Quand il écrit "
Les mains dans les poches" on pourrait penser que
Bernard Chenez est un dilettante qui raconte ses années d'insouciance évoquées par cette position. Pourtant ce n'est pas le cas puisqu'on ne peut pas dire qu'il ne fait rien, au contraire.
J'aime beaucoup l'image du début avec la parabole du train et je trouve que ce livre démarre très fort.
J'ai adhéré rapidement et apprécié cette lecture même si le récit ne va pas tenir la longueur avec la même intensité. C'est une façon de parler parce que le livre n'est pas très long (moins de 200 pages).
Comme dans le train circulaire de Tokyo qu'il remonte dans un sens ou dans l'autre
Bernard Chenez nous donne à lire un vécu intéressant puisque il est le témoin d'une époque, celle de la génération des soixante-huitards comme on dit.
L'auteur écrit dès le début que ce qu'il raconte ne suit pas la chronologie de ce qu'il a vécu. Car ce sont des souvenirs sous forme de textes courts qui sont présentés ici.
Cette présentation m'a évidemment fait penser à
Philippe Delerm. Car il y a peu d'auteurs qui utilisent ce procédé littéraire du recueil de petits textes. On pourrait d'ailleurs les lire dans le désordre à l'exception du début et de la fin qui se répondent.
L'auteur évoque ses souvenirs d'enfance, ses amours, ses boulots, ses engagements, ses espoirs et ses désespoirs. J'ai particulièrement apprécié son expérience d'ouvrier et les luttes menées pour sauvegarder son usine. Il nous rappelle l'histoire de l'île de la Jatte et de son passé industriel. C'est un lieu sur la Seine près de Paris où se trouvaient de nombreux sous-traitants automobiles. Des bateaux et des voitures de luxe furent aussi construits sur l'île désormais transformée en ghetto de riches.
Ses lieux parisiens m'ont inspirée mais il y aussi des découvertes comme l'île anglo-normande de Sercq propice à l'amou
r ou encore Granville la normande où ses souvenirs d'enfance sont imprimés.
Puis arrive le désenchantement, celui des luttes ouvrières mais surtout celui lié à la perte des proches.
Bernard Chenez doit porter ses morts et ça le rend aigri. Il dit qu'il se résigne à n'aimer personne, ce que je trouve vraiment triste.
Il est vrai qu'il y a des différences de ton quand il évoque ses parents. Il semble encore affecté par les rapports difficiles entre lui et son père et surtout par sa violence qu'il ne pardonne pas.
Cette dernière partie plombe un peu l'ambiance même si le livre est très bien écrit.
Ce livre m'a été offert par les éditions Héloïse d'Ormesson dans le cadre d'une opération masse critique et je les en remercie.