ARRIVER, NAVIGUER ET AUTRES CONSTRUCTIONS PAS FATALEMENT INTEMPESTIVES
Lecture par l'auteur & Louis Sclavis (clarinette & saxophone)
Le départ, l'exode, la faim, le désir, une humanité depuis ses origines, une place où être, une nouvelle langue à apprendre, la vie à continuer, à construire toujours...
Partir, naviguer, arriver et autres constructions pas fatalement intempestives évoque les longues migrations de l'humanité poussées par la peur, la guerre mais aussi la curiosité, le désir de voir ailleurs dans le mouvement même de la civilisation.
À lire – Rémi Checchetto, Partir, arriver, naviguer et autres constructions pas fatalement intempestives, éd. Lanskine, 2020.
+ Lire la suite