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Citations sur Le Dit de Tianyi (72)

L’homme en exil qui contemplait le vaste paysage n’était-il pas l’enfant d’Asie qui avait regardé, à côté de son père, le fleuve Yangzi et qui avait remonté vers d’autres sources. Ici comme autrefois, c’était la même découverte pour lui : à son commencement, le fleuve si long et si large n’est qu’un filet d’eau enfoui sous les herbes impénétrables. Buvant la claire source jaillie d’une roche aménagée pour désaltérer le voyageur, j’avais le cœur gonflé de reconnaissance pour cette terre qui m’avait accueilli, et pour la femme à côté de moi qui en était l’initiatrice.
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L’homme, taraudé par le fini, s’échine à rejoindre la femme, envahie par l’infini, sans jamais y parvenir. Il lui reste à demeurer cet enfant abandonné qui pleure au bord de l’océan. L’homme s’apaiserait s’il consentait à écouter seulement la musique qui résonne là, en lui et hors de lui – d’écouter humblement la femme devenue un chant trop nostalgique pour être accessible.
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La chair était triste et la parole grelottante. Et par ailleurs, comment ne pas se laisser entraîner à l’une de ces orgies collectives chez quelque peintre parvenu, où le déguisement et la nudité, obligatoires, s’ingéniaient à inventer des jeux cruels et vains, où le désir, lamentablement rétréci, s’empoisonnait et pourrissait à vue d’œil…
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C’était en m’accrochant à la lueur bleue que toutes les nuits suivantes je tentais de dominer ma peur. Je communiais avec la souffrance de l’autre qui avait maintenant un visage. Le jeune homme aux yeux fiévreux et aux joues creuses, entre-temps, était devenu mon compagnon. Par allusions successives, il m’avait signifié que son plus grand regret était de devoir quitter cette vie sans avoir connu de femme. Comment le consoler ? Pouvais-je lui dire que tout homme, né d’une mère, a déjà connu la femme. Et sa mère, si elle le savait – elle ne le saura jamais -, le reprendrait volontiers en elle, le réchauffant de sa chair, pour qu’il renaisse. Nuit après nuit, à défaut d’être consolé, je me contraignais par la pensée à devenir consolateur. Le jeune homme avant de disparaitre m’aura fait, à sa manière, un signe de vie. Un signe de la vie.
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« Je ne sais pas ce qui adviendra de nous, mais je sais qu'entre nous cette alliance, née à un moment décisif de nos deux vies, est désormais scellée… »
Elle ne pouvait plus continuer. Mais elle avait dit ce qu'elle avait à dire, ces paroles qui ne pouvaient être dites à aucun autre moment que cette nuit, devant ce lac. Comme délivrée d'un aveu, elle parut soudain apaisée. Dans la clarté qui filtrait entre les branches, l'instant se cristallisa en une pièce de jade sur laquelle scintilla une traînée de rosée.
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Le public d'ordinaire si bruyant écoutait en silence. On eût dit qu'il était en quelque sorte purifié par la figure de cette héroïne pourtant à priori impure ː un serpent. Cet être qui vient du fond de l'univers obscur, qui, à force de désir sincère et de patience concentrée, devient un être humain, une femme à la beauté d'autant plus fascinante qu'elle est d'origine animale.
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« Pourquoi je me suis mis à évoquer ces choses que je n'avais dites à personne ? Je parlais de pardon. Car les révolutionnaires épris de justice deviennent des justiciers de plus en plus implacables. Qui peut encore interrompre cette chaîne de haines et de violences ? Nous ne le pouvons pas. Dieu seul le peut. L'histoire chinoise est jalonnée d'hommes bons et droits, épris de vertu et de sainteté ; beaucoup d'entre eux sont morts en martyrs. Au nom de l'idéal du lettré, au nom du Souffle intègre qui anime L'Univers. Tout cela est grand et honore ce pays. Car sans ces hommes à l'esprit élevé, sans ces martyrs, il n'existerait plus. Mais saura-t-il accueillir aussi quelqu'un qui est venu d'ailleurs et qui a accepté de mourir au nom de l'amour et du pardon ?… »
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L'univers tyrannique est plein de fureurs, de frayeurs et de failles. L'humain profite de la moindre brèche laissée par l'inhumain pour germer et pour croître.
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Est-il concevable que les révolutionnaires, une fois la révolution faite, se retirent, au lieu d'imposer pour longtemps un nouvel ordre qui finira forcément par se durcir et se rigidifier ? Décidément non. Ils auraient été des sages, et non des hommes voués jusqu'au bout à l'action, soumis au désir de puissance. Inexorablement donc, un nouvel ordre fut établi. Comme tout un chacun, on se répéta qu'il fallait en comprendre la nécessité. Il s'agissait bien de la révolution, n'est-ce pas ? Il fallait "nettoyer les résidus contre-révolutionnaires" ; il fallait "extirper les racines féodales". (..) Inexorablement donc, le pays vaste comme un continent fut quadrillé. Pas un village qui ne fut transformé en brigade de production ; pas un citadin qui ne fut incorporé dans un comité de quartier. Par de régulières réunions de critiques et d'auto-critiques, chacun était poussé à prendre conscience de ses "fardeaux idéologiques", à se mettre à nu.
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Au fond, de quoi est-il fait, le visage ? Une peau de quelques centimètres carrés recouvrant un crâne et quelques os, et un petit nombre d'orifices. C'est lui pourtant, ce presque rien, sans réelle épaisseur ni profondeur, qui signale l'être humain, qui fait que chacun devient une entité à part, car il est un signe reconnaissable entre tous. (..)
A partir de la naissance, chaque visage est façonné par toute une vie de désirs refoulés, de tourments cachés, de mensonges entretenus, de cris contenus, de sanglots ravalés, de chagrins niés, d'orgueil blessé, de serments reniés, de vengeances caressées, de colères rentrées, de hontes bues, de fous rires réprimés, de monologues interrompus, de confidences trahies, de plaisirs trop vite survenus, d'extases trop tôt évanouies. Chaque ride en porte la marque aussi sûrement que les anneaux d'un arbre. C'est tout cela que le visage révèle de la personne, à son insu, malgré l'effort surhumain qu'elle déploie quotidiennement pour le cacher. Le visage, c'est bien ce que chacun connaît le moins bien de lui-même. C'est ce que chacun porte, au-dessus des épaules, afin que les autres puissent le reconnaître, lui coller un nom, l'aimer un peu ou le haïr beaucoup.
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